Cameroun
25.02.15
Rapports

Publication d'un Rapport: Les défenseurs des droits des personnes LGBTI confrontés à l'homophobie et la violence


L'Observatoire pourla protection des défenseurs des droits de l'Homme (FIDH-OMCT)
REDHAC - Réseau desDéfenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale

MDHC - Maison desdroits de l'Homme au Cameroun

AMSHeR - African Menfor Sexual Health and Rights

Douala, Genève,Johannesburg, Paris, le 25 février 2015 - Les menaces et atteintesà l'intégrité physique des défenseurs des droits des personnes lesbiennes,gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) au Cameroun ont pris cesdernières années une dimension particulièrement inquiétante, dénoncent nosorganisations dans un rapport présenté aujourd'hui à Douala. D'après lestémoignages et éléments recueillis en 2014 lors d'une mission d'enquête, lesviolations augmentent en nombre et en intensité, allant parfois jusqu'auxmeurtres, mais rien n'est fait pour juger leurs auteurs. Pour nosorganisations, ce constat d'impunité est d'autant plus amer que dans le mêmetemps les autorités arrêtent et condamnent pour actes homosexuels de nombreusespersonnes. En effet, depuis 2011, au moins 28 personnes auraient été condamnéesau Cameroun au motif de leur orientation sexuelle, réelle ou imputée.

« Au Cameroun, ceux quidéfendent les droits humains des personnes LGBTI sont victimes de lacomplaisance de ceux qui sont censés garantir le respect de leurs droits etleur sécurité », ont déclaré nos organisations. « La justice,au lieu de faire valoir le principe de l'égalité de tous devant la loi, avalisela répression des LGBTI et de leurs défenseurs. Cela peut et doit changer. UnÉtat de droit ne saurait tolérer que l'on puisse être menacé ou assassiné entoute impunité en raison de qui on aime ou de qui on est ».

Au Cameroun, les acteshomosexuels sont pénalisés depuis 1972. L'article 347 bis du Code pénalcamerounais prévoit en effet une peine de six mois à cinq ans d'incarcérationpour toute personne reconnue coupable de « relations sexuelles entrepersonnes du même sexe ». C'est dans ce contexte légal défavorable queles atteintes aux droits des défenseurs des personnes LGBTI ont pu semultiplier ces dernières années, et ce dans l'indifférence voire avec lesoutien des autorités administratives, policières et judiciaires.

Les associations et les ONG ne peuventpas s'enregistrer sous un nom faisant explicitement référence aux droits despersonnes LGBTI. En2013,une partie des bureaux d'Alternatives-Cameroun a été incendiée, etceux d'AIDS ACODEV, du REDHAC et de CAMEF ont été cambriolés et saccagés. Lesdéfenseurs des droits des personnes LGBTI et notamment les rares avocats quiles défendent, ainsi que les membres de leurs familles, subissent régulièrementdes insultes et des menaces de mort, de façon directe et/ou anonyme partéléphone ou SMS. La présidente du REDHAC et l'un des avocats représentant lesLGBTI ont également du évacuer les membres de leurs familles en raisond'attaques et menaces graves visant leurs proches.

Parallèlement, aucune des nombreusesplaintes déposées par les défenseurs des droits des personnes LGBTI pourdénoncer les violations de leurs droits n'a connu de suite. Et pour preuve,l'enquête sur l'assassinat d'EricOhena Lembembe, directeur exécutif de la Cameroonian Foundation for AIDS(CAMFAIDS) et journaliste engagé dans la défense des droits des personnesLGBTI, retrouvé assassiné à son domicile le 15 juillet 2013, reste au pointmort.

Selon nos organisations, « l'enquêtebâclée et les irrégularités de procédure dans l'affaire de l'assassinat d'EricOhena Lembembe sont révélatrices de l'impunité garantie aux auteurs desviolences commises contre les personnes LGBTI et les défenseurs de leurs droits.La justice camerounaise doit mener une enquête réellement indépendante,impartiale et transparente afin d'identifier les responsables de ce crime etles juger ».

Nos organisations rappellent que le Comitédes droits de l'Homme des Nations unies a recommandé aux autoritéscamerounaises de prendre des mesures immédiates afin de dépénaliser lesrelations sexuelles entre adultes consentants de même sexe, de manière à mettresa législation en conformité avec le Pacte international relatif aux droitscivils et politiques. Dans ses observations finales de2013 à la suite de l'examen du rapport de l'État du Cameroun, la Commissionafricaine des droits de l'Homme et des peuples a quant à elle dénoncé le harcèlementjudiciaire, les atteintes à la vie et autres violations des droits desdéfenseurs des droits humains, particulièrement ceux travaillant sur lathématique de l’orientation sexuelle.

« L'homophobie, légitiméepar la pénalisation des actes homosexuels et attisée par les déclarations dereprésentants de certaines autorités politiques et religieuses et certainsmédias, place les défenseurs des droits des personnes LGBTI dans une insécuritépsychologique et physique », déplorent nos organisations.

Nos organisations réitèrent leur appelaux autorités camerounaises à dépénaliser l'orientation sexuelle et à s'engagerdans une véritable lutte contre toutes les formes de discrimination, via desmesures administratives, politiques et légales afin de garantir le respect desdroits humains et libertés fondamentales de tous les individus indépendammentde leur orientation sexuelle ou de genre, conformément aux standardsinternationaux.

Contexte

L'Observatoire pour la protection desdéfenseurs des droits de l'Homme, un programme conjoint de la FIDH et del'OMCT, a mené, en coopération avec la MDHC, le REDHAC et AMSHeR, une missioninternationale d'enquête au Cameroun, en janvier 2014, sur la situation desdéfenseurs des droits des LGBTI. Composée d’Assane Dioma Ndiaye (Sénégal),avocat au barreau de Dakar et président de la Ligue sénégalaise des droits humains(LSDH), de Berry Didier Nibogora (Burundi), juriste, chargé de programme Lois,Politiques, Plaidoyer et Droits de l’Homme chez AMSHeR, et de CatherineDelanoë-Daoud (France), avocate au Barreau de Paris, la mission a pu constaterla précarité de l'environnement des défenseurs du droit à la santé et desdroits humains des personnes LGBTI et documenter les actes d’intimidationcommis à leur encontre. Le présent rapport est le résultat de cette enquête.Cette mission a également rencontré plusieurs témoins, proches d’Éric OhenaLembembe, et acteurs de la justice afin de faire le point sur l’étatd’avancement de l’enquête sur la mort de ce défenseur et journaliste engagé enfaveur des droits des personnes LGBTI. Un communiqué de pressede retour de mission a été publié en 2014.

Le rapport est disponible en françaisaux liens suivants :

Rapport OBS Cameroun 2015 Fevrier Français

Pour plus d’informations, veuillez contacter: - FIDH :Arthur Manet/Lucie Kröning : + 33 1 43 55 25 18
- OMCT : MiguelMartín Zumalacárregui : + 41 (0) 22 809 49 24