Colombie
12.12.19
Rapports

Chronique d’une judiciarisation annoncée – La défense des droits humains au banc des accusés

Bogota-Genève, 12 décembre 2019 – Depuis le début dela grève nationale le 21 novembre, 1 023 personnes ont été arrêtées, dont aumoins 47 ont été traduites en justice. La criminalisation de la protestation etde la défense des droits humains ne se limite pas au moment présent. Un rapport publié aujourd'hui[1]met en évidence une politique constante d'utilisation abusive des institutionspour tenter d'étouffer la défense des droits humains.


LaColombie est l'un des pays les plus dangereux au monde pour les défenseur(e)sdes droits humains, le preuve : les 155 défenseur(e)s des droits humainsassassiné(e)s en 2018 et les 89 défenseur(e)s assassiné(e)s cette année, selonles chiffres du programme Somos defensores.

Lesagressions les plus visibles sont les homicides et les menaces. Cela dit, lesdéfenseur(e)s des droits humains sont confronté(e)s à d'autres typesd'agressions, notamment l'engagement de poursuites pénales à des fins de harcèlementou de diffamation.

« Au lieu de protéger lesdéfenseur(e)s, le système judiciaire et le droit pénal sont souvent utiliséscontre eux. Le rapport indique qu'entre 2012 et le 15 juillet 2019, 249défenseur(e)s des droits humains ont fait l'objet de poursuites injustifiées,une affaire tous les 11 jours. Les personnes poursuivies voient leur niveau derisque augmenter et donc l'objectif serait clairement de les museler »,a déclaré Franklin Castañeda, Président du CSPP.

« La judiciarisation des défenseur(e)suniquement en raison de leurs actions en défense des droits humains est injustemais aussi perverse. Cela contribue à perpétuer les violations des droitshumains auxquelles ils s'opposaient, telles que la pollution, la déforestation,la concentration des terres et une érosion de la liberté d'expression ou demanifestation pacifique. C'est la société colombienne dans son ensemble qui estperdante. Tous, sauf les auteurs », a déclaré Gerald Staberock, SecrétaireGénéral de l'OMCT.

Cerapport montre que 71% des cas sont concentrés sur 6 départements[2], départements qui concentrentégalement 35,7% des titres miniers dans le pays et le 46% des zones où setrouvent des puits de pétrole, ce qui permet d'établir une corrélation directeentre la défense des droits humains dans les contextes de lutte pourl’environnement et l'utilisation abusive du droit pénal. Les défenseur(e)s dela paix ont également été particulièrement touchés par ce phénomène.

Lerapport explique comment différents acteurs publics et privés interviennent ettirent profit de la judiciarisation des défenseur(e)s des droits humains,notamment dans le cas de certaines entreprises du secteur minier-énergétiquequi, grâce à des mécanismes tels que les accords de coopération entre leministère de la Défense colombien et le Parquet général - entre 2012 et 2019,365 accords avec 117 entreprises ont été identifiés - ont pu utiliser desinstitutions colombiennes comme bélier pour attaquer des défenseur(e)s desdroits humains.

Ilconvient de noter, en particulier, la manière dont des unités militairesfinancées par des entreprises ont encouragé des actions d'intelligencemilitaire contre des défenseur(e)s qui ont dénoncé les effets pervers deséconomies extractives sur les droits humains et qui sont injustement associés àdes groupes criminels. De même, entre 2017 et août 2019 que les Structures deSoutien aux Hydrocarbures (EDA, sigles en espagnol pour Estructura de Apoyo aHidrocarburos) du bureau du Procureur Général de la Nation (Fiscalía General) ontenquêté et accusé à tort 22 défenseur(e)s de la terre et l'environnement pourleur participation à des journées de protestation contre les compagniespétrolières dans les départements de Arauca, Casanare et Meta. Par exemple, parle biais d'accords de coopération, Ecopetrol a financé l'EDA entre 2015 et 2019à hauteur de 82 621 590 882 pesos colombiens (environ 21.8 millions d'euros),afin d’enquêter sur les comportements affectant le bon fonctionnement del'industrie pétrolière, y compris les "actions de fait" dans le cadrede manifestations sociales.

D'autrepart, le rapport décrit les atteintes au droit à un procédure équitable desdéfenseur(e)s des droits humains judiciarisé(e)s. Ces processus sontcaractérisés par des accusations génériques et imprécises, en utilisant descatégories criminelles ambiguës, dans un cas de figure où la détentionprovisoire est la règle et non l’exception : dans le 78,4% des cas où desinformations ont été obtenues, le système judiciaire colombien a privé lesdéfenseur(e)s de leur liberté, soit en résidence surveillée, soit en prison.

Lesorganisations demandent à l'État colombien de veiller à ce que les institutionsjudiciaires ou des tiers ne manipulent pas le pouvoir punitif de l'État et sesorganes judiciaires afin de harceler les défenseur(e)s des droits humains. Demême, ils considèrent que pour mettre un terme à la partialité judiciaire, lesentreprises privées, en particulier Ecopetrol, doivent cesser de financer lebureau du Procureur Général de la Natión en ce qui concerne les enquêtes surles comportements liés à la contestation sociale.

Le Comité de solidarité avec les prisonnierspolitiques (CSPP, sigles en espagnol pour Comité de Solidaridad con losPresos Políticos) vise à contribuer à la demande, à la promotion et à ladiffusion du respect et des garanties des droits humains de toutes lespersonnes en Colombie, en quête de vérité, de justice et de réparation; etnotamment du droit à la vie, à la liberté, à l'intégrité physique et morale, àun traitement digne, à un procès équitable et impartial et au reste des droitsdes personnes privées de liberté, poursuivies pour crimes politiques etjudiciarisés pour la participation à la contestation sociale. Le comité contribueainsi au débat sur le système judiciaire et exige la mise en œuvre d'unepolitique pénale démocratique basée sur la justice sociale; pour contribuer àla construction d'un état qui respecte les droits humains, la démocratie et lapaix avec justice sociale. Le CSPP est une organisation membre du réseauSOS-Torture de l'OMCT.

L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) travaille avec plus de 240 organisations membres de son Réseau SOS-Torturepour mettre fin à la torture, combattre l’impunité et protéger les défenseursdes droits humains à travers le monde. Ensemble, nous formons le plus grandgroupe qui lutte activement contre la torture au niveau mondial. Nous soutenonsnos partenaires sur le terrain, les aidons à faire entendre leur voix, etfournissons une assistance directe aux victimes. Notre secrétariatinternational est basé à Genève, et nous avons aussi des bureaux à Bruxelles eten Tunisie.

La Corporation Sociale pour le Conseil et laCapacitation Communautaire (COSPACC, sigles en espagnol pour CorporaciónSocial para la Asesoría y Capacitación Comunitaria) consacre l'essentiel de sesefforts à l'attention, l'organisation et l'accompagnement des victimes enraison du nombre élevé de violations des droits humains commises dans les zonesoù elle intervient, surtout dans les départements de Tolima, Boyacá, Casanareet la ville de Bogotá. Tout cela sans perdre de vue l'objectif principal, quiest la reconstruction du tissu social et la formation continue dans lapromotion et la défense des droits humains et du droit internationalhumanitaire (DIH).

Pour obtenir plus d’information, mercide contacter :

CSPP: FranklinCastañeda: +57 313 3919384

OMCT:Iolanda Jaquemet / Miguel Martín Zumalacárregui: ij@omct.org / +41 79 53941 06

COSPACC: FabiánLaverde: +57 320 3014747

Le rapport(dont le résumé analytique est disponible en français) est disponible ici.

L’OMCT souhaite remercier l’Union européenne, laRépublique et Canton de Genève et le Département fédéral des affairesétrangères de la Confédération suisse pour avoir rendu possible la publicationde cette note. Son contenu relève de la seule responsabilité de l’OMCT, le CSPPet le COSPACC et ne doit en aucun cas être interprété comme reflétant l’opiniondes institutions les soutenant.

L’OMCTest membre de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

[1]CSPP, OMCT, COSPACC, "Criminalisation de la défense des droits humains enColombie : la judiciarisation des défenseur(e)s de la terre, du territoire, del'environnement et de la paix", disponible ici(le résumé analytique est disponible en français).

[2] Antioquia, Cesar, Cauca, Huila, Casanare et Bogota. @font-face { font-family: "MS Mincho";}@font-face { font-family: "Cambria Math";}@font-face { font-family: Calibri;}@font-face { font-family: Cambria;}@font-face { font-family: "@MS Mincho";}p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal { margin: 0cm 0cm 0.0001pt; font-size: 12pt; font-family: "Cambria", serif; }p.MsoFootnoteText, li.MsoFootnoteText, div.MsoFootnoteText { margin: 0cm 0cm 0.0001pt; font-size: 10pt; font-family: "Cambria", serif; }p.MsoHeader, li.MsoHeader, div.MsoHeader { margin: 0cm 0cm 0.0001pt; font-size: 12pt; font-family: "Cambria", serif; }span.MsoFootnoteReference { vertical-align: super; }a:link, span.MsoHyperlink { color: blue; text-decoration: underline; }a:visited, span.MsoHyperlinkFollowed { color: purple; text-decoration: underline; }span.HeaderChar { }span.FootnoteTextChar { }.MsoChpDefault { font-family: "Cambria", serif; }div.WordSection1 { }