14.02.25
Rapports

Faire face au passé, façonner l'avenir : Cinq actions essentielles pour la justice et les réparations en Afrique d'ici 2025

38e Sommet de l'Union Africaine

Document de plaidoyer de l'OMCT

Alors que l'Union Africaine tient son Sommet 2025 sous le thème "Justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine par les réparations", l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et son réseau SOT-Torture appellent les chefs d'État africains à aborder l'un des héritages les plus persistants du colonialisme : la persistance de la torture et des mauvais traitements à travers le continent. Si la quête de réparations auprès des anciennes puissances coloniales constitue une étape cruciale vers la justice, il est tout aussi impératif que les États africains affrontent et démantèlent les structures coloniales qui continuent de façonner la gouvernance, les forces de l'ordre et les pratiques judiciaires aujourd'hui.

L'utilisation de la torture, de la détention arbitraire et de l'usage excessif de la force par les forces de sécurité ne sont pas simplement des vestiges du passé ; elles sont les symptômes d'un système qui n'a pas encore pleinement décolonisé. La persistance de ces pratiques, allant des répressions autoritaires contre la dissidence au traitement inhumain des migrants et des détenus, souligne l'urgence pour les gouvernements africains de prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la réhabilitation des victimes et de la réforme des institutions qui perpétuent ces injustices.

L'OMCT croit fermement que l'Afrique doit obtenir des réparations pour les crimes passés, y compris l'esclavage, le colonialisme et l'apartheid, qui ont laissé des cicatrices économiques et politiques durables sur le continent. Nombre de ces crimes passés continuent de façonner des structures internationales injustes qui perpétuent la pauvreté, alimentent la violence et permettent des violations systématiques des droits de l'homme, y compris la torture et les mauvais traitements. L'appel aux réparations n'est pas simplement une demande des opprimés, mais une exigence de justice et d'équité, reconnaissant les injustices historiques qui ont désavantagé les nations africaines et les personnes d'ascendance africaine pendant des siècles.

Les États issus du brutal héritage du colonialisme perpétuent souvent la violence systémique contre leurs propres citoyens, à moins qu'ils ne confrontent activement et ne démantèlent les structures et cultures de répression enracinées héritées de l'ère coloniale. La persistance de la torture, des disparitions forcées et de la brutalité policière dans les États post-coloniaux peut être comprise comme une prolongation des mécanismes coercitifs conçus à l'origine pour soumettre et contrôler les populations sous le régime colonial.

La demande de réparations auprès des anciennes puissances coloniales n'est pas simplement un grief historique, mais un processus essentiel de réconciliation et de rectification de la violence étatique contemporaine. La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a constaté que l'expulsion de la communauté Ogiek de la forêt Mau par le gouvernement kényan violait plusieurs droits sous la Charte africaine. La Cour a reconnu que de telles actions étaient une "perpétuation des injustices historiques subies par les Ogiek", soulignant le lien entre les spoliations de l'ère coloniale et les violations des droits de l'homme en cours.

Dans l'affaire Kevin Mgwanga Gunme et al. v. Cameroun, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a reconnu les griefs historiques issus du découpage colonial et des processus ultérieurs de réunification. La Commission a souligné que l'Afrique post-coloniale a été témoin de nombreux cas de domination, qu'ils soient fondés sur la race, la religion ou l'ethnie, et a exhorté les États à traiter ces allégations plutôt que de les rejeter sous prétexte de souveraineté et d'intégrité territoriale. De plus, la Commission a ordonné au Cameroun de verser des compensations aux entreprises des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun qui ont subi un traitement discriminatoire de la part des banques, reconnaissant l'impact économique de la marginalisation systémique.

Les réparations, dès lors, ne doivent pas seulement répondre aux torts infligés pendant la période coloniale, mais doivent également servir de catalyseur pour une transformation structurelle. Sans cette introspection et cette réforme institutionnelle essentielles, les États post-coloniaux risquent de perpétuer les cycles de violence et de soumission qu'ils cherchent à réparer.

Le thème de l'Union Africaine pour 2025 représente une étape significative pour faire évoluer l'agenda mondial, permettant à ceux qui ont historiquement été dominés de façonner la coopération internationale et l'agenda de développement. La justice réparatrice ne doit pas être vue comme un cri de sympathie, mais comme un appel fondamental pour restructurer les systèmes économiques et politiques mondiaux de manière à reconnaître les torts passés et favoriser un partenariat véritable. Aborder ces questions est essentiel pour combattre le racisme systémique, garantir la dignité et guérir les blessures historiques, contribuant ainsi à la prévention de la torture et des violations des droits de l'homme en Afrique.

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