Tchad : Les risques sécuritaires utilisés comme prétexte pour justifier la torture

Lors de sa 75e session, du 1er au 3 novembre 2022, le CAT a examiné le deuxième rapport périodique du Tchad. Les rapporteurs sur le pays étaient MM. Sébastien Touzé et Todd Buchwald.
La délégation du pays était conduite par l’ambassadeur Ahmad Makaila, représentant permanent du Tchad à Genève.
Voici les principaux points évoqués.
Le Comité a salué les efforts de l’État partie pour adopter un cadre juridique visant à ériger la torture en infraction, instaurer des garanties juridiques en la matière, et abolir la peine de mort. D’un autre côté, les experts ont exprimé leur profonde inquiétude quant à la répression violente des manifestations pacifiques organisées le 20 octobre 2022, qui s’inscrit dans un système de gouvernance répressive. Plusieurs cas d’homicides extrajudiciaires, de torture et de disparitions ont été enregistrés, de même qu’un grand nombre de détentions arbitraires.
Les rapporteurs sur le pays ont fait part de leurs craintes quant à la prévalence au Tchad d’un système fondé sur la torture pour répondre aux risques sécuritaires. Les experts ont déploré la surpopulation carcérale et les conditions de détention inhumaines, qui font partie d’une politique plus large destinée à étouffer les opinions dissidentes. Les conditions de détention dans la prison de haute sécurité de Koro-Toro (nord du pays), le caractère incomplet et non conforme à la Constitution de la définition de la torture en droit national, et le climat d’impunité global pour les actes de torture ont été jugés particulièrement inquiétants.
Le Comité a mis en avant le manque de mesures pour restreindre la pratique persistante des mutilations génitales féminines, ainsi que le manque de politiques visant à mieux protéger les femmes contre les violences sexuelles, notamment dans les camps de réfugiés et dans la sphère privée.
Les recommandations du CAT sont disponibles ici.
Recommandations de suivi
L’État partie devrait fournir avant le 25 novembre 2023 des informations sur la mise en œuvre des recommandations portant sur :
- le recours excessif à la force durant les manifestations qui ont lieu au printemps 2021 et à l’automne 2022 ;
- les conditions de détention ;
- les décès en détention ;
- les statistiques sur les plaintes et les condamnations pour torture et autres mauvais traitements.
L’entretien avec le Comité est disponible ici : partie 1, partie 2.
Activités de l’OMCT : Mission préparatoire du CAT au Tchad
Du 20 au 24 septembre 2022, l’OMCT a mené une mission préparatoire au Tchad, en amont de la 75e session du CAT. Le conseiller principal de l’OMCT sur les droits humains en Afrique et la Ligue tchadienne des droits de l’Homme – membre du réseau SOS-Torture – ont rencontré des acteurs de la société civile et du gouvernement, des délégations diplomatiques, des journalistes et des victimes de torture, en vue de la rédaction du rapport alternatif et de la participation de la société civile à l’examen du Tchad.
Lors de cette mission, un atelier préparatoire a été animé les 21 et 22 septembre 2022 à N’Djaména. Six journalistes et une dizaine d’OSC tchadiennes y ont participé pour aborder la protection des droits humains, les droits de l’enfant et des personnes migrantes, ainsi que la lutte contre la torture et les violences faites aux femmes. Cet atelier s’est déroulé en présence d’un représentant de la Commission nationale des droits de l’Homme. Les participants ont évalué les progrès et les lacunes dans la lutte contre la torture sur ces 13 dernières années d’un point de vue juridique, institutionnel et pratique. L’OMCT leur a expliqué ce qu’est le cadre international anti-torture et les a formés à la méthodologie de rédaction d’un rapport alternatif. Les journalistes qui ont assisté à l’atelier ont bénéficié d’outils utiles pour suivre le travail et l’issue des sessions du CAT, et pour en rendre compte.
L’OMCT a aussi rencontré plusieurs victimes d’actes de torture et de détention arbitraire, dont les témoignages ont contribué à mieux formuler les recommandations au CAT. Une réunion de courtoisie a également été organisée avec le directeur des droits humains au ministère de la Justice, afin d’informer le gouvernement des priorités évoquées dans le rapport alternatif de la société civile.