République démocratique du Congo
02.12.15

Rencontre avec Justin Bahirwe : un avocat engagé dans la réduction du risque de torture constant au Congo

2 décembre, Bukavu (RDC) – Tous les avocats sont supposés défendre lesdroits de l’homme, mais Justin Bahirwe se consacre à la lutte contre la torturecomme d’autres à Dieu.

« On peut être croyant, mais nonpratiquant. Il s’agit pour moi d’une conviction personnelle ; cette lutteest un dogme absolu qu’il me faut mettre en pratique ». Ce jeune homme de 34 ans, tiré aux quatreépingles, s’exprime avec clarté d’une voix douce et l’on pourrait penser, enl’écoutant, qu’il assure la promotion des droits de l’homme dans un pays enpaix, où l’Etat fait son travail de manière fiable et prévisible.

Or il vit à Bukavu, dans l’est de laRépublique démocratique du Congo (RDC), une région dévastée par un conflitimplacable de plus de vingt ans, le plus meurtrier que le monde ait connudepuis la deuxième Guerre mondiale. Dans ce pays, près de 5,4 millions depersonnes ont été tués, des dizaines de milliers d’enfants sont enrôlés commesoldats - lorsqu’ils ne sont pas morts de diarrhée ou de malaria - lesopposants sont assassinés, la corruption est omniprésente et profondémentenracinée, les infrastructures sont inexistantes, et la pauvreté extrême.

Dans un tel contexte, il serait plus quelégitime de simplement renoncer à s’intéresser à un problème aussi complexe quela torture. Ce qui motive Justin, ce sont les lettres de remerciement reçuesdes personnes qui ont survécu aux actes de torture ou de violence sexuelle surla base du genre dont il a suivi les procès en sa qualité de coordinateur del’association SOS Information Juridiquemultisectorielle, ou des membres decommunautés rurales pauvres auxquelles il a gracieusement dispensé desformations sur la défense de leurs droits.

Spécialiste des droits de la femme et desenfants, il a contribué à la conception d’instruments juridiques visant àlutter contre la torture, en travaillant avec le Bureau conjoint des NationsUnies pour les droits de l’homme sur l’élaboration de mesures nationales deprotection pour les défenseurs des droits de l’Homme dans son pays.

Il reconnaît que cette entreprise peut parfoisêtre décourageante. Il a ainsi dû fuir à maintes reprises à l’étranger pouréchapper aux représailles du gouvernement, abandonnant ses proches et sontravail, après avoir parlé à la radio des actions qu’il mène.

Pour rester vivant, Justin Bahirwe a dû mettreau point des stratégies de sécurité personnelles : travailler avec un réseaunational d’avocats afin de répartir les risques de rétorsion du Gouvernement,prendre contact avec une « marraine » de renom, telle la personnalitépolitique néerlandaise Maria Martens, ou s’associer à des partenaires internationaux,notamment l’OMCT, Human Rights Watch et Amnesty International. Toutes cesstratégies visent à alourdir le « coût politique » qu’entraîneraittoute action prise à son encontre.

À son avis, la population est tout autantfragilisée par le recours aux exactions, constant et profondément ancré en RDC,que par les accidents de la route, un risque auquel elle est exposée enpermanence. « La vie d’une personne, quelle qu’elle soit, peut être briséeà tout moment par la torture».

Un homme qui a été torturé risque de ne pluspouvoir être le soutien de famille qu’il avait été, une situation préjudiciableà toute une communauté entière. Il peut même être incapable de se retrouverface à eux pendant des années. « En dépit de toute l’aide médicale etpsychologique qu’il a reçue, Sylvestre Bwira, notre collègue dans le Nord-Kivu,est rongé de douleur depuis qu’il a été contraint de quitter le pays en 2011,abandonnant ses proches. Son départ a également fait des victimes indirectes,notamment son organisation et les personnes auxquelles son travail étaitutile, » explique Justin.

-- Par Lori Brumat à Genève, traduction parNicole Choisi.

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