Bélarus
28.05.21

Bélarus: Marfa Rabkova, emprisonnée pour avoir documenté des violations des droits humains

Mise à jour le 6 septembre 2022 : après quatre mois et demi d'audiences à huis clos, le tribunal municipal de Minsk a condamné Marfa Rabkova à 15 ans de prison. Les chefs d'inculpation comprenaient "l'organisation d'émeutes de masse", "l'incitation à l'hostilité sociale envers le gouvernement" et "l'implication dans une organisation criminelle". Sa peine peut faire l'objet d'un appel.

En savoir plus sur notre campagne #FacesOfHope

Marfa Rabkova n’a pas revu son mari Vadzim depuis la nuit du 17 septembre 2020, lorsque 10 hommes masqués du Service central de lutte contre le crime organisé et la corruption ont brutalement arrêté le couple sur le chemin de retour à leur domicile, à Minsk. Le Service les a emmenés dans deux voitures séparées. Alors que Vadzim était libéré le lendemain, Marfa a été placée dans le centre de détention provisoire d’Okrestina à Minsk, tristement connu pour ses pratiques de torture et les mauvais traitements infligés aux manifestants au mois d’août. Aujourd’hui, elle y est toujours emprisonnée, au motif de « former des personnes à participer à des émeutes de masse ou au financement desdites activités ».

La véritable raison de la détention de la jeune femme de 26 ans, c’est le rôle crucial qu’elle a joué en coordonnant le service de volontaires de Viasna (« Printemps »), l’un des principaux groupes de défense des droits humains du Bélarus. Son charisme et son esprit d’équipe ont attiré de nombreuses personnes, qui ont finalement décidé de devenir volontaires de l’organisation afin de lutter pour la défense des droits humains dans le pays. Accompagnée d’autres membres de la communauté de défense des droits humains, Marfa a guidé le groupe de volontaires de Viasna pendant le suivi indépendant réalisé lors des élections présidentielles du 9 août 2020.

Lorsque les autorités ont commencé à réprimer brutalement les manifestations de contestation des résultats organisées au niveau national, les volontaires ont supervisé les rassemblements pacifiques et documenté la torture et les mauvais traitements systématiques infligés aux milliers de manifestants détenus. En somme, ils ont travaillé dans le but de dénoncer les graves violations de droits humains perpétrées par les autorités bélarusses.

Des enregistrements vidéo de cette période montrent Marfa apportant des colis alimentaires en prison, qui déclarait: « Les prisonniers politiques n’ont qu’un accès limité à l’information et au courrier, et les réunions sont interdites. Pour eux, un colis ne contient pas uniquement de la nourriture, il signifie « Nous sommes avec toi, nous ne t’oublions pas ». Sois fort ».

Marfa se trouve à présent derrière ses mêmes barreaux - ironie du sort, dans le même centre de détention où elle déposait les colis préparés par ses soins- privée de tout contact avec le monde extérieur. Cinq mois après son arrestation, le Comité d’enquête de l’État du Bélarus a émis de nouvelles accusations inventées de toutes pièces, dans le but de prolonger sa détention. A ce jour, elle n’a été présentée devant aucun tribunal et n’a eu le droit à aucune visite, ni de son mari, ni d’aucun autre membre de sa famille.

En avril, elle a finalement été autorisée à écrire à Vadzim. Dans sa lettre, Marfa, qui a perdu 12 kilos depuis le début de sa détention, parle de vaincre la peine et le désespoir qui l’avaient envahie au début, qu’elle avait essayé de cacher du mieux possible: « Ce sentiment finit par passer. Aujourd’hui, c’est mon visage entier qui arbore un sourire, mais aussi mon âme. » D’après son ancienne compagne de cellule, « Marfa Rabkova est un concentré d’abnégation de soi et de volonté. A l’appel du matin, à 6h, de nombreux prisonniers essaient de grappiller quelques minutes. Marfa, elle, se lève immédiatement. Elle fait son lit, s’habille, lit et écrit jusqu’à 22h, en fonction des horaires de la prison. »

Son mari est confiant. Marfa, dit-il, « a une force incroyable. Elle ne se découragera pas. »

Marfa était l’un des premiers membres de Viasna à être visée. De nombreuses autres personnes ont été arrêtées depuis. Leurs domiciles ont parfois été fouillés, d’autres ont été harcelés dans le cadre des mesures actuelles de répression extrêmement sévères appliquées contre les voix divergentes au Bélarus. Les défenseur.e.s des droits humains ont été soit contraints à l’exil, soit maintenus en détention. Ceux qui ont décidé de rester savent qu’ils peuvent être arrêtés et poursuivis en justice à tout moment.

Participez à notre appel pour libérer Marfa Rabkova !

Mise à jour d'août 2021 : Marfa Rabkova a eu des problèmes de santé. Elle n'a pas pu faire ses adieux à son père et sa grand-mère, qui sont récemment décédés. En dépit de cela, elle a rejeté à plusieurs reprises les offres officielles d'admettre sa culpabilité en échange de sa libération.