17.09.09
Interventions urgentes

Intervention conjointe: Panel sur les droits de l'homme des migrants dans les centres de détention (170909)

Seul le texte prononcé fait foi

CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME
12ème session (14 septembre – 2 octobre 2009)
Panel sur les droits de l’homme des migrants dans les centres de détention (17 septembre 2009)

Intervention orale conjointe délivrée par l’Organisation Mondiale Contra la Torture (OMCT),
une organisation dotée du statut consultatif

(liste des cosignataires ici-bas)


Monsieur le Président,

Mesdames/Messieurs,


Cette intervention est lue par l’OMCT, au nom du REMDH et de la FIACAT. Les organisations signataires accueillent favorablement la possibilité pour les ONG d’apporter leur contribution à cette session.

Nos organisations ont constaté que, bien que les systèmes de détention et d’éloignement des migrants et des réfugiés varient en fonction des pays, il existe une généralisation et une banalisation de l’enfermement des étrangers qui n’ont commis d’autres infractions que celles relatives à l’entrée et au séjour. Les organisations signataires rappellent que le franchissement irrégulier d’une frontière, ainsi que le séjour irrégulier dans un pays, ne devraient constituer qu’une infraction administrative et ne devraient pas être punis par des peines de privation de liberté. En outre, la détention, à partir du moment où elle est utilisée, ne doit être qu’une mesure exceptionnelle, de dernier recours.

A cet égard, nos organisations condamnent la pratique des mesures de détention punitive à l’égard des migrants et réfugiés prévues dans les lois criminalisant la migration irrégulière de certains Etats, comme, par exemple, dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient[1]. Enfin, il n’est pas rare que des migrants et des réfugiés fassent l’objet de mesures de détention en dehors de tout cadre légal (cela est notamment le cas en Libye)[2].

Monsieur le Président,

Au problème de la détention s’ajoute souvent le fait que sa durée n’est pas connue, puisque dépendant de la décision finale des autorités d’accorder ou non le statut de réfugié ou d’immigré et/ou la mise en œuvre de l'expulsion (par exemple, la détention peut aller jusqu’à 18 mois dans le cadre de la directive « retour » de l’Union Européenne (UE), 2 ans en Suisse et une durée d’un mois « renouvelable », sans limite au nombre de renouvellements en Algérie)[3]. La durée indéterminée de la privation de liberté la rend particulièrement difficile à supporter psychologiquement.

Les organisations signataires sont particulièrement préoccupées par les conditions de vie des migrants et des réfugiés dans les lieux de détention, qui trop souvent sont des lieux communs de détention ne garantissant pas une séparation entre catégorie de détenus. Ces différents lieux sont souvent caractérisés par la surpopulation, l’insalubrité, la promiscuité, le manque d’équipements, d’hygiène et d’activités (cas en Grèce, Malaisie, Afrique du Sud, Australie, entre autres). Par ailleurs, l’accès à des médecins et à des traitements médicaux sont souvent limités et/ou tardifs. Nos organisations sont également vivement préoccupées par la mise en isolement d’un étranger en détention administrative en vue de son renvoi (cas en Suisse par exemple). Certaines de ces situations peuvent être assimilées à des traitements inhumains et dégradants.

Nos organisations rappellent que tout migrant et réfugié placés en détention doivent pouvoir promptement accéder à des procédures effectives de recours contre leur détention et doivent avoir accès à une assistance juridique, par des acteurs indépendants des autorités nationales.

Quant aux lieux de détention, les organisations signataires demandent que, en sus de porter à un niveau respectueux des standards internationaux les conditions régnant dans les centres où sont détenus les migrants et les réfugiés,

  • les migrants et les réfugiés ont accès à des examens et soins médicaux indépendants et adéquats;
  • un contrôle régulier sur la situation des migrants et des réfugiés dans les lieux de détention soit exercé par des organisations indépendantes des autorités nationales;
  • la société civile et les ONG ont accès légalement et sans restriction aux lieux de détention des migrants et des réfugiés et que;
  • la société civile soit informée de la situation dans ces lieux de détention, notamment en communiquant sur l’existence, le nombre et le fonctionnement des lieux de détention des migrants et des réfugiés sur leur territoire.

Merci, Monsieur le Président.


ONG cosignataire dotée du statut consultatif

  • Fédération internationale de l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT)
ONG cosignataire non dotée du statut consultatif
  • Le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme (REMDH)

[1] Des peines de prisons, pouvant aller jusqu’à 6 mois au Maroc et en Tunisie, 2 ans en Algérie et en Egypte et 3 ans au Liban, sont prévues en cas d’entrée et/ou de séjour irrégulier dans le pays. Dans certains cas (Egypte, Tunisie et Algérie), des peines similaires sont prévues pour la sortie irrégulière du territoire (indépendamment de la nationalité). Ainsi, en Egypte, l’organisation « Land Centre » a révélé des cas de citoyens égyptiens, dont la tentative d’émigration irrégulière avait échoué, mis abusivement en détention, pour une durée indéterminée, dans le cadre de loi égyptienne sur l’état d’urgence. Par ailleurs, aucun des pays de cette région n’ayant de régime national en matière de reconnaissance du statut de réfugié, il n’est pas rare que les demandeurs d’asile et réfugiés tombent dans le champ d’application de ces lois.

[2] Au Liban, l’organisation « Frontiers-Ruwad » a fait état des pratiques abusives de détention, pour une durée indéfinie, des migrants et des réfugiés.

[3]Par exemple, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont, en 2008, adopté une directive « relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier » qui permet une détention pour raisons administratives jusqu’à 18 mois. En Algérie, la législation prévoit la détention des personnes étrangères faisant l’objet d’une mesure d’expulsion, dans des centres « d’attente », et ce pour une durée d’un mois « renouvelable », sans qu’aucune limite ne soit fixée au nombre de renouvellements.