Tchad
09.04.20
Déclarations

Lettre ouverte au sujet de la permission de sortir accordée à Monsieur Hissen Habré

Genève, N’Djamena, Dakar, le 9 avril 2020
Groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture Afrique
Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

A

S. E. Me Malick SALL
Ministre de la justice du Sénégal

Objet : Lettre ouverte au sujet de la permission de sortir accordée à Monsieur Hissen Habré

Excellence, Monsieur le Ministre,

Notre collectif, composé d’avocats africains luttant contre la torture, a pris connaissance de l’ordonnance rendue par le juge de l’application des peines le lundi 6 avril 2020, accordant à Monsieur Hissen Habre une permission de sortir de prison pour une durée de 60 jours et lui permettant de résider dans sa résidence de Ouakam à Dakar. Même si cette ordonnance, motivée par la crise sanitaire du Covid-19, prévoit qu’il «réintégrera l’établissement pénitentiaire du Cap Manuel, immédiatement, à l’expiration de la permission de sortir», elle suscite néanmoins une grande inquiétude auprès des victimes des crimes pour lesquels il a été condamné.

Monsieur le Ministre,

Tout en saluant les décisions prises par le Président de la République, son Excellence Monsieur Macky Sall, dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, notamment la libération des prisonniers et l’aménagement des lieux de détention, nous voudrions mettre en garde contre une possible instrumentalisation de cette situation en vue d’alléger des peines et libérer des personnes condamnées pour des crimes graves.

Monsieur Hissen Habré a été jugé et condamné à perpétuité par les Chambres africaines extraordinaires pour des crimes contre l’humanité, notamment des actes de torture et d’esclavage sexuel. L’État sénégalais, ayant garanti la tenue de ce procès, a l’obligation de veiller à l’entière exécution de cette peine.

Il est important de rappeler qu’au moment où cette permission est accordée à Monsieur Hissen Habré, aucune des victimes n’a obtenu des réparations de 82 milliards de francs CFA prononcées contre lui suivant la décision définitive de 2017.

Cette mesure du Gouvernement sénégalais suscite naturellement des sentiments d’inquiétude raisonnables et de craintes de représailles pour les victimes qui attendent réparation.

Monsieur le Ministre,

Notre Groupe d’intervention judiciaire SOS- Torture en Afrique souhaiterait que cette permission de 60 jours ne soit pas renouvelée à son terme. Si la crise sanitaire actuelle venait à se prolonger, nous invitons l’administration pénitentiaire et le juge d’application des peines à mettre à profit ces deux mois pour mieux organiser l’application de sa peine au sein des prisons sénégalaises dans des conditions sanitaires satisfaisantes.

Le Groupe souhaiterait que le Président de la République du Sénégal et le Président de la République du Tchad rassurent les victimes des crimes graves pour leur sécurité et leur indemnisation et réparation.

Dans l’espoir que cette requête trouvera une suite favorable, veuillez trouver ici, Monsieur le Ministre, l’expression de notre parfaite considération.

Ampliations :

· Son Excellence Monsieur le Président de la République du Sénégal

· Son Excellence Monsieur le Président de la République du Tchad

Le groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Afrique est un groupe d’avocats du réseau SOS-Torture de l’OMCT qui vise à contribuer à renforcer la prévention, la responsabilisation et la réparation des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est constitué de 16 avocats africains et se trouve sous le parrainage de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et du Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT).

Les avocats ci-dessous sont signataires de cette lettre :

  • · Maître AMAZOHOUN Ferdinand, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
  • · Maître DONOU Thérèse, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
  • · Maître AMEGAN Claude, Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
  • · Maître DOUMBIA Yacouba, Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH)/ Cote d’Ivoire
  • · Maître TRAORE Drissa, Organisation des Femmes actives de Côte d'Ivoire (OFACI)/ Cote d’Ivoire
  • · Maître SOUILAH Mohsen, Centres SANAD/ Tunisie
  • · Maître RAHMOUNE Aissa, Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADH)/ Algérie
  • · Maître IBOUANGA Éric, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Congo) / République du Congo
  • · Maître NKONGHO Felix, Center for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA)/ Cameroun
  • · Maître WEMBOLUA Henri, Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)/ RDC
  • · Maître Annie Masengo, Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme (RDDH)/ RDC
  • · Maître NODJITOLOUM Salomon, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT/TCHAD)
  • · Maître Moudeina Jacqueline Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH)/ TCHAD
  • · Maître Delphine Djiraibe Public interest Law Center (PILC)/Tchad
  • · Maître NIYONGERE Armel, SOS Torture Burundi/ Burundi
  • · Maître NTIRANYUHURA Divine, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Burundi)
  • · Maître Zaninyana Jeanne d’Arc, Collectif des Avocats pour la Défense des Victimes de Crimes de Droit International commis au Burundi (CAVIB)/ Burundi
  • · Sadikh NIASS, Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO)


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