Libye
04.11.10
Déclarations

L’OMCT et HRS obtiennent la condamnation de la Libye par le Comité onusien des droits de l’Homme pour torture et disparition forcée ayant entraîné la mort de M. Bashasha

Dans le cadre de leurs activités de lutte pour laréhabilitation des victimes de torture et autres mauvais traitements et pour lasanction des auteurs de ces violations, l’Organisation Mondiale Contre laTorture (OMCT) et Human Rights Solidarity (HRS) ont soumis au nom de victimes –et de familles de victimes – de graves violations des droits de l’Homme, plusieursplaintes au Comité onusien des droits de l’Homme (CDH) contre la Libye, un Etatignorant ses obligations découlant des traités qu’il a ratifié et faisant fides règles fondamentales protégeant la vie et l’intégrité physique etpsychologique des personnes vivant sur son territoire. Conjointementavec HRS, l’OMCT a soumis la communication No. 1776/2008 au CDH au nom ducousin de Milhoud Ahmed HusseinBashasha, un ressortissant libyen. Au cours de sa 100èmesession, le CDH a conclu que la Libye a violé le Pacte International relatif auxdroits civils et politiques dans l’affaire Bashasha v. the Libyan ArabJamahiriya. Le CDH a en effet considéré que la Libye s’est rendue coupabled’arrestation arbitraire, de détention au secret, de torture et de disparitionforcée ayant entraîné la mort. Le Comité a également condamné l’Etat partiepour ne pas avoir garanti aux victimes l’accès à un recours effectif[1]. Milhoud Ahmed Hussein Bashasha, un ressortissantlibyen, fut interpellé en Libye sans mandat d’arrêt valable en octobre 1989 pardes agents, en civil et armés, de la sécurité intérieure. Cette arrestationcoïncide avec une vague d’arrestations massives effectuées par les autoritéslibyennes en 1989 alors que le régime avait durci, pendant cette période, lesmesures prises à l’encontre des dissidents présumés. L’Etat partie n’a fourniaucune explication relative à l’arrestation, la détention au secret qui s’enest suivie dans des conditions difficiles puis la mort de la victime en 1996[2].Ce qui a été clairement considéré comme une disparition forcée a causé auxproches et au cousin de la victime, auteur de la plainte, un sentimentd’angoisse profond, long, et chronique dû à l’incertitude entourant le sort dela victime. L’OMCTet HRS expriment leur grande satisfaction au regard des Conclusions adoptéespar le CDH. L’Etat partie doit se conformer à cette décision et conduire uneenquête approfondie et effective sur la disparition et à la mort de MilhoudAhmed Hussein Bashasha, fournir des informations complètes résultant del’enquête menée et poursuivre en justice les responsables des violationscommises pour qu’ils soient sanctionnés. L’Etat partie est également tenu de restituerà la famille la dépouille de Milhoud Ahmed Hussein Bashasha et de verser uneindemnisation juste à ses proches pour les préjudices subis. La décision du CDHdemande en outre à la Libye de l’informer dans les 180jours des mesures prises pour donner plein effet à ses Conclusions. L’Etatpartie se voit également tenu de prendre des mesures pour éviter que desviolations similaires se reproduisent. Cette affaire est malheureusement emblématiqueau regard des nombreuses violations des droits de l’Homme dont se rendresponsable la Libye, notamment de la pratique répandue de la détentionarbitraire, de la torture, des disparitions forcées et de l’impunité qui endécoule. Eric Sottas,Secrétaire Général de l’OMCT, estime que « la décision du CDH, agissant dansle cadre de son pouvoir quasi judiciaire, a enfin permis, 14 ans après lesfaits, d’établir la responsabilité des autorités libyennes dans les actes detorture et disparition forcée suivie de mort d’une des nombreuses personnesarrêtées arbitrairement en 1996. Cette courageuse décision du Comité suppléeaux défaillances du système judiciaire libyen, dont la dépendance au régimen’est malheureusement plus à démontrer. En effet, les juges libyens se révèlentincapables, comme observé dans de nombreuses autres affaires, de conduire desenquêtes indépendantes, de sanctionner les auteurs et de compenser les victimesou leur famille. Le Comité a enjoint à la Lybie d’ouvrir une enquête impartialeet de prendre les mesures nécessaires afin de faire cesser la scandaleuseimpunité des auteurs. Il est à souhaiter, si la Libye devait ne pas donnersuite à cette injonction, que la Communauté internationale, souventcomplaisante à l’égard de ce régime, adopte dans le cadre de l’ExamenPériodique Universel en cours à la session du Conseil des Droits de l’Homme, uneposition et des mesures fermes et effectives pour que le droit soit enfinrespecté». L’OMCT et HRS appelle la Libye àmettre en œuvre de manière effective et complète la décision du CDH dansl’affaire Bashasha v. the Libyan Arab Jamahiriya et de s’assurer que les droits del’Homme et les libertés fondamentales sont respectés dans tout le pays,conformément aux standards internationaux de protection des droits de l’Homme. Contacts: Eric Sottas, Organisation Mondiale Contre la Torture :+41 22 809 49 39Khaled Saleh, Human Rights Solidarity : +41 76 570 19 63
[1] Le Comité des droits de l’Homme a reconnu quel’Etat partie s’était rendu coupable de violation des article 6 et 7, lusconjointement avec les articles 2 § 3, 9 et 10 § 1 du Pacte sur la personne deMilhoud Ahmed Hussein Bashasha et a violé les droits prévus par l’article 7 duPacte envers l’auteur de la plainte mais également le cousin de la victime.[2] UN Doc. CCPR/C/100/D/1776/2008, Human Rights Committee,Views: Communication No. 1776/2008, 20 October 2010, §2.6 and 2.7: “The family has made numerous attempts to locate him in vain. The familysuspected that Milhoud Ahmed Hussein Bashasha was being detained at the AbuSalim prison, where many persons arrested in the fall of 1989 were detained.Released detainees reported on the extremely poor conditions of detention,severe overcrowding, systematic beatings and undernourishment. The UN SpecialRapporteur, Sir Nigel Rodley, reported, in 1999, that the prison conditions in Abu Salim were harsh, overcrowded andunsanitary. Furthermore, he indicated that the lack of adequate food, medicalcare and the use of torture and other forms of ill-treatment had resulted inthe deaths of political prisoners”.