Est de la RDC : la communauté internationale doit agir face aux violations massives des droits humains

Les organisations signataires sont extrêmement préoccupées par les violations des droits humains commises contre la population civile congolaise dans le cadre des affrontements entre le groupe armé M23 soutenu par les forces spéciales rwandaises et le mouvement de l’Alliance du fleuve Congo (AFC) et les forces armées de la république démocratique du Congo (FARDC) appuyées par la milice locale dénommée Wazalendo à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), dans les provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu. Depuis le début de l’offensive menée par le M23 et ses alliés le 26 janvier 2025 dans la ville de Goma, au moins 3000 personnes ont été tuées et plus de 2880 autres ont été blessées. Les morgues sont saturées et les hôpitaux dépassés par l’afflux de blessés à Goma. Au moment de la rédaction de la présente déclaration, le M23 et ses alliés progressent vers la province du Sud-Kivu où ils ont pris le contrôle d’une partie du territoire de Kalehe.
Les affrontements et l’occupation consécutive de la ville de Goma par le M23 et ses alliés a entrainé un état de siège dans la ville de Goma, bloquant l’aide humanitaire et l’approvisionnement des structures médicales et centres d’aide aux victimes qui risquent une rupture imminente de leurs stocks de médicaments, la fermeture des magasins et banques alimentaires et des coupures fréquentes d’électricité et d’internet. A cela s’ajoute l’absence d’eau courante qui augmente le risque d’éclosion et propagation du choléra et autres maladies hydriques. Les affrontements ont également provoqué le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Le cessez-le-feu humanitaire annoncé le 3 février par le M23 n’a pour l’heure pas permis l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés.
L’offensive menée à l’Est de la RDC depuis le 26 janvier 2025 s’inscrit dans un contexte de détérioration continue des relations diplomatiques entre les autorités congolaises et rwandaises et de résurgence des actions du M23 et de ses alliés depuis la fin de l’année 2021. Les organisations de défense des droits humains nationales et internationales ont alerté sur les risques d’extension du conflit dans la région et l’instrumentalisation du conflit pour commettre des violations des droits humains, particulièrement contre les avocat.es et défenseur.es des droits humains. D’après les dernières informations collectées par nos organisations, des défenseur.es des droits humains ont reçu des menaces de poursuites judiciaires par les autorités congolaises afin de les dissuader de diffuser des informations qui seraient de nature à créer des mouvements de panique au sein de la population ou de porter atteinte à la dignité et à l’honneur de la RDC. Au moins quatre femmes défenseures des droits humains ont été visitées à leur domicile et contrôlées par des éléments du M23. D’autres défenseur.es particulièrement à risque ont été contraints de fuir le pays pour échapper aux persécutions. Des exécutions sommaires et violences sexuelles impliquant les belligérants ont également été documentées au cours de l’offensive. Au moins 35 cas de viols de femmes et jeunes filles dans la commune de Karisimbi à Goma ont été rapportés par nos organisations. Par ailleurs, des cas de recrutements forcés de jeunes et d’exécutions sommaires par le M23 dans la périphérie de Goma ont également été rapportés, deux jeunes ayant refusé de collaborer ont été tués. Nos organisations craignent des violations massives des droits humains, notamment des cas de torture et traitements cruels, inhumains et dégradants, ciblant les populations civiles sur la base, notamment, de l’appartenance communautaire, du genre, et de l’activité professionnelle et/ou associative.
Dans le cadre de la session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies sur la situation des droits humains à l’est de la RDC, les organisations signataires recommandent aux membres du Conseil des droits de l’homme et à la communauté internationale de :
- Condamner publiquement les violations graves des droits humains dont certaines relèvent de cas de torture et exiger la cessation immédiate des hostilités ;
- Prendre toutes les mesures afin d’instaurer des couloirs humanitaires, favoriser le déplacement des populations civiles et faciliter l’accès à l’aide humanitaire, notamment aux produits de première nécessité et soins médicaux ;
- Prendre tous les moyens nécessaires pour assurer la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques et fournir un soutien adéquat aux victimes ;
- Renforcer les mécanismes de protection pour les défenseur.es des droits humains et les avocat.es menacé.es en leur fournissant un soutien matériel pour une relocalisation temporaire ;
- Etablir un mandat indépendant afin de mener des enquêtes approfondies sur toutes les violations au droit international des droits humains et au droit international humanitaire commises par toutes les parties au conflit depuis la résurgence du M23 à la fin de l'année 2021 ;
- Veiller à ce que le mandat permette d'identifier, de poursuivre et de punir tous les auteurs et de fournir une réparation effective aux victimes.
Liste des organisations signataires :
Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture - RDC (ACAT RDC)
Action des jeunes pour le bien-être social (AJBS)
Action collective pour la réduction de la pauvreté et la promotion technologique (ACRPPT)
Action humanitaire pour la paix et le développement
Action pour le développement communautaire rural (ADECOR)
APVEC-ONGDH
Association pour le développement intégral des Peuples Autochtones de Bongandanga « ADIPAB »
AFIA MAMA Asbl (coordination du Consortium de la solidarité humanitaire pour l’est de la RDC)
Association des Amis des Victimes des Droits de l’Homme (AVVDH)
Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)
Centre international de formation et d’encadrement en droits humains (CIFEDH)
Collectif des femmes de la Mongala (COLFEM)
Dynamique des femmes forces vives (DFFV)
Groupe d’appui aux jeunes et aux enfants nécessiteux (GAJEN)
Initiative des femmes actives pour le développement (IFAD)
International Federation of ACATs (FIACAT)
International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT)
La Voix des femmes paysannes (VFP)
Maniema Liberté
Omega Research Foundation
Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT)
Redress
Réseau de Protection des DDH du Maniema (REHASHEMA)
Regroupement des Mamans de Kamituga (REMAK)
Réseau de protection provincial des défenseurs des droits de l’homme (RPPDDH)
SOS-Information Juridique Multisectorielle, RDC (SOS-IJM)
United Against Torture Consortium (UATC)