République démocratique du Congo
14.10.13
Interventions urgentes

Les veuves Chebeya et Bazana demandent un commissionnement de magistrats militaires de haut rang pour juger le général Numbi

Paris-Genève, le 14 octobre 2013 – Alors que leur plainte est restéesans suite depuis plus de trois ans, les veuves de Floribert Chebeya et FidèleBazana interpellent de nouveau les autorités congolaises et demandent latraduction du général John Numbidevant une juridiction impartiale et indépendante, afin qu'il réponde de saresponsabilité dans l'assassinat de leurs époux. Cette demande est d'autantplus justifiée que le Président Kabila pourrait, selon certaines sources,annoncer demain, devant le Congrès, la réhabilitation du général Numbi,suspendu depuis 2010. Cette réhabilitation serait un véritable affront fait auxfamilles des victimes. L’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de laFédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et del’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), appelle vivement la justicecongolaise à faire toute la lumière sur ce double assassinat afin d'établir laresponsabilité de chacun.

Alors que la Courmilitaire et la Haute cour militaire de Kinshasa se sont déclaréesincompétentes pour instruire la responsabilité du général John Numbi BanzaTambo, inspecteur général de la police nationale congolaise, dans l'assassinaten juin 2010 de MM. Floribert Chebeya, directeur exécutif de la Voix dessans voix (VSV) et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, et FidèleBazana, membre de la VSV, sous prétexte de son grade élevé, les veuvescontinuent de réclamer justice. Le 14 octobre 2013, ces dernières ontinterpellé le ministre de la Défense, le ministre de la Justice et l'auditeurgénéral des Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC) sur leurresponsabilité de procéder à un commissionnement de magistrats militaires derang suffisamment élevé pour juger le général Numbi. En effet, en l'absence deconstitution d'une juridiction de jugement composée de tels magistratsmilitaires gradés, la responsabilité pénale d'un militaire de son rang nepourra jamais être examinée en RDC, quel que soit son crime. De par son grade,il est donc aujourd'hui impossible de juger le général Numbi, qui, pour desraisons procédurales, demeure au dessus des lois.

Seul un telcommissionnement traduirait une volonté politique réelle de faire toute lalumière sur ces crimes. « Il appartient au pouvoir exécutif de corrigerune telle aberration. Personne ne saurait demeurer au-dessus des lois, surtoutpour des crimes aussi odieux », a déclaré Karim Lahidji, président dela FIDH.

Les assassinats deFloribert Chebeya et de Fidèle Bazana visait toute la société civileet tous les défenseurs de droits de l'Homme en RDC. La justice al’obligation d’enquêter sur tous les responsables de ces crimes, quel quesoit leur statut. Rendre justice aux familles des victimes est la seulefaçon de mettre un terme à l'impunité, qui reste aujourd’hui unesource constante de menaces contre les défenseurs”, a déclaré Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.

Rappel des faits :

Dans lanuit du 1er au 2 juin 2010, le corps de M. Chebeya, un des défenseurs desdroits de l’Homme les plus respectés dans le pays et sur tout le continentétait retrouvé dans sa voiture à la sortie de Kinshasa. Le corps de M. Bazana,qui l'accompagnait, n’a jamais été retrouvé.

Unemission d’observation judiciaire de l’Observatoire sur le procès ouvert devantla Cour militaire avait révélé de nombreux dysfonctionnements dans la procédurejudiciaire qui empêchaient la justice d’établir les responsabilités de cedouble assassinat. En effet, des hauts responsables de la police, dont legénéral John Numbi, suspecté d’être le commanditaire des crimes, ne figuraientpas sur la liste des prévenus. Leur responsabilité n’avait pu être invoquée aumotif que les hauts gradés ne peuvent comparaître que devant la Haute courmilitaire. Cette situation d’impunité avait jeté de sérieux doutes sur lapleine indépendance de la justice dans cette affaire. Le rapport de la missiona notamment appelé les autorités à ré-ouvrir l’enquête, assurerl’indépendance, l’exhaustivité et l’impartialité de la procédure judiciaire, età traduire en justice tous les responsables devant un tribunal compétent, indépendantet impartial.


Le 23juin 2011, la Cour militaire de Kinshasa-Gombe reconnaissait la responsabilitécivile de l'Etat congolais dans l'assassinat M. Chebeya, ainsi que dansl'enlèvement et la détention illégale de M. Bazana par plusieurs de ses agents.Elle condamnait cinq des huit policiers prévenus, dont quatre à la peinecapitale et un à la prison à perpétuité. En outre, l’Observatoire rappelait quetrois des condamnés à mort étaient toujours en fuite, et que trois policiersdont l'instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition d'élémentsde preuve, étaient acquittés. L’Observatoire soulignait d’autre part sonopposition au recours à la peine de mort prononcée par la Cour militaire,châtiment réprouvé par le droit international comme une pratique inhumaine etdégradante.


Le 7 mai2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d'appel, s'estdéclarée incompétente pour statuer sur deux questions préjudiciellessoulevées par les parties civiles et a décidé de saisir la Cour suprême dejustice qui fait office de Cour constitutionnelle, suspendant l'examen del'appel sans fixer de nouvelle audience.

Pour plus d'informations sur l'affaire, voir lerapport d'observation judiciaire publié par l'Observatoire le 24 juin2011: http://www.omct.org/fr/human-rights-defenders/reports-and-publications/congo-dem-republic/2011/06/d21312/