Tunisie
02.12.10
Interventions urgentes

Tunisie: Torture et mauvais traitements à l'encontre de M. Ramzi Romdhani, détenu à la prison de Mornaguia, et M. Taoufik Houimd, détenu à la prison de Messadine

CasTUN 021210Allégationsde torture et autres mauvais traitements/ Absence de soins médicaux adéquats/ Craintepour l’intégrité physique et psychologique LeSecrétariat International de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)requiert votre intervention urgente dans la situation suivante en Tunisie. Description desfaits Le Secrétariat Internationalde l’OMCT a été informé par une source fiable et Antenna International, uneorganisation membre du réseau SOS-Torture de l’OMCT, des allégations de tortureet de mauvais traitements dont ont été victimes M. Ramzi Romdhani, 33 ans, détenu à la prison de Mornaguia, et M. Taoufik Houimdi, un ouvrier de 32 ansdétenu à la prison de Messadine. Selon lesinformations reçues, M. Ramzi Romdhani a été victime de torture et de mauvaistraitements à plusieurs reprises entre septembre et octobre 2010 par desgardiens de la prison de Mornaguia, où il purge une peine de vingt-neuf ansd’emprisonnement prononcée contre lui au titre de la loi antiterroriste de 2003.Lorsque sa famille a pu lui rendre visite en septembre 2010, M. Ramzi Romdhanis’est plaint que deux gardiens de la prison l’avaient frappé avec des bâtons,roué de coups de pieds et piétiné. Sa famille a remarqué qu’il avait le visagetuméfié, le nez qui saignait et des ecchymoses sur le dos. Il s’est égalementplaint de problème d’audition suite à des coups reçus à l’oreille. Il auraitaussi été privé de la nourriture amenée par sa famille lors des visites. Enoctobre 2010, M. Ramzi Romdhani aurait été à nouveau tabassé par un desgardiens de la prison. Son état de santé serait inquiétant d’autant plus qu’iln’aurait toujours pas reçu des soins médicaux adéquats. M. Ramzi Romdhani adéjà subi à plusieurs reprises des actes de torture et de mauvais traitements.En décembre 2009, il aurait été transféré au Ministère de l’Intérieur à Tunisoù il aurait été grièvement blessé aux yeux. Selon les mêmes informationsreçues, du 20 au 27 novembre 2010, M. Taoufik Houimdi, qui a été condamné à 30ans de prison dans l’affaire dite de « Soliman » en février 2008[1],a entrepris une grève de la faim pour protester contre les conditions trèsmauvaises de détention à la prison de Messadine, où il a été transféré en 2009.En vue de le sanctionner, M. Taoufik Houimdi aurait d’abord été placé au cachot,les pieds et les mains enchaînés (il aurait été enchaîné durant deux jours), avantqu’il ne soit alimenté de force. Il n’aurait ensuite été autorisé à se rendreaux toilettes qu’une fois par jour alors qu’il est diabétique. A l’heure dediffuser cet appel urgent, M. Taoufik Houimdi se trouve toujours détenu dans lecachot. Il n’aurait été sorti de ce dernier que pour être présenté à uneaudience et rencontrer son avocat, le 30 novembre 2010[2]. En août 2010, M.Taoufik Houimdi avait été agressé par le directeur de la prison et menacé demort. Il aurait par la suite fait une tentative de suicide. Depuis sa mise endétention, M. Taoufik Houimdi aurait été sujet à toutes formes de harcèlementet de mauvais traitements. Récemment, il a été accusé notamment d’agression surun autre détenu ce qu’il réfute. Une audience est prévue le 15 décembre 2010. Parailleurs, les visites de sa famille sont régulièrement restreintes (y comprisle jour de l’Aïd). En Tunisie, malgré les discours du Gouvernement, latorture et les mauvais traitements continuent d’être utilisés par les agents depolice et de l’administration pénitentiaire que ce soit contre des personnescritiquant la politique gouvernementale ou accusées de terrorisme ou d’extrémismereligieux (la torture et les mauvais traitements sont systématiques dans cescas) ou bien dans le cadre d’affaires pénales de droit commun (la torture etles mauvais traitements sont fréquents dans ces cas)[3]. L’OMCT est particulièrement préoccupée quant à l’étatde santé et les conditions de détention de MM. Ramzi Romdhani et TaoufikHouimdi et prie les autorités de Tunisie de garantir en toutescirconstances leur intégrité physique et psychologique, conformément au droitinternational et régional pertinent, et notamment aux dispositions de laConvention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques etde la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. L’OMCT demandeégalement aux autorités tunisiennes compétentes de leur garantir immédiatementun traitement médical adéquat conformément entre autres, à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenusdes Nations Unies. Enfin, l’OMCT rappelle qu’en vertu de leursobligations sous les traités mentionnés ci-dessus, les autorités tunisiennesdoivent veiller à ce que les autorités compétentes procèdent à une enquêteimmédiate, efficace, exhaustive, indépendante et impartiale sur les allégationsde torture et autres mauvais traitements, dont les conclusions seront renduespubliques, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant untribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctionspénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi. Actions requises Merci d’écrire auxautorités de la Tunisie, afin de leur demander de: 1. Garantir, en toutescirconstances, l’intégrité physique et psychologique de MM. Ramzi Romdhaniet Taoufik Houimdi; 2. Garantir l’accès inconditionnel àleurs avocats et aux membres de leur famille ainsi que garantir un examen médical immédiat par un médecin de leur choix et untraitement médical approprié, conformément, entreautres, à l’Ensemble de règles minima pourle traitement des détenus des Nations Unies; 3. Garantir uneenquête immédiate, efficace, exhaustive, indépendante et impartiale sur lesallégations de torture et autres mauvais traitements, dont les conclusionsseront rendues publiques, et ce afin d’identifier les responsables, de lestraduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial etd’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par laloi;4. Déclarerirrecevables les éléments de preuve ou les déclarations extorqués sous latorture ou les mauvais traitements; 5. Déclarer la nullitédes jugements fondés sur des éléments de preuve obtenus par la torture oud’autres contraintes; 6. Garantir un recours effectif etune réparation adéquate, y compris l’indemnisation et la réhabilitation à MM. Ramzi Romdhani etTaoufik Houimdi;7. Garantir le respectdes droits de l’homme et des libertés fondamentales à travers le pays selon leslois nationales et les instruments internationaux des droits de l’homme. Adresses Ø M. Zine el-AbidineBen Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage,Tunisie, Fax: +216 71 744 721 ou +216 71731 009Ø Ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj Kacem, Ministèrede l'Intérieur, Avenue Habib BourguibaØ 1000 Tunis, Tunisie, Fax : + 216 71 340888Ø Ministre de la Justice et des Droits de l'homme,Lazhar Bououni, Ministère de la Justice et des Droits de l'homme, 31, boulevardBab Benat, 1006 Tunis - La Kasbah, Tunisie, Fax : + 216 71 568106Ø Ridha Khemakhem, Coordinateur général des droits de l'homme,Ministère de la Justice et des Droits de l'homme, 31, boulevard Bab Benat, 1006Tunis - La Kasbah, TunisieØ Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Officedes Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63;Email: mission.tunisia@ties.itu.int Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de laTunisie dans vos pays respectifs***Genève, le 2 décembre 2010.Veuilleznous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dansvotre réponse.
[1] 30 individus, dont M. Taoufik Houimdi, avaient été arrêtés entre ladeuxième quinzaine de décembre 2006 et la première semaine de janvier 2007 dansplusieurs villes du pays, suspectés d’avoir des liens avec le grouperesponsable des confrontations armées avec les forces de l’ordre qui ont eulieu près de Soliman dans la banlieue sud de Tunis fin décembre 2006 et qui sesont soldées par la mort de 12 d’entre eux et de membres de l’armée. Ils ont été inculpés d'infractions liées au terrorisme,notamment de complot en vue de renverser le gouvernement et d'appartenance àune organisation terroriste. Ils ont été condamnés à des peines variées auterme d’un procès entaché d’irrégularités en février 2008. Selon lesinformations reçues, leurs avocats ont affirmé qu’ils ont été systématiquementtorturés dans les locaux du Ministère de l’Intérieur et que les procès verbauxde garde à vue ont été falsifiés. Ils auraient été transférés en prison aprèsplus d’un mois de détention et y auraient été à nouveau torturés ainsi quesoumis à des traitements dégradants. Ils auraient été cagoulés et passés àtabac et obligés de dormir à même le sol, privés de couvertures, en pleinhiver. Par ailleurs, leurs avocats se sont plaints qu’ils arrivaient au parloirpour la visite les yeux bandés et les mains et les jambes entravées. La couraurait refusé systématiquement de consigner ces déclarations, interrompant lesaccusés afin qu’ils n’achèvent pas leurs phrases. Suivi de l’appel TUN 171207,TUN 171207.1, TUN 171207.2 et TUN 171207.3[2] Selon les informations reçues,l’avocat de M. Taoufik Houimdi a été agressé par le directeur de la prisonsuite à l’entretien avec son client. Le directeur lui aurait arraché ses notes.Les entretiens entre M. Taoufik Houimdi et son avocat sont systématiquementsurveillés. [3] Voir la Note sur le suivi de la miseen œuvre des recommandations du Comité des Droits de l’Homme par la Tunisie,août 2009, disponible sur le site de l’OMCT www.omct.org.