Tunisie
25.10.05
Interventions urgentes

Tunisie: Harcèlement à l'encontre de Me Hédi Menai

TUN 006 / 1005 / OBS 100Harcèlement
Tunisie

25 octobre 2005


L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Tunisie.

Description des faits :

L’Observatoire a été informé par le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) d’actes de harcèlement à l’encontre de Me Hédi Menai, membre de la section régionale du Conseil de l’ordre des avocats, membre fondateur et ancien dirigeant du CNLT, membre du bureau de la section de Jendouba de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) et coordinateur de la Fédération de Jendouba du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL).

Selon les informations reçues, le 16 septembre 2005, des agents de police en civils ont encerclé le cabinet de Me Hédi Menai et lui en ont interdit l’accès, alors qu’il était accompagné d’un notaire et de ses clients. Appelé par Me Menai, le procureur de la République près le Tribunal de Jendouba a refusé d’intervenir et d’enregistrer la plainte de Me Menai, invitant ce dernier à s’en remettre au commissaire de police de Jendouba qui supervisait l’encerclement du cabinet.

Deux jours plus tard, le chauffeur de Me Hédi Menai, M. Fethi Taboui, qui avait été invité à collaborer avec la police et avait décliné l’offre, a été arrêté de façon arbitraire, au prétexte qu’il était recherché pour une affaire. Lorsque Me Menai a apporté la preuve que M. Taboui ne pouvait être impliqué dans l’affaire en question, la police a invoqué d’autres affaires impliquant d’autres personnes, toutes étrangères au chauffeur. Il a finalement été libéré 21 septembre 2005. La plainte déposée pour détention arbitraire a été classée par le Parquet. Tout porte à croire que cette arrestation visait l’immobilisation de Me Menai, ce dernier ne pouvant conduire à cause d’un handicap à la jambe. De même, depuis près de cinq mois, Mme Leila Ayadi, secrétaire de Me Menai, ne cesse d’être régulièrement harcelée par les agents de police, afin qu’elle quitte son emploi dans ce cabinet.

En outre, des policiers en civil ainsi que des agents officiels du commissariat de Jendouba font le siège du cabinet de Me Menai, afin de dissuader ses clients d’avoir recours à son conseil. Ces actes d’intimidation ont pris une nouvelle ampleur depuis que Me Menai s’est constitué comme avocat de la famille de M. Moncef Louhichi, mort en détention dans des conditions suspectes, à Tabarka, le 16 juin 2005 (cf. appel OMCT Cas TUN 280605). Ainsi, en juin 2005, le Gouverneur de Jendouba ainsi que le Maire de Tabarka sont intervenus personnellement auprès de la famille de M. Louhichi pour l’inciter à retirer l’affaire à Me Menai. Malgré ces pressions, la famille a maintenu le choix de son avocat.

Par ailleurs, depuis la création du CNLT en 1998, Me Menai subit une surveillance étroite de la part de la police, y compris au sein des tribunaux du gouvernorat de Jendouba où il plaide, afin d’intimider ses clients et de porter atteinte à sa crédibilité en tant qu’avocat. En outre, cette surveillance s’est intensifiée depuis son élection au bureau directeur du CNLT en 2001.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits, qui illustrent une nouvelle fois les pressions constantes auxquelles doivent faire face les avocats et défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et demande à la Tunisie, pays hôte du prochain Sommet mondial sur l’information (SMSI), qui se tiendra à Tunis en novembre 2005, de mettre un terme à tout acte de harcèlement ou entrave au travail des défenseurs des droits de l’Homme dans le pays, et de se conformer aux obligations internationales en matière de droits de l’Homme, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel elle est partie.


Actions demandées :

Merci d’écrire aux autorités tunisiennes et de leur demander de :
i. Mettre un terme à toute forme d’intimidation à l’encontre de Me Hédi Menai, et plus généralement contre tous les avocats et défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie ;

ii. Mener une enquête indépendante et impartiale sur les actes de harcèlement décrits ci-dessus afin que leurs auteurs soient dûment identifiés et sanctionnés ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, son article 9.3c) qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, d’offrir et prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales”, son article 11 qui prévoit que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’exercer son occupation ou sa profession conformément à la loi”, ainsi que son article 12.2 qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Adresses :

  • M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax: +216 71 744 721 ou +216 71 731 009

  • M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax: +216 71 562 378

  • M. Rafik Belhaj Kacem, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax: ++ 216 71 340 888; Email : mint@ministeres.tn

  • M. Kamel Morjane, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax: +216 71 561 804

  • M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn

  • Ambassadeur, S.E M. Samir Labidi, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int


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Genève - Paris, le 25 octobre 2005

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : observatoire@iprolink.ch
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29