République démocratique du Congo
24.03.11
Interventions urgentes

Menaces et actes d'intimidation à l'encontre de Mme Justine Masika Bihamba

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

COD 002 / 0311 / OBS 047

Menaces / intimidation

République démocratique du Congo

24 mars 2011

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation:

L'Observatoire a été informé de sources fiables de menaces et d’actes d’intimidation à l'encontre de Mme Justine Masika Bihamba, Coordinatrice de la Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles (SFVS) à Goma.

Selon les informations reçues, le 10 mars 2011, lors d’une conférence de presse organisée par la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) – à la fois chambre de commerce et d'industrie et principale organisation patronale de la République Démocratique du Congo – à Goma, les organisateurs ont publiquement menacé Mme Masika Bihamba en ces termes : « la Coordinatrice de l’organisation des femmes SFVS là ne sait pas ce qu’elle est en train de faire, puisqu’elle va toujours en Europe pour nous accuser, le problème des minerais ne la concerne pas ».

Le même jour, deux inconnus attendaient sa fille devant son domicile. La prenant pour Mme Masika Bihamba, ils lui ont arraché son passeport ainsi que son appareil photo numérique avant de s’enfuir.

Le 14 mars 2011, un sénateur natif de la province du nord Kivu s’est également publiquement attaqué à Mme Masika Bihamba et à la SFVS en ces termes : « les organisations de la société civile ne savent pas ce qu’elles sont en train de faire; l’histoire de minerais ne les concerne pas ».

Ces menaces feraient suite à un courrier de la SFVS daté du 7 mars 2011 et adressé à Mme Hillary Clinton, secrétaire d’Etat des Etats-Unis, demandant au département d’Etat américain de soutenir la mise en œuvre rapide et effective de la Section 1502 du Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act voté en juillet 2010 par le Sénat américain.

En vertu de cette loi, les compagnies pétrolières, gazières et minières enregistrées auprès de la "Securities and Exchange Commission" (SEC) (une agence indépendante du gouvernement fédéral des Etats-Unis dont la mission est de réglementer et de contrôler les marchés financiers américains) et dont les produits contiennent de la cassitérite (minerai d’étain), du coltan, du wolframite et de l’or, sont notamment tenues de faire savoir à la SEC si elles se procurent ces minerais en RDC ou dans un pays voisin. Elles sont également tenues d’informer la SEC de mesures prises afin d’éviter de se procurer ces minerais auprès de groupes armés congolais.

Cette lettre fait suite à la levée d'un arrêté de suspension d’exploitation des minerais dans la province du Maniema, nord-Kivu et sud-Kivu, qui avait été promulgué par le Ministre des mines congolais sur décision du Président de la République en septembre 2010 suite aux atrocités perpétrées sur la population par des chefs rebelles, devenus exploitants des minerais dans la région.

Par ailleurs, le 27 décembre 2010, un magistrat de l’auditorat militaire de Goma avait appelé Mme Masika Bihamba afin de la prévenir de sa possible arrestation si elle continuait à dénoncer les violations des droits de l’Homme commises à l’Est de la RDC. Il lui aurait indiqué qu’il avait reçu l’ordre de l’arrêter suite à son intervention le 28 novembre 2010 au cours de l’émission de TV5 « Et si vous me disiez toute la vérité ». Mme Justine Masika Bihamba avait parlé de la situation générale de droits de l’Homme au nord Kivu, de l’impunité, des cas des violences sexuelles ainsi que des violations des droits de l’Homme qui auraient été perpétrées par le Général Bosco Ntaganda, sous mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.

L’Observatoire condamne fermement ces menaces et actes d’intimidation à l'encontre de Mme Justine Masika Bihamba et des membres de sa famille, qui visent manifestement à entraver son action en faveur des droits de l'Homme, et s’inscrivent dans un contexte d'intimidations répétées à l'encontre des défenseurs des droits de l’Homme en RDC.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Mme Justine Masika Bihamba et de sa famille ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en République démocratique du Congo ;

ii. Mener une enquête indépendante sur les menaces et actes d’intimidation décrits ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi congolaise et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme en RDC ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

- son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

- son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres: a) de détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales ; c) d'étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu'en pratique, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d'appeler l'attention du public sur la question” ;

- et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration.”

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax +243 88 02 120

· M. Alexis Thambwe Mwamba, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, Cabinet du Ministre, bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo

· M. Luzolo Bambi, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521

· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de RDC dans vos pays respectifs.

***

Genève-Paris, le 24 mars 2011

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de l’OMCT et de la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80