Soudan
22.07.02
Interventions urgentes

Soudan: 88 membres de la tribu de Rizeigat ont été condamnés à la peine capitale

Cas SDN 100702.1 / 100702.1.EE
Torture / Procès équitable / Peine capitale

Genève, le 24 juillet 2002

Le Secrétariat International de l'OMCT a reçu de nouvelles informations concernant la situation suivante au Soudan.

Nouvelles informations

Le Secrétariat International de l'OMCT a été informé par la Sudan Organisation Against Torture (SOAT), un membre du réseau de l’OMCT, que, sur les 96 membres de la tribu de Rizeigat inculpés à la suite de leur arrestation le 6 mai 2002 (suivant un conflit qui a opposé les tribus Rizeigat et Ma’aliya), 88 ont été condamnés le 17 juillet 2002 à la peine capitale par pendaison, ainsi que par pendaison et crucifixion. Cette sentence a été rendue à la suite d’un procès que l’OMCT ne considère pas équitable et prononcée par la Cour spéciale (Tribunal d’exception) de la province du Darfour au Soudan. La cour était présidée par le juge Mukhtar Ibrahim Adam et deux officiers de la police et de l’armée. Sur les 88 personnes condamnées, deux sont des garçons de 14 ans.

Selon les informations reçues, un total de 136 personnes avaient été arrêtées le 6 mai 2002 à la suite d’un conflit entre tribus qui avait entraîné la mort de 10 personnes. 96 personnes issues de la tribu des Rizeigat auraient été inculpées pour vols à main armée (Harraba), meurtres et possession d’armes. Ces crimes peuvent entraîner des sentences tels que la peine capitale par pendaison, ainsi que par pendaison et crucifixion, par amputation et par amputation et crucifixion. Cliquez ici pour accéder a une liste des noms des personnes condamnées à mort, comprenant Kabashi Alyan et Gadim Hamdoun, deux garçons âgés de 14 ans.

Selon les informations reçues, 35 des détenus, incluant 3 enfants, auraient été soumis à des actes de torture pendant leur détention entre le 21 et 22 juin 2002 : ils auraient été frappés à coups de bâton et auraient reçu des coups à la tête assénés avec des revolvers et des tuyaux par le Chef de la police de la province, un officier chargé des interrogatoires du nom d’Ahmed et quatre assistants Omer, Nasr el Din, Musa et Abu Indelang (surnom). Ces actes de torture auraient entraîné chez certains des 35 détenus des fractures des doigts et des avant-bras. La liste des noms des personnes qui auraient été torturées peut être trouvée dans l’appel urgent de l’OMCT précédent (Cas SDN 100702 / 100702.EE)

Selon les informations reçues, sept des 96 personnes ont été acquittées et une personne a été condamnée à 10 ans de prison à la suite du procès. Les noms de ces personnes nous sont inconnus pour l’instant, bien qu’il semblerait que Mohamed Sedieg (14 ans), qui fait partie des 35 détenus torturés, ait été relâché ; mais ceci reste à confirmer.

Selon les informations reçues, Maître Fadl Hamid, avocat de la défense, a fait appel auprès du président de la cour suprême du district samedi 20 juillet 2002. L’OMCT craint que ces condamnations soient mise en œuvre très rapidement dans le cas où l’appel est rejeté.

Le Secrétariat International de l'OMCT est vivement préoccupée pour l’intégrité physique et psychologique des 86 hommes et des 2 enfants condamnés à mort. L’OMCT estime que les droits de ces personnes ont été violés en raison des allégations d’usage de torture et des violations des normes internationalement reconnues concernant les garanties d’une procédure régulière, y compris d’un procès équitable : le droit d’être jugé par un tribunal impartial, le droit de faire appel auprès d’un tribunal indépendant, le droit d’être représenté par un défenseur. De plus, il est important de souligner que ces civils ont été jugée par ce qui dans les faits s’appelle un tribunal militaire. L’OMCT insiste sur le fait qu’elle est fermement opposée à toutes formes d’amputation ainsi qu’à la peine capitale en tant que forme extrême de traitements cruels, inhumains ou dégradants et violation du droit à la vie tel qu’énoncé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et autres instruments internationaux des droits de l’homme.

En outre, l’OMCT souhaite rappeler que le gouvernement du Soudan, en tant qu’Etat partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, est obligé de se conformer à tous ses articles ; et plus particulièrement à son article 37 (a) qui demande à l’Etat partie de veiller à ce que « Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie (…) ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans ».

Bref rappel de la situation

Selon les informations reçues, les détenus ont été jugés par la Cour spéciale de la province du Darfour. Etablie en vertu de la Loi sur l’état d’urgence adoptée en 1998 par les gouverneurs des provinces sud et nord de Darfour, la Cour spéciale traite des crimes tels que les vols à main armée, les crimes contre l’Etat, ainsi que des crimes relatifs aux stupéfiants et aux nuisances publiques. La Cour spéciale comporte deux juges militaires et un juge civil. Les avocats n’ont d’habitude pas l’autorisation de se présenter devant la Cour spéciale et les plaignants n’ont le droit de faire appel uniquement dans les cas de condamnation à la peine capitale ou à l’amputation. Si tel est le cas, l’appel doit être déposé sept jours au plus tard après l’annonce de la sentence auprès du président de la cour suprême du district à qui revient la décision finale. Selon les informations reçues, le Ministre de la Justice soudanais a admis publiquement que les Cours spéciales ne respectaient pas les procédures judiciaires correctes.

Selon le rapport, le 2 juillet 2002, les 6 avocats suivants représentant les détenus - Masaad Mohamed Ali, Muzemil Jama’ah Al Jack, Mohamed Omer Salah, Mohamed Ali Salah, Ali Adam Ali, Ahmed Mohamed Abdalla – se sont retirés de la cour en signe de protestation contre la Cour spéciale No. 1 située à Niyala Darfour qui a débouté leur demande d’interroger les témoins de l’accusation. Le juge a répliqué que la Cour respectait ses propres procédures, qui violent les normes internationalement reconnues concernant les garanties d’une procédure régulière, y compris d’un procès équitable, en vertu desquelles ni les avocats ni les défenseurs n’ont le droit d’interroger les témoins de l’accusation. Après le retrait des avocats, la Cour aurait continué sa séance et inculpé 96 personnes au regard des articles 168, 175, 182 et 183 du code pénale de 1991, pour vols à main armée (Harraba), meurtres et possession d’armes.

Bien que les deux tribus soient d’origine arabe, des informations récentes indiquent que des membres de la milice des Ma’aliya ont rejoint les forces gouvernementales soudanaises depuis la récente offensive menée en pleine saison sèche contre le SPLA dans le sud du pays. Par conséquent, les Rizeigat ont accusé le gouvernement de soutenir la tribu des Ma’aliya.

Actions requises

Nous vous prions de bien vouloir contacter les autorités du Soudan en leur demandant :

i. de garantir l’intégrité physique et psychologique des personnes sus-mentionnées;

ii. d’annuler immédiatement la peine capitale ;
iii. d’interdire la pratique des Cours spéciales, étant donné qu’elles ne respectent pas les normes internationales en matière de procédures régulières, y compris de procès équitable;

iv. d’ordonner la libération immédiate des personnes sus-mentionnées en l'absence d'accusations juridiquement fondées ou, le cas échéant, de les poursuivre devant un tribunal impartial et compétent tout en garantissant leurs droits procéduraux en tout temps;

v. de garantir une enquête immédiate sur les faits susmentionnés, en particulier sur les allégations de recours à la torture, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;

vi. de garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les enfants dans tout le pays, conformément aux lois nationales et normes internationales, et plus particulièrement à la Convention relative aux droits de l’enfant.

Adresses

· His Excellency Lieutenant General Omar Hassan al-Bashir, President of the Republic of Sudan, President' s Palace, PO Box 281, Khartoum, Sudan, Fax: + 24911 783223/787676

· His Excellency Mr Mustafa Osman Ismail, Minister of Foreign Affairs, Ministry of Foreign Affairs, PO Box 873, Khartoum, Sudan, Fax: + 24911 779383

· Mr Ali Mohamed Osman Yassin, Minister of Justice and Attorney General, Ministry of Justice, Khartoum, Sudan, Fax: + 24911 788941

· His Excellency Ambassador Mr. Ibrahim Mirghani Ibrahim, Permanent Mission of the Republic of Sudan to the United Nations in Geneva, PO Box 335, 1211 Geneva, Switzerland, Fax: +4122 731 26 56, E-mail: mission.sudan@ties.itu.int.

Veuillez aussi écrire aux représentations diplomatiques du Soudan dans vos pays respectifs.

Genève, le 24 juillet 2002

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.