Rwanda
01.06.07
Interventions urgentes

Condamnation de M. François-Xavier Byuma à 19 ans d'emprisonnement

RWA 001 / 0607 / OBS 059
Condamnation
Rwanda
1er juin 2007

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Rwanda.

Description des faits :

L’Observatoire a été informé par des sources fiables de la condamnation de M. François-Xavier Byuma, ancien vice-président de la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR), coordinateur du Réseau des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique centrale (REDHAC) et président de Turengere Abana, l’Association rwandaise pour la protection et la promotion de l’enfant, une ONG basée a Kigali qui lutte notamment contre les violences sexuelles et le travail forcé des enfants.

Selon les informations reçues, le 27 mai 2007, le tribunal gacaca[1] de Biryogo, à Kigali, a condamné M. François-Xavier Byuma à 19 ans d’emprisonnement.

Le 3 mai 2007, M. François-Xavier Byuma avait reçu une convocation le notifiant à comparaître devant le tribunal gacaca pour « complicité dans le génocide rwandais de 1994 ». Cette notification est intervenue alors que l’ONG Turengere Abana enquêtait sur des allégations de viol d’une jeune fille de 17 ans dont, selon Truengere Abana, le juge président du tribunal gacaca local aurait été responsable.

M. Byuma était poursuivi pour « entraînement à la manipulation d’armes à feu pendant le génocide » ; « port illégal d’armes » ; « constitution de barrières » érigées en vue d’empêcher les Tutsis de fuir le génocide et « participation dans les attaques des Interahamwe » pendant le génocide.

Lors de l’audience, le 13 mai 2007, M. Byuma a récusé le siège, puis le président du siège, arguant que ce dernier étant mis en cause dans l’enquête effectuée par Turengere Abana sur des allégations de viol et que son droit à un procès juste et équitable n’était par conséquent pas garanti. Cette requête ayant été rejetée, il a été placé en détention et transféré le 14 mai 2007 dans la matinée, à la prison centrale de Kigali.

Le 20 mai 2007, M. Byuma a été présenté devant le tribunal gacaca, devant lequel il a plaidé non coupable. M. Byuma a été libéré le jour même, dans l’attente du verdict.

Le 27 mai 2007, M. Byuma a été condamné à 19 ans d’emprisonnement par le tribunal, en vertu de l’article 53, alinéa 5 de la Loi organique n°16/52004 du 19 juin 2004 qui, tel que modifié le 1er mars 2007, vise les personnes « qui dans l’intention de donner la mort, ont causé des blessures ou commis d’autres violences graves mais auxquelles les victimes n’ont pas succombé ». Si M. Byuma a été acquitté des chefs de port illégal d’armes, de constitution de barrières et de constitution de listes de Tutsis, il a en revanche été reconnu coupable de participation à un entraînement à la manipulation d’arme à feu et participation aux attaques alors qu’il était autorité administrative « au niveau de la cellule ». Par ailleurs, le tribunal l’a reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation non mentionnés lors de la première lecture de l’acte d’accusation, notamment l’agression et l’enlèvement d’une femme dénommée « Batamuliza ». La femme a déposé lors du procès, affirmant qu’elle aurait été enlevée mais elle a témoigné de façon contradictoire à propos de l’agression qu’aurait commise M. Byuma. De nombreuses divergences et lacunes caractérisent l’établissement des faits reprochés à M. Byuma, notamment quant aux circonstances de l’enlèvement de Batamuliza, celle-ci n’ayant, par ailleurs, jamais dit avoir été battue par M. Byuma. Dans sa décision, le tribunal n’a ni concilié ni expliqué les contradictions entre ces éléments de preuve concernant l’incident.

En outre, plusieurs témoins à décharge auraient été l’objet d’actes d’intimidations orchestrées par le Président du siège. Par ailleurs, le tribunal a acquitté deux autres personnes jugées en même temps que M. Byuma et accusées des mêmes faits, bien que l’un des deux acquittés ait admis sa culpabilité pour l’un des chefs d’accusation.

A la suite de l’annonce du verdict, M. Byuma a immédiatement déclaré qu’il ferait appel de sa condamnation.

En raison de ces faits, ainsi que du fait que la présidence du tribunal a été occupée par une personne mise en cause dans les enquêtes pour viol de l’association Turengere Abana, l’Observatoire considère que le droit à un procès juste et équitable de M. Byuma n’a pas été garanti. Il est par ailleurs à signaler que la juridiction gacaca de Biryogo est souvent mise en cause pour ses irrégularités.

Actions demandées:

Merci d’écrire aux autorités rwandaises et de leur demander de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. François-Xavier Byuma ;
  2. Garantir en toutes circonstances son droit à un procès juste et équitable en appel et approfondir de façon indépendante et impartiale son rôle dans les faits reprochés ;
  3. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, ainsi que son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;
  4. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Rwanda.

Adresses:

  • Président Paul Kagame, Présidence de la République, BP 15, Kigali, Rwanda, central bureau: 250-58 29 61, Bureau du Président: 250-58 6275, Président: 250-58 62 00, 250-51 65 00
  • S.E. Mme Venetia Sebudandi, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Rwanda auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, rue de la Servette 93, 1202 Genève, Tel. +41 22 919 10 00, Fax : +41 22 919 10 01, email : mission.rwanda@ties.itu.int
  • Ambassade du Rwanda à Bruxelles, 1 avenue des Fleurs, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, Belgique, Tel : + 32 2 763.07.21, Fax : + 32 2 763.07.53
  • Mme Domitile Mukantaganzwa, Secrétaire exécutive du service national des juridictions gacaca, BP 1874 Kigali, Rwanda.Tel : + 250 58 66 48, Fax : +250 58 66 47, Email : gacaca@rwandatel1.rwanda.com
  • M. Karugarama Tharcisse, Ministre de la Justice, Ministère de la Justice, BP 160, Kigali, Rwanda, Tel : +250 58 70 51, 250-58 63 98, Fax : +250 586 509
  • M. Martin Ngoga, Procureur général de Kigali, Parquet Général de la République de Rwanda, BP 1328 Kigali, Rwanda, Fax : +250 589 501
  • Ministre de l’Intérieur, Musa Fazil Harerimana, Ministère de l’Interieur, BP 446, Kigali, Rwanda, Tél/Fax : +250 58 78 81, + 250-58 53 07, + 250- 58 20 71

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Genève - Paris, le 1er juin 2007

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Les tribunaux gacaca, juridictions populaires inspirées des anciennes assemblées villageoises et présentes dans tout le pays, font partie d’un système communautaire de justice destiné à amener les responsables présumés du génocide de 1994 à répondre de leurs actes. Cependant, les planificateurs et les violeurs sont jugés par les tribunaux conventionnels.