Russie
23.10.01
Interventions urgentes

Russie: Menaces de mort contre la journaliste Anna Politkovskaia

APPEL URGENT – L’OBSERVATOIRE


RUS 002/0110/OBS 086
Menaces de mort
Fédération de Russie
22 octobre 2001

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, vous prie d’intervenir de toute urgence à propos de la situation suivante en Russie.

Description des faits :

L’Observatoire a été informé par Reporters Sans Frontières (RSF) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), de graves menaces dont a fait l’objet Anna Politkovskaia, journaliste russe de l’hebdomadaire Novaia Gazetta, auteur de nombreux articles dénonçant les violations de droits de l’Homme perpétrées par les forces russes en Tchétchénie. Ces menaces l’ont contrainte à partir à l’étranger et à trouver refuge provisoirement en Autriche.

Selon les informations reçues, ces menaces font suite, notamment, à un de ses articles daté du 10 septembre 2001, dans lequel elle mettait en cause Serguei Lapin, un officier russe responsable d’exactions contre des civils tchétchènes. Mme Politkovskaia a reçu un courrier électronique à la mi-septembre, indiquant que l’officier Lapin allait venir à Moscou pour se venger. La dernière menace en date du 10 octobre 2001, était signée « Kadet », surnom de l’officier.

Toutefois, ces menaces pourraient également être liées aux informations fournies par Mme Politovskaïa, concernant un hélicoptère russe abattu en septembre 2001, ayant causé la mort de dix militaires russes. Anna Politkovskaia laissait entendre que l’hélicoptère aurait été abattu par les forces russes elles-mêmes, alors que, selon les officiels russes, l’hélicoptère aurait été abattu par les soldats tchétchènes.

Depuis la profération de ces menaces, Mme Politkovskaia était protégée par des gardes du corps et Novaia Gazetta lui avait demandé de ne pas sortir de chez elle. La rédaction du journal a toutefois estimé que ces mesures de protection n’étaient plus suffisantes et qu’elle devait partir à l’étranger au moins temporairement.

Le 20 février 2001, Mme Politkovskaia avait déjà été arrêtée par des soldats russes au sud de la Tchétchénie, accusée, selon le porte-parole des forces russes en Tchétchénie, d’avoir « violé les procédures d’accréditation et les règles imposées par le commandement militaire ». Elle avait ensuite été transférée au commandement russe de Khankala, près de Grozny, puis expulsée de Tchétchénie deux jours après son arrestation, après que toutes ses notes et photographies aient été confisquées.

En avril 2001, Anna Politkovskaia a reçu le Prix des droits de l’Homme des Journalistes d’Amnesty International pour ses enquêtes et son travail de dénonciation des exactions perpétrées par les troupes russes en Tchétchénie.

L’Observatoire rappelle que ces faits s’inscrivent dans le cadre d’une véritable stratégie menée par les autorités russes, visant à empêcher toute couverture indépendante des événements en Tchétchénie. Les règles d’accréditation des journalistes russes ont été sévèrement restreintes et les journalistes ne peuvent que très rarement pénétrer en zone de guerre de façon indépendante. Depuis ces derniers temps, Anna Politkovskaia était la seule journaliste russe qui continuait à enquêter en Tchétchénie.

L’Observatoire est vivement préoccupé par ces faits, qui s’inscrivent en grave violation des dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, et notamment de l’article 6.a qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’Homme et toute les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national » ; de l’article 6.b qui stipule que « chacun a le droit […] de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales » ; et de l’article 11 selon lequel « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’exercer son occupation ou sa profession conformément à la loi. ».

Actions demandées :

Merci d’écrire aux autorités russes et de leur demander de :

i. veiller à ce que cesse toute forme de menaces à l’encontre de Mme Anna Politkovskaia et garantir qu’elle puisse revenir en Russie en toute sécurité ;
ii. mener une enquête complète et impartiale sur les faits mentionnés, afin d’identifier les auteurs des menaces proférées contre Mme Politkovskaia, de les poursuivre en justice et de leur appliquer les sanctions pénales prévues par la loi ;
iii. garantir le libre exercice de leur profession aux journalistes d’investigation enquêtant sur la situation des droits de l’Homme en Russie et, plus généralement garantir la libre poursuite des activités des défenseurs des droits de l’Homme ;
iv. se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, notamment à ses articles 6.a et 6.b et 11 sus-mentionnés.
v. se conformer, plus généralement, aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ainsi que des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme auxquels la Russie a souscrit.

Adresses:

H.E. Vladimir V. Putin, President of Russian Federation
E-mail :webmaster@gov.ru
E-mail : prespr@gov.ru
E-mail : president@gov.ru

President of The Council of Federation
E-mail : akdi@akdi.ru

State Duma
E-mail : www@duma.ru

Paris - Genève, le 22 octobre 2001

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : observatoire@iprolink.ch

Tel et fax FIDH 33 (0) 1 43 55 20 11 / 01 43 55 18 80
Tel et fax OMCT + 4122 809 49 39 / 41 22 809 49 29