Mauritanie
27.02.12
Interventions urgentes

Libération de six étudiants qui risquent toujours la peine de mort et les travaux forcés

FédérationInternationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

Associationmauritanienne des droits de l’Homme (AMDH)

AgirEnsemble pour les Droits de l’Homme (AEDH)

OrganisationMondiale Contre la Torture (OMCT)

UnionInterafricaine des Droits de l’Homme (UIDH)

AmnestyInternational (AI)

SOSEsclaves

Associationdes femmes chefs de famille (AFCF)

Mauritanie : libération de six étudiants qui risquent toujours lapeine de mort et les travaux forcés

Paris,Nouakchott, Lyon, Genève, 27 février 2012 - La FIDH,l’OMCT, l'AEDH, l’UIDH, AI, AFCF, SOS esclaves, ainsi que l’AMDH accueillent avec soulagement l'ajournement du procès etla libération, ce jour, de six étudiants et représentants syndicauxestudiantins mauritaniens. Nos organisations demeurent toutefois vivementpréoccupées par leur sort, puisque certains risquent encore la peine de mort,et exhortent les autorités mauritaniennes à abandonner des poursuitesarbitraires et excessives à leurencontre et le cas échéant à leur garantir un procès juste et équitable.

Le27 février 2012, six étudiants et représentants syndicaux estudiantins arrêtés à la suite des récentesmanifestations estudiantines dans la capitale devaient passer en jugementdevant la Cour criminelle de Nouakchott dans le cadre de la procédure accéléréede flagrant délit. MM. Souleymane Kebé, membre du bureau exécutif du Syndicat national desétudiants mauritaniens (SNEM), Boubacar Diallo, Aly Idrissa Sow, Moustapha AlyThiam, Abdarrahmane Kamara,et Boubou Thiam ont finalement été relâchés et leurprocès ajourné sine die.

« Nousavons évité un procès expéditif pour les six étudiants » a déclaré MeFatimata Mbaye, présidente de l'AMDH et vice-présidente de la FIDH. « Maisl'épée de Damoclès reste toujours suspendue sur leur tête tant que les chargestotalement abusives n’auront pas été abandonnées » a-t-elle ajoutée.

Les six étudiants demeurent en effetinculpés depuis le 23 février dernier par le parquet deNouakchott pour « crimesvisant à déstabiliser l’État par le massacre ou la dévastation »(art. 90 et 91 du Code Pénal) ainsi que «attroupements illégaux » (art.104 et 105 du Code Pénal). Ils encourent des peines allant de 10 ans de travauxforcés à la peine de mort. L’audience prévue initialement à partir de 1ermars, a ensuite été avancée le 27 février ce qui, selon les avocats desdétenus, ne pouvait pas permettre de garantir la tenue d’un procès équitable etempêchait les observateurs étrangers d'assister au procès. L'audience qui s'estouverte le 27 février au matin a finalement été reportée sine die et lesétudiants incarcérés ont été relâchés. Les étudiants détenus n'avaient pas euaccès à leurs avocats et ont été torturés durant leur garde à vue. Parailleurs, cinq étudiants sont toujours recherchés dans le cadre de la mêmeprocédure : MM. Bakary Bathily, secrétaire général du SNEM qui avait étégravement torturé le 24 septembre 2011[1],Mamadou Ly, Babou Mohamed Salem, Alpha Oumar Bal, et « Illa ».

Les11 étudiants sont poursuivis pour avoir participé depuis le 2 février 2012 àdes sit-in et des manifestations estudiantines à l'université de Nouakchottréclamant le report des examens, le paiement des bourses d'études et laréintégration des étudiants renvoyés à la suite du sit-in du 2 février.[2]Nos organisations demeurent préoccupées par leur situation alors que le 26février 2012, le ministre de l'Intérieur et de la décentralisation, M. MohamedOuld Boilil tenait devant le parlement un discours incendiaire dans lequel il aqualifié les étudiants poursuivis de « bande de criminels qui méritentd'être exécutés ».

Nos organisations dénoncent de telspropos qui font échos au caractère disproportionné des inculpations et despeines encourues, et demandent instamment aux autorités mauritaniennesd'abandonner toutes charges criminelles et manifestement abusives contre lesétudiants et le cas échéant, leur garantir un procès juste et équitableconformément aux dispositions des instruments régionaux et internationaux desdroits de l'Homme auxquels la Mauritanie est partie tel que le Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques et la Charte africainesdes droits de l'Homme et des Peuples.

Ces faits interviennent dans uncontexte de restriction et de répression accrues en Mauritanie contre lesdéfenseurs des droits de l'Homme et contre toute personne souhaitant manifesterpacifiquement son opposition aux décisions des autorités. Ainsi depuisplusieurs mois, les manifestations et toute expression contestataire contre parexemple le caractère discriminatoire du recensement des populations, lapersistance de la pratique de l'esclavage ou encore des mesures économiquessont systématiquement et durement réprimées.

Face à cette situation, nosorganisations demandent à la Commission africaine des droits de l'Homme et desPeuples, toujours réunie en 11ème session extra-ordinaire à Banjul (Gambie)d'appeler les autorités mauritaniennes à cesser les atteintes aux libertésgaranties par la Charte africaine notamment les actes de tortures, à garantireffectivement les libertés d'opinion et de manifestation et le cas échéant àdemander à la Mauritanie la non-exécution des peines prononcées au regard ducaractère manifestement disproportionné des accusations et des peines encouruespar les étudiants.

Contact :

OMCT, Tel. +41 22 809 49 39

[1] Voir l'appel urgent de l'Observatoire pourla protection des défenseurs des droits de l'Homme (FIDH/OMCT) http://www.fidh.org/Disparition-de-M-Bakary-Bathily

[2] Voir le communiqué de l'AMDH du 16 février2012, http://www.fidh.org/Mauritanie-l-AMDH-denonce-les