Niger
22.11.19
Interventions urgentes

Libération de M. Sadat Illiya Dan Malam

Nouvelles informations

NER 001 / 0418 /OBS 039.5
Libération
Niger
22 novembre 2019

L’Observatoirepour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de laFIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu denouvelles informations et vous prie d’intervenir sur la situation suivante au Niger.

Nouvellesinformations :

L’Observatoire a été informéde sources fiables de la libération de M. Sadat Illiya Dan Malam,coordinateur du Mouvement patriotique pour une citoyenneté responsable (MPCR) àZinder.

Selonles informations reçues, le 20 novembre 2019, après plus de 19 mois dedétention arbitraire, la Cour d’appel de Zinder a ordonné la libération de M.Sadat Illiya Dan Malam.

M.Sadat Illiya Dan Malam avait été arrêté le 18 avril 2018 par la police deZinder, accusé de « participation à un mouvement insurrectionnel » et« complot contre la sûreté de l’État », en raison de sa participationau mouvement contre la Loi de finances dans la région de Zinder (voir rappeldes faits).

Le 20 mai 2019, le Tribunal de Zinder a requalifié les charges en« outrage à des membres du PNDS-Tarayya » (Parti nigérien pour ladémocratie et le socialisme) et ordonné la libération de M. Sadat Illiya DanMalam, cette charge, moins lourde, étant seulement passible d’une amende.Cependant, le procureur a interjeté appel de cette décision et M. Sadat IlliyaDan Malam est resté en détention dans la localité de Magaria jusqu’à ladécision de la Cour d’appel.

L’Observatoirerappelle que l’arrestation et le harcèlement judiciaire de M. Sadat Illiya DanMalam sont intervenus dans un contexte de manifestationspopulaires visant à dénoncer l’injustice sociale résultant de la Loi definances 2018. De nombreuses figures de proue de la société civile ont alorsété arrêtées par les autorités nigériennes, dont MM. Ali Idrissa, MoussaTchangari, Nouhou Arzika et Me. Lirwana Abdourahmane (voirrappel des faits), qui ont tous, depuis, été libérés.


L’Observatoire se réjouit de la libération de M. Sadat Illiya Dan Malam maisrappelle que celui-ci n’aurait jamais dû être arrêté en premier lieu, et que sadétention était arbitraire en ce qu’elle ne visait qu’à sanctionner l’exercicelégitime de ses droits aux libertés d’association, de réunion, de réunionpacifique et d’expression.

L’Observatoireappelle les autorités nigériennes à respecter l’ensemble des droits garantispar les instruments internationaux et régionaux de protection des droitshumains ratifiés par le Niger, en particulier s’agissant des droits auxlibertés d’association, de réunion pacifique et d’expression, et à mettre fin àtoute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre desdéfenseurs des droits humains dans le pays.

Rappeldes faits :

Le25 mars 2018, MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et Me.Lirwana Abdourahmane ont été arrêtés aux sièges respectifs du MPCR, del’Alternative Espaces Citoyens (AEC), du cabinet d’avocat Seybou Daouda et deslocaux de la chaîne de télévision Labari.Aucun mandat d’arrestation n’a été présenté au moment de leurs interpellations.Ces arrestations sont intervenues dans la matinée alors que se préparait unejournée d’action citoyenne organisée par la société civile, prévue à partir de16 heures pour protester contre la Loi de finances 2018[1].

Lamarche du 25 mars s’était tenue malgré un arrêté publié par la ville de Niameyle 23 mars 2018 l’interdisant « pour des raisons évidentes de sécurité […]et au regard du contexte sécuritaire au Niger et dans la sous-région, etd’autres part, des récentes attaques terroristes ».

Dansla soirée du 25 mars 2018, les forces de sécurité ont encerclé le siège du MPCRet fait irruption dans les locaux de Labarisans présenter ni notification écrite du Conseil supérieur de la communication,ni mandat. Ils souhaitaient récupérer une copie du journal télévisé auquel Me.Lirwana Abdourahmane avait participé le jour même et dans lequel il commentaitl’interdiction de la manifestation. Face aux refus des journalistes, les forcesde sécurité ont fermé l’accès aux locaux de la chaîne, en violation des textesrégissant la liberté de la presse au Niger, obligeant le média à cesser ladiffusion de ses programmes jusqu’au 28 mars 2018, malgré un courrier duPrésident du Conseil supérieur de la communication et la décision d’un juge desréférés qui a déclaré illégale la fermeture de la chaîne et ordonné saréouverture immédiate.

Le27 mars 2018, MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et LirwanaAbdourahmane et 18 autres personnes arrêtées en lien avec la répression de lamarche ont été inculpés d’« organisation et participation à unemanifestation interdite » et « complicité de destruction debiens ». Le jour même, ils ont été transférés dans différentes prisons àplusieurs dizaines de kilomètres de Niamey. Ainsi, M. Ali Idrissa a étédétenu à Filingué (à environ 150 km de Niamey), M. Moussa Tchangari àOuallam (à environ 100 km de Niamey), M. Nouhou Arzika à Tillabéry etM. Lirwana Abdourahmane à Daïkaina sur le fleuve Niger (à environ 103 kmde Niamey).

Le15 avril 2018 dans la matinée, MM. Ibrahim Diori, Maikoul Zodiet Abdourahamane Idé Hassane ont été arrêtés à Niamey en amont d’unejournée d’action citoyenne organisée par la société civile pour protestercontre la Loi de finances 2018 et interdite par les autorités pour des« raisons de sécurité ».

Le19 avril 2018, le tribunal de Niamey a inculpé les trois défenseurs de« participation à une manifestation interdite et dégradation des bienspublics ». MM. Ibrahim Diori et Maikoul Zodi ont par la suite ététransférés respectivement dans les prisons de Kollo et Say etM. Abdourahamane Idé Hassane a été libéré sous caution.

Le18 avril 2018, M. Sadat Illiya Dan Malam a été arrêté par la police deZinder. Il a été accusé de « participation à un mouvementinsurrectionnel » et « complot contre la sûreté de l’État ». Cesaccusations seraient liées à sa participation au mouvement contre la Loi definances dans la région de Zinder.

Le25 avril 2018, M. Yahaya Badamassi a été arrêté à la policejudiciaire de Zinder, où il avait été convoqué le jour même. Il aurait étéinterrogé sur les manifestations organisées en février, mars et avril 2018contre la Loi de finances 2018.

Le2 juillet 2018, M. Karim Tanko a été arrêté par la policejudiciaire avant d’être transféré une heure après à la prison de Niamey. Il aété accusé d’ « organisation et participation à une manifestationinterdite » et « dégradation de biens publics », pour avoirparticipé à des manifestations contre la Loi de finances 2018, celui-ci étantl’un des cosignataires de l’appel à manifester du 15 avril 2018.

Le3 juillet 2018 le procès de MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, NouhouMahamadou Arzika, Me. Lirwana Abdourahmane et de quatorze leaders de la sociétécivile nigérienne a été reporté au 10 juillet 2018, après que les prévenusn’aient pas été présentés à la barre. Interrogée sur les raisons de l’absencedes prévenus à l’audience, la procureure a déclaré « je ne saispas ». Les avocats de la défense ont formulé une demande de mise enliberté au motif de « l’incapacité du ministère public à faire comparaîtredes personnes détenues sous mandat ». La demande a été rejetée par letribunal.

Lors de l’audience du 10 juillet 2018, qui a duré 15 heures, le ministèrepublic a requis trois ans de prison ferme et 100,000 FCFA d’amende (environ 150euros) à l’encontre de MM. Ali Idrissa, Nouhou Mahamdou Arzika et MoussaTchangari et un an de prison ferme à l’encontre de Me. Lirwana Abdourahmane.Par ailleurs, la ville de Niamey qui s’est constituée partie civile dans leprocès a réclamé 20,000,000 FCFA (environ 30 450 euros) de dommages etintérêts. Le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey a mis l’audienceen délibéré au 24 juillet 2018.

Le12 juillet 2018, Me Lirwana Abdourahmane a été par ailleurs inculpé d’« outrage à magistrat par voie de parole lors de l'audiencedu 10 juillet 2018 », à la suite d’une plainte du doyen des jugesd’instruction, pour avoir accusé le doyen des juges du tribunal de Niamey decorruption au cours de l’audience du 10 juillet. Le 23 juillet 2018, le Tribunal de grandeinstance hors classe de Niamey a condamné Me. Lirwana Abdourahamane à 24 moisde prison, dont 12 avec sursis, et 1 million de F.CFA (environ 1500 euros)d’amende. Il a été libéré le 13 juillet 2019 après avoir purgé l’intégralité desa peine.

Le 24 juillet 2018, lors de sondélibéré, le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey a condamné MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Mahamadou Arzika,à trois mois de détention avec sursis, et a ordonné leur libération, aprèsquatre mois de détention arbitraire.

MM.Ibrahim Diori, Maikoul Zodi et Karim Tanko ont été relaxés et libérés le 5octobre 2018, et M. Yahaya Badamasi le 5 décembre 2018. Près d’un an après, illeur a été notifié que le parquet a fait appel de la relaxe. L’affaire sera ànouveau jugée en appel en février 2020.

Actionsrequises :

L’Observatoirevous prie de bien vouloir écrire aux autorités nigériennes en leur demandantde :

i. Mettre un terme à touteforme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs desdroits humains et militants de la société civile au Niger ;

ii. Respecter les libertésd’expression, d’association et de réunion pacifique de la société civilenigérienne ;

iii. Se conformer auxdispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme,adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement ses articles 1, 5, 6 et 12.2 ;

iv. Plus généralement, seconformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Hommeet instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiéspar le Niger.

Adresses :

·M. Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger, Tél. :+227 20 72 24 72, Fax : +227 20 73 77 03
· M. Brigi Rafini, Premier Ministre, brigi_rafini@yahoo.fr, Cabinet duPremier Ministre BP 893 Niamey, Niger ; Tél : + 227 20 72 26 99,Fax : + 227 20 73 58 59
· M. Marou Amadou, Ministre de la justice, marou_amadou2000@yahoo.fr,Tél : +227 08 00 11 11, Fax : +227 20 72 37 77
· M. Bazoum Mohamed, Ministre de l’intérieur, Tél. : +227 20 32 3262, Fax : + 227 20 72 21 76
· Direction générale des affaires juridiques du Ministère de l’intérieur ;Fax : +227 20 20 36 89
· M. Kalla Ankouraou, Ministre des Affaires étrangères de la coopération, del’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur, ibrayac2@gmail.com
· S.E. M. Ousmane Alhassane Abba, Ambassadeur, Mission permanente du Nigerauprès de l’Union européenne, 78 avenue Franklin Roosevelt, B-1050 Bruxelles,Fax : + 32 2 648 27 84
· S.E Mme Fatima Sidikou, Représente permanente du Niger, Missionpermanente du Niger auprès des Nations unies à Genève, 23 Avenue de France,1202 Genève, Suisse. Tél : +41 22 979 24 50 – Fax : +41 22 979 24 51

Prièred’écrire également aux représentations diplomatiques du Niger dans vos paysrespectifs.


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Paris-Genève, le 22 novembre 2019

Mercide bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises enindiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH etde l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimesde violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDHet l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par lasociété civile internationale.

[1] LaLoi de finances 2018 impose de nouvelles taxes en outre sur l’électricité etl’habitation, desservant les couches les plus vulnérables de la sociéténigérienne.