Maroc et Sahara occidental
30.07.20
Interventions urgentes

Libération de M. Hamid El Mahdaoui et poursuite de la détention arbitraire de M. Rabie Al-Ablak

Nouvelles informations

MAR 001 / 0917 / OBS 104.3

Libération /

Détention arbitraire

Maroc

30 juillet 2020

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDHet de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu denouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situationsuivante au Maroc.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé dela libération de M. Hamid El Mahdaoui, directeur du site internetd’information marocain Badil.info, ainsi que de la poursuite de la détentionarbitraire de M. Rabie Al-Ablak, correspondant de Badil.info à AlHoceima (Région du Rif au nord du Maroc). Les deux défenseurs ont été viséspour avoir couvert en tant que journalistes la contestation sociale et lesmanifestations du Hirak dans la région du Rif en 2017[1].

Selon les informations reçues,le 20 juillet 2020, M. Hamid El Mahdaoui a été libéré de la prison de Tiflet oùil purgeait la fin de sa peine de trois ans de prison (voir rappel des faits).

M. Rabie Al-Ablak, poursuivipour les mêmes faits que M. El Mahdaoui, reste quant à lui détenu à la prisonde Tanger 2 où il purge une peine de cinq ans de prison pour « avoir reçudes fonds étrangers pour mener une activité de propagande et porter atteinte àla sûreté intérieure de l’État », en vertu de l’article 206 du Code pénal(voir rappel des faits). Ses multiples grèves de la faim l’ont considérablementaffaibli et sa santé fragile nécessite un suivi médical constant.

L’Observatoire se réjouit de lalibération de M. Hamid El Mahdaoui mais rappelle qu’il n’aurait jamais dû êtredétenu, sa détention étant arbitraire en ce qu’elle ne visait qu’à le punirpour l’exercice de ses activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire condamnefermement la poursuite de la détention arbitraire de M. Rabie Al-Ablak qui ne vise qu’à sanctionner ses activités légitimes dedéfense des droits humains en tant que journaliste, et appelle les autoritésmarocaines à le libérer immédiatement.

Rappeldes faits :

M. RabieAl-Ablak a été arrêté dans la rue à Al Hoceima le 28 mai 2017 alors qu’ils’apprêtait à prendre un taxi pour aller travailler, avant d’être transféré àla prison d’Oukacha à Casablanca. Il n’a pas eu accès ni à sa famille, ni à sesavocats pendant quatre jours après son arrestation. M. Rabie Al-Ablak auraitété victime de mauvais traitements lors de son arrestation et ses premiersjours de détention. Les forces de police auraient menacé de le violer s’il nesignait pas des aveux. Plusieurs demandes d’enquêtes formulées par les avocatsde M. Rabie Al-Ablak ont été refusées par le procureur.

Entre le 26juin et le 27 juillet 2017, M. Rabie Al-Ablak a entrepris une grève de la faimpour protester contre son arrestation arbitraire, ses conditions de détentionet les mauvais traitements subis depuis son arrestation.

Ila été transféré à l’hôpital Moulay Youssef de Casablanca le 27 Juillet2017, après que son état de santé se soit fortement dégradé suite à sa grève dela faim.

Le 26 juin2018, M. Rabie Al-Ablak a été condamné à cinq ans de prison pour « avoir reçudes fonds étrangers pour mener une activité de propagande et porter atteinte àla sûreté intérieure de l’État », en vertu de l’article 206 du Code pénal.

Le 28 mai 2018,il a entamé une nouvelle grève de la faim depuis la prison d’Oukacha àCasablanca, la troisième depuis le début de sa détention alors que celui-ciavait déjà perdu 15kg. Malgré son état physique très précaire, l’avocat de M.Rabie Al-Ablak a rapporté que celui-ci n’avait été examiné par un médecin quele 14 juin 2018.

Le 26 juin2018, M. Rabie Al-Ablak a été condamné à cinq ans de prison pour « avoir reçudes fonds étrangers pour mener une activité de propagande et porter atteinte àla sûreté intérieure de l’État », en vertu de l’article 206 du Code pénal.

Le 2 juillet2018, M. Rabie Al-Ablak a été brièvement transféré vers l’hôpital MoulayYoussef à Casablanca avant d’être renvoyé en prison malgré les menacesimminentes pesant sur son intégrité physique.

Le 5 avril2019, la Cour d’appel de Casablanca a confirmé la condamnation de M. RabieAl-Ablak à cinq ans de prison pour les mêmes chefs d’accusation. Il n’a pasassisté à l’audience, pour protester contre le caractère inéquitable du procès.M. Rabie Al-Ablak a entamé une nouvelle grève de la faim le 20 mars 2019 pourprotester contre sa détention arbitraire.

Le 9 avril2019, M. Rabie Al-Ablak a été transféré de la prison de Oukacha à Casablanca àcelle de Tanger 2, à environ 300 kilomètres d’Al Hoceima où sa famille réside[2]. Le 17 avril 2019, après six jours sans boired’eau, il a été temporairement transféré à l’hôpital de Tanger suite à troisévanouissements successifs. Le 24 avril 2019, il a à nouveau été transféré àl’hôpital et est retourné en prison le soir même.

Par ailleurs,le 20 juillet 2017, des agents de police en tenue civile ont arrêté M. Hamid ElMahdaoui à Al Hoceima trois heures avant le début d’une manifestationnon-autorisée organisée par le mouvement protestataire du Hirak, et l’onttransféré à la prison d’Al Hoceima. La veille, M. Hamid El Mahdaoui avait étéinterpellé par des individus l’ayant reconnu dans la rue et avait commencé uneconversation informelle sur le mouvement du Hirak, au cours de laquelle ilavait ouvertement critiqué les restrictions à la liberté de manifester. Desparties de l’enregistrement de cette conversation par ces individus ont servide base aux accusations portées contre M. Hamid El Mahdaoui.

Le 25 juillet2017 le Tribunal de première instance d’Al Hoceima a condamné M. Hamid El Mahdaouià trois mois de prison ferme et 20 000 Dirhams d’amende (environ 1 798 euros)pour « incitation à commettre une infraction grave ou mineure au moyen dediscours et de cris […] dans un lieu public » et « participation àl’organisation d’une manifestation non autorisée » selon les articles 299-1 duCode pénal et 14 du Dahir sur les rassemblements publics.

Le 28 juillet2017, il a été transféré à la prison d’Oukacha à Casablanca.

Le 12 septembre2017, la Cour d’appel d’Al Hoceima a confirmé le verdict du Tribunal depremière instance et a porté la peine de M. Hamid El Mahdaoui à un an de prisonferme et 20 000 Dirhams d’amende (environ 1 798 euros), en ajoutantl’accusation « suivi d’effet » aux charges qui avaient été retenues en premièreinstance.

Suite auprononcé de la décision, M. Hamid El Mahdaoui a entamé une grève de la faim.

Dans le cadred’une seconde affaire, le 28 juin 2018, la Cour d’appel de Casablanca acondamné M. Hamid El Mahdaoui à trois ans de prison ferme et 3 000 Dirhamsd’amende (environ 270 euros) pour « non-dénonciation d’une tentative de nuire àla sécurité intérieure de l’État » auterme de l’article 209 du Code pénal. La Cour d’appel a fondé sa décision surune conversation téléphonique qui aurait eu lieu le 2 juin 2017, au cours delaquelle un homme identifié comme « Noureddine » et décrit comme un marocainétabli aux Pays-Bas opposé à la monarchie, aurait confié à M. Hamid El Mahdaouison intention de faire entrer illégalement des armes au Maroc afin de s’enservir au cours des manifestations du Hirak.

Le 2 avril2019, la requête de liberté provisoire de M. Hamid El Mahdaoui - présentée parses avocats le 25 mars 2019 - a été rejetée par la Cour d’appel de Casablancaqui a confirmé, le 5 avril, sa peine de trois ans de prison et 3000 Dirhamsd’amende. Le 11 avril 2019, M. Hamid El Mahdaoui a été transféré de la prisonde Oukacha à Casablanca à celle de Tiflet, non loin de Rabat (à plus de 400kilomètres d’Al Hoceima).

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bienvouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-êtrepsychologique de M. RabieAl-Ablak ainsi que son accès immédiat à des soins médicaux adéquats ;

ii. Libérer immédiatement et inconditionnellement M. Rabie Al-Ablak,ainsi que l’ensemble des défenseurs des droits humains détenus au Maroc ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, ycompris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Rabie Al-Ablak et de l’ensemble des défenseursdes droits humains au Maroc ;

iv. Se conformer aux dispositionsde la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée parl’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement aux articles 1 et 12.2 ;

v. Plus généralement, seconformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Hommeet instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Hommeratifiés par le Maroc.

Adresses :

· M. Nasser Bourita,Ministre des affaires étrangères et de la coopération, Maroc. Email :ministere@maec.gov.ma

· M. Mohamed BenAbdelkader, Ministre de la justice, Rabat, Maroc. Email : ccdh@ccdh.org.ma

· M. Mustapha Ramid,Ministre d’état chargé des droits de l’Homme, Maroc. Email :contact@didh.gov.ma

· Mme. Amina Bouayach, Présidente du Conseil national des droits de l’Homme(CNDH), Email : cndh@cndh.org.ma

· Représentant Permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Office des NationsUnies à Genève et des autres Organisations Internationales en SuisseEmail : mission.maroc@ties.itu.int

· S. E. M. Alem Menouar, Ambassadeur, Mission du Royaume du Maroc auprès del’Union européenne. Belgique. Email : mission.maroc@skynet.be

Prièred’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos paysrespectifs.

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Paris-Genève, le 30 juillet 2020

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de laFIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Hommevictimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par lasociété civile internationale.

Pour contacter lObservatoire, appeler La Ligne dUrgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : +33 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / +41 22 809 49 29


[1] Depuis octobre 2016, unvaste mouvement de protestation s’est déclenché dans la province d’Al Hoceima(Région du Rif) qui réclame justice sociale, travail, santé, infrastructuresroutières, développement économique et dignité humaine, sans que les demandesdes militants ne faiblissent ni que les autorités y apportent de réponse. Cemouvement social, pacifique, a pris de l’ampleur, suite à la mort tragique deMohcine Fikri, jeune vendeur de poisson, tué le 28 octobre 2016, écrasé par labenne à ordures qui engloutissait sa marchandise confisquée par la police. Le26 juin 2018 de lourdes peines ont été prononcées à l’encontre de plusieursmanifestants du Hirak. Cf. Communiqué de la FIDH du 28 juin 2018 « Au Maroc, onrecycle les années de plomb ! ».

[2]Depuis ce transfert, M. Rabie Al-Ablak avait droit à une visite parsemaine. Toutefois, les visites sont actuellement suspendues dans les prisonsmarocaines en raison de la pandémie de COVID-19.