Algérie
09.01.20
Interventions urgentes

Libération provisoire et poursuite du harcèlement judiciaire de M. Kaddour Chouicha

Nouvellesinformations
DZA 002 / 1019 / OBS 086.2

Libération provisoire /
Harcèlement judiciaire
Algérie
9 janvier 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits del’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre latorture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir dansla situation suivante en Algérie.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libérationprovisoire et de la poursuite du harcèlement judiciaire de M. KaddourChouicha, syndicaliste et président de la section d’Oran de la Liguealgérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH).

Selon les informations reçues, le 7 janvier 2020, M. Kaddour Chouicha a été placéen liberté provisoire dans l’attente de la tenue de son procès en appel, qui aété reporté au 28 janvier 2020. M. Kaddour Chouicha était détenu à la prisond’Oran depuis le 10 décembre 2019, date à laquelle le Tribunal de Cité Djamell’avait condamné à un an de prison ferme pour « atteinte à corpsconstitués » et « publications susceptibles de porter atteinte àl’ordre public », ainsi qu’à une amende de 10,000 Dinars (environ 75Euros) (voir rappel des faits).

La santé de M.Kaddour Chouicha - qui souffre de maladies chroniques, notamment de diabète etd’hypertension, et doit suivre un lourd traitement médical quotidien - s’estrapidement détériorée en détention. M. Chouicha, âgé de 63 ans, était détenudans une cellule surpeuplée et devait dormir par terre. Le 5 janvier 2020, il aété transféré en urgence à l’hôpital d’Oran pour des soins, et a été gardé àl’infirmerie après son retour à la prison d’Oran.

L’Observatoire rappelle que l’arrestation de M. Kaddour Chouichaest intervenue dans un contexte de répression généralisée des manifestants etdéfenseurs des droits humains en Algérie. Les manifestants du Hirak[1]subissent, depuis septembre 2019, une vague de répression et d’arrestationsarbitraires sans précédent[2].Le 2 janvier 2020, 76 personnes détenues dans le cadre du Hirak ont étélibérées, certaines dans l’attente de la poursuite de leur procès. Parmi elles,on compte les membres du Rassemblement actions jeunesse (RAJ), MM. HakimAddad, Massinissa Aissous, Djalal Mokrani, Ahmed Bouider,Kamel Ouldouali, Karim Boutata, Ahcene Kadi, WafiTigrine et Khireddine Medjani. D’autres défenseurs, dont MM. Abdelouahab Fersaoui, président du RAJ[3], Samir Belarbi, Karim Tabbou et FodilBoumala, deux militants du Hirak, sont toujours incarcérés en raison de leurimplication dans les manifestations pacifiques.

L’Observatoire se réjouit de la libération de M. Kaddour Chouichaet de celle des membres du RAJ, mais rappelle qu’ils n’auraient jamais dû êtrearrêtés en premier lieu et que leur détention était arbitraire, ne visant qu’àsanctionner leurs activités légitimes de défense des droits humains.L’Observatoire condamne en outre la poursuite du harcèlement judiciaire à leurencontre et appelle les autorités algériennes à mettre un terme à tout acte deharcèlement, y compris au niveau judiciaire, à leur encontre ainsi qu’à cellede l’ensemble des défenseurs des droits humains dans le pays.

Rappel des faits :

Le 24 octobre2019, M. Kaddour Chouicha a été arrêté par des hommes en civil lors d’unrassemblement en soutien aux détenus politiques organisé devant le Tribunald’Oran. Emmené dans un véhicule banalisé, il a été emmené à la brigade mobilede la police judiciaire du quartier Dar El Bida, à Oran. Le 24 octobre au soir,M. Kaddour Chouicha s’est vu confisquer son téléphone et a été relâché sansqu’aucune charge ne soit retenue contre lui.

Le 9 décembre, M. KaddourChouicha a reçu un appel téléphonique de labrigade mobile de la police judiciaire du quartierDar El Bida, à Oran, afin d’y venir récupérer son téléphone portable qui luiavait été confisqué lors de son arrestation du 24 octobre 2019.

Le 10 décembre 2019 au matin, M. Kaddour Chouicha s’est rendu à labrigade mobile dela police judiciaire du quartier Dar El Bida, où il a été arrêté sans mandatd’arrêt. Il a été présenté au Procureur de la République de Cité Djamel, quil’a entendu une première fois sans la présence de ses avocats, malgré laprésence de ceux-ci au tribunal depuis le matin. M. Kaddour Chouicha a étéentendu une seconde fois, en présence de ces avocats. Le Procureur a décidé dejuger M. Chouicha en comparution immédiate. Ses avocats, venant d’avoir accèsau dossier de leur client, n’ont eu que peu de temps pour préparer la défense.Le Tribunal de Cité Djamel a condamné M. Chouicha à un an de prison ferme pour« atteinte à corps constitués » et « publications susceptiblesde porter atteinte à l’ordre public », ainsi qu’à une amende de 10,000Dinars (environ 75 Euros). M. Kaddour Chouicha a été incarcéré à la prison d’Oransuite à l’audience et a fait appel de cette condamnation.

Le même jour, lefils de M. Kaddour Chouicha, Adel, a reçu des coups de la part de policiersalors qu’il se trouvait avec une cinquantaine de personnes devant le Tribunalde Cité Djamel pour soutenir M. Kaddour Chouicha. Brièvement arrêté par lapolice avec d’autres jeunes, il a été relâché dans la soirée, après que lesagents de police eurent usé d’un taser à leur encontre à plusieurs reprises.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autoritésalgériennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et lebien-être psychologique de M. Kaddour Chouicha et de l’ensemble des défenseursdes droits humains en Algérie ;

ii. Libérer de façon immédiate et inconditionnelle MM. Abdelouahab Fersaoui,Said Boudour, Samir Belarbi, Karim Tabbou, Fodil Boumala etl’ensemble des défenseurs des droits humains arbitrairement détenus enAlgérie ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y comprisjudiciaire, à l’encontre de M. Kaddour Chouicha, des défenseurs mentionnésci-dessus ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains enAlgérie ;

iv. Mener sans délais une enquête exhaustive,indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant auxallégations de mauvais traitements décrits ci-dessus à l’encontre de M. Adel Chouicha, afin d’identifierles responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent etimpartial conformément aux instruments internationaux et régionaux deprotection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civileset/ou administratives prévues par la loi ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur lesdéfenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des NationsUnies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et12.2 ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de laDéclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux etinternationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par l’Algérie.

Adresses :

· M. AbdelmadjidTebboune, Chef de l’Etat, Fax : +213 21 69 15 95

· M. AbdelazizDjerad, Premier Ministre, Fax : +213 21 28 38 37

· M. KamelBeldjoud, Ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Email : webmaster@interieur.gov.dz

· M. BelkacemZeghmati, Ministre de la Justice, Fax : +213 21 92 17 01, E-mail : contact@mjustice.dz

· M. RachidBelbaki, Ambassadeur, Représentation Permanente de la République d’Algérie auxNations Unies à Genève, Suisse, Fax : +32 22 774 30 49, E-mail :contact@mission-algeria.ch

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiquesd’Algérie dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève,le 9 janvier 2020

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute actionentreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariatde la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits del’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète quepossible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanismede l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvrepar la société civile internationale.

[1] LeHirak désigne une série de manifestationssporadiques qui ont lieu depuis le 16 février 2019 en Algérie pour protester dans un premier temps contrela candidature d'Abdelaziz Bouteflika à uncinquième mandat présidentiel, puis contre son projet de se maintenir aupouvoir à l'issue de son quatrième mandat dans le cadre d'une transition et dela mise en œuvre de réformes.

[2] Voirle communiqué de presse de l’Observatoire du 9 octobre 2019 : https://www.omct.org/fr/human-rights-defenders/urgent-interventions/algeria/2019/10/d25538/

[3] Cf. appel urgent de l’Observatoire ​DZA 001 / 1019 / OBS078, publié le 11 octobre 2019.