Égypte
02.04.08
Interventions urgentes

Une étape positive en faveur du respect de la liberté d'association en Egypte mais des inquiétudes demeurent

Le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme et l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, un programme commun de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et la Fédération Internationale pour les Droits de l’Homme (FIDH), se réjouissent du verdict publié le 30 mars 2008 par le système judiciaire égyptien, qui a permis au Centre des Services pour les Syndicats et les Ouvriers (CTUWS) de poursuivre ses activités en Egypte.

En mars et avril 2007, les autorités égyptiennes ont ordonné la fermeture des bureaux régionaux du CTUWS au sud et nord de l’Egypte, ainsi que le siège social du CTUWS situé dans la banlieue industrielle de Helwan, dans le sud du Caire. Il avait été affirmé que l’organisation ne s’était pas pliée aux règlements en vigueur auMinistère de la Solidarité Sociale concernant l’enregistrement d’organismes associatifs. On avait également reproché au CTUWS d’initier des manifestations perturbantes et d’inciter à des grèves. Ces évènements ont eu lieu après que le CTUWS, en tant que membre de l’Alliance Nationale de Société Civile pour la surveillance des élections, eut surveillé et suivi les résultats du référendum du 26 mars 2007 sur les amendements de la Constitution. Le processus de surveillance incluait les collèges électoraux du Gouvernorat de Qena. Le CTUWS avait alors publié un rapport sur les résultats du référendum incluant les infractions et les interventions intervenues dans les circonscriptions surveillées.

Le REMDH et l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme reconnaissent l’étape positive initiée par le système judiciaire égyptien concernant la protection de la liberté d’association, et l’encouragent à continuer ses efforts vers son respect et sa protection.

Cependant, le REMDH et l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme demeurent inquiets de la situation de l’Association d’Assistance Juridique pour les Droits de l’Homme (AHRLA), une organisation non-gouvernementale procurant une assistance légale aux victimes de torture, et qui a été fermée en septembre 2007 suite à une décision du Ministère de la Solidarité Sociale, alléguant des transgressions financières[1]. AHRLA a fait appel contre la décision du Gouvernement auprès d’une Cour Administrative, qui devait d’abord se prononcer le 21 Octobre 2007. Le procès en appel ne s’est pas encore tenu, et a été régulièrement retardé. La dernière date du procès avait été fixée pour le 30 Mars 2008, mais a été de nouveau reportée au mois de mai 2008.

Le REMDH et l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme sont gravement inquiets du fait que AHRLA ait été légalement dissoute et que son droit d’exister et de continuer ses activités en tant qu’association soit dénié par le gouvernement.

Ainsi, le REMDH et l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme appellent les autorités égyptiennes à:

  • Mettre fin à toutes formes de harcèlement contre AHRLA, abroger la décision de fermer les bureaux de l’association, et assurer en toutes circonstances que ses membres ainsi que ceux du CTUWS puissent mener à bien leurs activités librement et sans aucun obstacle;
  • Mettre fin à toutes formes de harcèlement contre les défenseurs des droits de l’Homme en Égypte;
  • Conformer leur législation aux normes régionales et internationales concernant la Liberté d’Association, en particulier l’Article 13 de la Déclaration des Défenseurs des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 9 Décembre 1998, et qui déclare que «chacun a le droit, individuellement et en association avec d'autres, de solliciter, recevoir et utiliser des ressources pour le but exprès de favoriser et de protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales par des moyens pacifiques, conformément à l'Article 3 de la présente déclaration»;
  • Se conformer aux dispositions de la déclaration de l’ONU sur les Défenseurs des Droits de l'Homme, en particulier son Article 1, qui prévoit que «chacun a le droit, individuellement et en association avec d'autres, de favoriser et d’essayer d'obtenir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales au niveau national et international», ainsi que l’article 12(1) qui prévoit que «chacun a le droit, individuellement et en association avec d’autres, de participer aux activités pacifiques contre des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales», et son Article 13 mentionné ci-dessus;
  • Promouvoir et assurer la liberté d’association en Egypte, et d’assurer en tout circonstances le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales selon les normes internationales des droits de l’Homme et les instruments internationaux ratifiés par l’Egypte.

[1] Le Ministère a basé sa décision sur l’Article 17(2) de la Loi n. 84 (2002), qui déclare que “en toutes circonstances, aucune ONG n’est autorisée a recevoir de l’argent de l’étranger que ce soit de la part de personnes ou d’organisations égyptiennes a l’étranger ou leurs représentants en Egypte, ou d’envoyer de l’argent à des personnes á l’étranger, à moins d’avoir obtenu la permission du Ministère de la Solidarité Sociale, a l’exception de livres, lettres d’information, et journaux scientifiques et artistiques». En réalité, bien que l’Association d’Assistance Juridique pour les Droits de l’Homme ait toujours demandé l’autorisation du Ministère pour recevoir des contributions de l’étranger, le Ministère a toujours refusé de donner sa permission, empêchant des organisations des droits de l’homme de mettre en œuvre des activités durables et consistantes, violant ainsi les normes internationales et régionales des droits de l’homme