Burundi
10.07.14
Interventions urgentes

Confirmation de la détention préventive de M. Pierre Claver Mbonimpa

Nouvelles informations

BDI 001 / 0514 / OBS044.2

Détention arbitraire / Harcèlement judiciaire

Burundi

10 juillet 2014

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droitsde l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues desdroits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture(OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de touteurgence sur la situation suivante au Burundi.

Nouvelles informations:

L'Observatoire a été informé par la Ligue burundaise desdroits de l'homme (ITEKA) et le Forum pour la conscience et le développement(Focode) de la poursuite du harcèlement judiciaire et de la détentionarbitraire de M. Pierre Claver Mbonimpa,président de l'Association pour la protection des droits humains et despersonnes détenues (APRODH) et lauréat du Prix Martin Ennals pour lesdéfenseurs des droits de l’Homme 2007, pour avoir dénoncé l'existence decentres d'entraînement de jeunes Burundais à l'est de la Républiquedémocratique du Congo (RDC).

Selon les informations reçues, le 4 juillet 2014, M. PierreClaver Mbonimpa a comparu pour la première fois en audience publique dans lecadre du procès pour « atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat »et « faux et usage de faux » (articles 579, 602 et 356 du Code pénal[1]).Ses avocats n'ont pas voulu plaider le fond et ont d'abord demandé sonplacement en libération provisoire pour deux raisons : son âge et son mauvaisétat de santé, invoquant une circulaire du Ministre de la Justice du 27 février2014 qui exempte de détention préventive les personnes âgées de 60 ans ousouffrant de maladies chroniques. M. Pierre Claver Mbonimpa est âgé de 66 anset souffre de diabète.

Le 8 juillet 2014, le tribunal a confirmé la détentionpréventive et renvoyé à l'examen du fond. Les avocats de M. Pierre ClaverMbonimpa feront appel de cette décision auprès de la Cour d'appel de Bujumbura.

L'Observatoire rappelle que ces accusations sont intervenuesalors qu'il enquêtait sur la militarisation des jeunes "Imbonerakure"» en RDC voisine (cf. rappel des faits).

L'Observatoire s’inquiète de la poursuite de la détention etdu harcèlement judiciaire de M. Pierre Claver Mbonimpa, qui ne semblent viserqu'à entraver ses activités en faveur de la défense des droits de l'Homme, etappelle les autorités burundaises à procéder à sa libération immédiate etinconditionnelle.

Rappel desfaits :

Le15 mai 2014 aux alentours de minuit, M. Pierre Claver Mbonimpa a été arrêté àl’aéroport de Bujumbura par un agent du Service national de renseignement. Il aensuite été transféré dans les locaux de la police judiciaire de Bujumbura, oùil a passé sa première nuit en détention.

Suite à son audition devant le parquet le 16 mai 2014, M.Pierre Claver Mbonimpa a été mis en accusation sur le fondement des articles579 et 602 du Code pénal respectivement pour « atteinte à la sûreté de l’État», « incitation à la désobéissance publique » et « troubles de la paix publique» en lien avec des remarques formulées sur la Radio publique africaine (RPA)le 6 mai 2014 et dénonçant l’existence de centres d’entraînement de jeunesBurundais à l’est de la RDC.

Antérieurementà son arrestation M. Pierre Claver Mbonimpa avait été cité à comparaître à troisreprises devant la police judiciaire de Bujumbura, respectivement les 7, 12 et14 mai 2014, en lien avec ses déclarations sur la RPA. Les convocationssuccessives de M. Pierre Claver Mbonimpa font également suite à son travail surla militarisation et les activités des « Imbonerakure », la ligue des jeunes duparti au pouvoir (le CNDD-FDD). Les jeunes « Imbonerakure » sont suspectés des'armer et de s'entraîner militairement en RDC[2].M. Mbonimpa aurait coopéré avec la police et aurait donné les noms de personnesrendant visite aux « Imbonerakure » établis en RDC. Le président de l'APRODH aaffirmé détenir des preuves, notamment des photographies, qui viendraientétayer ses propos et a été invité à les fournir lors de ses convocations des 7et 12 mai, auxquelles il s'est présenté.

N'ayant pu se rendre à la convocation du jeudi 15 mai enraison d'un déplacement à l'étranger, son avocat Me Armel Niyongere a comparuexpliquant les motifs de l'absence de son client. M. Mbonimpa a reçu dans lasoirée une nouvelle convocation pour le lundi 19 mai. Malgré l'existence decette convocation, un mandat d'arrêt a été néanmoins signé par le Procureur dela municipalité de Bujumbura le jeudi 15 mai.

Le 20 mai 2014 à 9h30, M. Pierre Claver Mbonimpa a comparudevant le parquet de la mairie de Bujumbura. Vers 14h, il a été ramené à laprison centrale de Mpimba après près de quatre heures d'audition, au coursdesquelles il a été interrogé sur ses déclarations dans la presse surl’existence de centres d'entraînement et sur les preuves qu'il dit détenir àcet égard.

Le 23 mai 2014, M. Pierre Claver Mbonimpa a comparu assistéde son avocat devant le Tribunal de grande instance de la mairie de Bujumbura,qui a statué sur la régularité de sa détention préventive. Plus de 200 personnesvenues apporter leur soutien du président de l'APRODH se sont massées devantles portes du tribunal, certaines vêtues de vert, couleur des détenus auBurundi.

Le 26 mai 2014, le Tribunal de grande instance a refusé laremise en liberté provisoire de M. Pierre Claver Mbonimpa.

Le 5 juin 2014, une audience s'est tenue devant la chambrede conseil de la Cour d’appel de Bujumbura, qui a à son tour refusé la remiseen liberté provisoire de M. Pierre Claver Mbonimpa, dans une décision renduepublique le 9 juin.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrireaux autorités burundaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégritéphysique et psychologique de M. Pierre Claver Mbonimpa et de tous les défenseursdes droits de l'Homme au Burundi ;

ii. Libérer M. Pierre Claver Mbonimpa de manièreimmédiate et inconditionnelle, son arrestation ne semblant viser qu'à entraverses activités en faveur de la défense des droits de l'Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l'encontre de M. Pierre Claver Mbonimpa, ainsi que de tous lesdéfenseurs des droits de l’Homme au Burundi ;

iv. Se conformer aux dispositions de laDéclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée généraledes Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

- à son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit,individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protectionet la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales auxniveaux national et international »,

- à son article 6(b), selon lequel « chacun a le droit,individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instrumentsinternationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instrumentsinternationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuserlibrement des idées, informations et connaissances sur tous les droits del’Homme et toutes les libertés fondamentales »,

- à son article 12.2 qui dispose que « l’Etat prendtoutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentesprotègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, detoute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure,pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime desdroits visés dans la présente Déclaration » ;

v. Plus généralement, se conformer auxdispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instrumentsrégionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par leBurundi.

Adresses :

· S.E.Pierre Nkurunziza, Président de la République, Présidence de la République,Boulevard de l’Uprona, Rohero I, BP 1870, Bujumbura, Burundi. Fax :+257 22 22 74 90

· M. ProsperBazombanza, Premier Vice-président, BP 1870, Bujumbura, Burundi. Fax : +257 22226424

· Lt General Major PontienGaciyubwenge, Ministre de la Défense nationale et des anciens combattants,Fax : +257 22253215 / 22253218, Email : mdnac@yahoo.fr

· Me Clotilde Niragira, Ministre de lasolidarité nationale, des droits de la personne et du genre BP : 6518Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 25 82 50

· Commissaire Gabriel NizigamaMinistre de la sécurité publique, BP : 1910 Bujumbura, Burundi. Fax :+ 257 22 24 53 51, Email : mininter@yahoo.fr

· Mission permanente de la Républiquedu Burundi auprès des Nations unies, rue de Lausanne 44, 1201 Genève, Suisse.Fax : +41 22 732 77 34. Email : mission.burundi@bluewin.ch

· Ambassade du Burundi à Bruxelles,Square Marie-Louise 46, 1000 Bruxelles, Belgique. Fax : +32 2 230 78 83,Email : ambassade.burundi@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiquesdu Burundi dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 10 juillet 2014

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutesactions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, avocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violationset à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligned’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 143 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 4122 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1]Article 356 : « Est puni d’une servitude pénale de deux mois à deux ans etd’une amende de cinquante mille francs à cent mille francs ou de l’une de cesdeux peines seulement quiconque : 1° Établit sciemment une attestation ouun certificat relatant des faits matériellement inexacts ; 2° Falsifie oumodifie d’une façon quelconque une attestation ou un certificat originairementsincère; 3° Fait sciemment usage d’une attestation ou d’un certificat inexactou falsifié ».

Article579 : « Est puni d’une servitude pénale d’un an à cinq ans et d’uneamende de cinquante mille francs à cent mille francs, quiconque a, par desactes hostiles non approuvés par le Gouvernement, exposé le Burundi à deshostilités de la part d’une puissance étrangère. Si les hostilités s’en sontsuivies, la servitude pénale est de cinq à vingt ans ».

Article602 : « Est puni d’une servitude pénale de deux mois à trois ans et d’uneamende de cinquante mille francs à deux cent mille francs ou d’une de cespeines seulement : 1° Celui qui a publiquement attaqué la force obligatoire deslois ou provoqué directement à y désobéir; 2° Celui qui a répandu sciemment defaux bruits de nature à alarmer les populations ou à les exciter contre lespouvoirs publics ou à la guerre civile; 3° Celui qui, en vue de troubler lapaix publique a sciemment contribué à la publication, à la diffusion ou à lareproduction par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses ou de piècesfabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers; 4° Celui qui aexposé ou fait exposer, dans les lieux publics ou ouverts au public, desdessins, affiches, gravures, peintures, photographies, tous objets ou images denature à troubler la paix publique.

[2] Une note confidentielle de l'ONU datée du 3 avril 2014 faitpart de la distribution d'armes (en particulier du type AK-47) et d'uniformesaux jeunes « Imbonerakure », et décrit leur militarisation comme constituant «une menace majeure pour la paix au Burundi ». Les « Imbonerakure » sont accusésde commettre des violences politiques à l'encontre de l'opposition. Depuis ledébut de 2014, ils ont été impliqués dans 27 cas de violences dont 23 àcaractère politique. La jeunesse du parti au pouvoir opère en toute impunité àla manière d'une milice, ne répondant plus devant les forces de l'ordre etagissant selon une chaîne de commande décentralisée. Accessible à : http://burundiintwari.com/?p=2281