Union européenne
21.12.18
Interventions urgentes

Poursuite du harcèlement judiciaire à l'encontre de « les 3+4 de Briançon »

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvellesinformations

FRA 001 / 0518 / OBS 077.2

Harcèlement judiciaire

France

21 décembre 2018

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme,un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture(OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de touteurgence sur la situation suivante en France.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite duharcèlement judiciaire de de Mme EleonoraLaterza, M. ThéoBuckmaster, M. BastienStauffer, respectivement de nationalité italienne, belgo-suisseet suisse, et M. Jean-Luc Jalmain,Mme Lisa Malapert,M. Mathieu Burellieret M. Benoît Ducos,de nationalité française (ci-après « les 3+4 de Briançon »),militants pour l’aide et l’accueil des personnes migrantes et réfugiées.

Selon les informations reçues, le 13 décembre 2018, le Tribunalcorrectionnel de Gap a rendu son jugement en délibéré dans l’affaire des« 3+4 de Briançon ». M. Benoit Ducos, M. Théo Buckmaster , M. BastienStauffer, Mme Lisa Malapert et Mme Eleonora Laterza ont été condamnés à 6 moisde prison avec sursis pour aide à l’entrée irrégulière d’un étranger en France,la circonstance aggravante « en bande organisée » n’ayant pas étéretenue contre eux. M. Mathieu Burellier, également poursuivi pour rébellion(lors de son arrestation au soir de la manifestation), a été condamné à 12 moisde prison, dont 8 avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans avec obligationd’indemniser les policiers qui se sont portés partie civile à hauteur de 4 000euros. M. Jean-Luc Jalmain, aussi jugé pour participation à un attroupement etavoir relevé son t-shirt face aux gaz lacrymogènes lors d’un autrerassemblement en septembre 2018, a lui été condamné à 12 mois de prison dont 8avec sursis. Les « 3+4 de Briançon » ont annoncé vouloir faire appelde cette décision sous 10 jours.

Le 8 novembre 2018, les « 3+4 de Briançon » avaient comparudevant le Tribunal correctionnel de Gap pour « aide à l’entrée d’étrangersen situation irrégulière sur le territoire national et en bandeorganisée » aux termes des articles L622-1 et L622-5 (pour l’aggravante)du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Cedesa).Ils encouraient jusqu’à 10 ans de prison et une amende de 750 000 euros ainsique, s’agissant des ressortissants étrangers, d’une interdiction de pénétrersur le territoire français.

Les accusations portées à l’encontre des « 3+4 de Briançon »sont liées à leur participation à une marche de solidarité avec les personnesmigrantes et réfugiées au col de Montgenèvre, entre l’Italie et la France le 22avril 2018 (voir rappel des faits). Cette marche spontanée répondait à uneopération de « blocage des frontières » entre la France et l’Italieorganisée la veille, le 21 avril 2018, par des militants du groupusculenéo-fasciste et suprématiste « Génération Identitaire », lesquelsn’ont par ailleurs aucunement été inquiétés par les autorités, ni pendant leuraction, ni ultérieurement. La condamnation en dépit de l’abandon de lacirconstance « en bande organisée » apparait d’autant plus singulièrequ’on pouvait légitimement penser que la bande organisée était l’unique moyende fonder les poursuites spécifiquement contre les sept défenseurs.

L’Observatoire rappelle que le 6 juillet 2018, le Conseilconstitutionnel a jugé qu’une exemption pénale était nécessaire pour les actesd’aide à la circulation irrégulière, lorsque celle-ci constitue l’accessoire del’aide au séjour, si ces actes ont par ailleurs un but humanitaire . Le Conseilconstitutionnel a décrété en outre qu’une aide désintéressée au "séjourirrégulier" ne saurait être passible de poursuites au nom du"principe de fraternité"[1].L'Observatoire s’inquiète cependant d’un maintien du délit de solidarité enversles personnes accusées d’aide à l’entrée et ce en dépit du caractère« humanitaire et désintéressé » de leur action.

L’Observatoire rappelle également que le 12 décembre 2018, la Cour decassation a partiellement annulé les condamnations des défenseurs des droitshumains M. Cédric Herrou[2] etM. Pierre-Alain Mannoni[3], àla lumière de lanouvelle rédaction de l’article 622-4 du Ceseda qui exonère de poursuitespénales « lorsque l’actereproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et aconsisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ousociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire ».

L’Observatoire s’indigne de lacondamnation et du harcèlement judiciaire à l’égard des « 3+4 deBriançon », qui ne visent qu’à sanctionner leurs activités légitimes dedéfense des droits humains, et particulièrement leurs actions en faveur despersonnes migrantes et réfugiées à la frontière franco-italienne.

L’Observatoire appelle les autorités françaises à mettre un terme àtoute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre des« 3+4 de Briançon » et celle de l’ensemble des défenseur.e.s desdroits humains visé.e.s dans le cadre de leurs actions en faveur des personnesmigrantes et réfugiées en France.

Rappel des faits :

Le 22 avril 2018, Mme Eleonora Laterza,M. Théo Buckmaster et M. Bastien Stauffer (ci-après « les 3 deBriançon ») ont été interpellés par les gendarmes à Briançon, suite à leurparticipation à une marche de solidarité avec les personnes migrantes etréfugiées entre l’Italie et la France.

Le 24 avril 2018, le Tribunal correctionnel de Gaples a placés en détention provisoire. MM. Théo Buckmaster et Bastien Staufferont d’abord été placés en détention à la maison d’arrêt de Gap avant d’êtretransférés à la prison des Baumettes à Marseille le 26 avril où se trouvaitdéjà Mme Eleonora Laterza. Les 3 de Briançon sont restés détenus dans la« partie des arrivants » jusqu’au 3 mai 2018, date à laquelle leTribunal correctionnel de Gap a ordonné leur mise en liberté provisoire.

Le 31 mai 2018, les 3 de Briançon ont comparu devantle Tribunal correctionnel de Gap pour « aide à l’entrée d’étrangers ensituation irrégulière sur le territoire national et en bande organisée ».Lors de cette audience le Tribunal correctionnel a levé le contrôle judiciaireet renvoyé le procès d’Eleonora Laterza, Bastien Satuffer et Théo Buckmaster au8 novembre 2018 en raison de la question prioritaire de constitutionnalité(QPC) du « délit de solidarité », d’aide à l’entrée et à lacirculation d’étrangers en situation irrégulière, que le ConseilConstitutionnel devait trancher en juillet 2018.

Le 17 juillet, quatre nouvelles personnes, de nationalitéfrançaise, M. Jean-Luc Jalmain, Mme Lisa Malapert, M. Mathieu Burellier et M.Benoît Ducos, (les « 4 de Briançon ») ont à leur tour été placées engarde à vue et inculpées pour les mêmes motifs que les 3 de Briançon.L’audience de leur procès a également été renvoyée au 8 novembre.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités françaiseset de l’Unioneuropéenne en leur demandant de :

i. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, ycompris au niveau judiciaire, à l’encontre des « 3+4 de Briançon »,ainsi que l’ensemble des défenseur.e.s des droits humains et particulièrementdes droits des personnes migrantes et réfugiées en France ;

ii. Se conformer à la recommandation n° 12 de l'avisde la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) sur lasituation des personnes migrantes à la frontière franco-italienne, qui appelleà « mettre fin immédiatement aux intimidations, poursuites etcondamnations des aidants et de ne plus entraver les actions des associationsvenant en aide aux migrants »[4].

iii. Amender l’article 1(2) de laDirective 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne « définissant l’aideà l’entrée, au transit et au séjour irréguliers » afin de garantir que lesÉtats membres de l’UE n’imposent pas de sanction dans le cas où le comportementreproché a pour but d'apporter une aide humanitaire ou de garantir les droitshumains de la personne migrante concernée[5];

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclarationsur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale desNations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et12.2 ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositionsde la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux etinternationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la France et lesétats membres de l’UE.

Adresses en France :

· M. EmmanuelMacron, Président de la République, Email via http://www.elysee.fr/ecrire-au-president-de-la-republique/ ; Twitter : @EmmanuelMacron

· M. EdouardPhilippe, Premier Ministre, Email via http://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre ; Fax : + 33 1 45 44 15 72, Twitter : @EphilippePM

· M. ChristopheCastaner, Ministre de l’intérieur, Twitter : @CCastaner

· M. Jean Yves leDrian, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Twitter : @JY_LeDrian

· Mme NicoleBelloubet, Ministre de la Justice, Fax : +33 1 44 77 60 00, Twitter :@NBelloubet

· Mme ChristineLazerges, Président de la Commission nationale consultative des droits del’Homme (CNCDH), Fax : +33 1 42 75 77 14 ; E-mail : cecile.riou@cndh.fr ;Twitter : @CNCDH

· Mme ElisabethLaurin, Représentante permanente de la République française auprès de l’Officedes Nations Unies à Genève, Fax : +41 22 758 91 37 ; E-mail :mission.france@ties.itu.int ; Twitter : @FranceONUGeneve

· M. Pierre Sellal,Représentant permanent de la République française auprès de l’Union européenneà Bruxelles, Fax : +32 22 30 99 50 ; E-mail :courrier.bruxelles-dfra@diplomatie.gouv.fr ; Twitter : @RPFranceUE

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la Francedans vos pays respectifs.

Adresses pour l’Union européenne :

· M. Frans Timmermans,Premier Vice-Président et Commissaire Européen à l’amélioration de laréglementation, relations interinstitutionnelles, état de droit et Charte desdroits fondamentaux. E-mail : frans-timmermans-contact@ec.europa.eu

· M. DimitrosAvramopoulos, Commissaire Européen à la migration, affaires intérieures etcitoyenneté. E-mail :dimitris.avramopoulos@ec.europa.eu

· M. Claude Moraes,Présidente de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affairesintérieures du Parlement européen. E-mail : claude.moraes@europarl.europa.eu

Prière d’écrire également aux représentationsdiplomatiques de l’UE dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève,le 21 décembre 2018

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et del’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes deviolations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH etl’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européennepour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civileinternationale.

Pour contacter lObservatoire, appeler La Ligne dUrgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : +33 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / +41 22 809 49