Djibouti
08.11.12
Interventions urgentes

Poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire visant M. Houssein Ahmed Farah

APPELURGENT - L'OBSERVATOIRE

DJI 002 /1112 / OBS 105

Détention arbitraire /

Harcèlement judiciaire

Djibouti

8 novembre 2012

L’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de laFédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et del’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenirde toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.

Description de la situation :

L'Observatoire a étéinformé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire et duharcèlement judiciaire visant M. Houssein Ahmed Farah, journaliste pour LaVoix de Djibouti, membre de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) et du parti d'opposition Mouvement pour le renouveau démocratiqueet le développement (MRD).

Selon les informationsreçues, le 5 novembre 2012, la Cour suprême de Djibouti a reporté au 11novembre 2012 son verdict au sujet du recours introduit par M. Houssein AhmedFarah contre le rejet par la chambre d'accusation, le 16 août 2012, de sademande de mise en liberté provisoire. Par ailleurs, le 4 novembre 2012, lachambre d'accusation avait rejeté une seconde demande de mise en libertéprovisoire introduite suite au premier rejet.

M. Houssein AhmedFarah a été arrêté le 8 août 2012 avant d'être transféré et placé en détentionà la prison centrale de Gabode le 11 août. M. Farah est accusé de s'êtresoustrait au contrôle judiciaire auquel il était soumis depuis le 23 juin 2011suite à des accusations de “participationà un mouvement insurrectionnel” remontantau mois de février 2011, un chef d'accusation autitre duquel il avait passé plus de quatre mois en détention préventive et pourlequel il encourt jusqu’àquinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 francsdjiboutiens (environ 27 222 euros) (articles 145 et 146.4 du Code pénal)[1].Il est également poursuivi pour faux et usage de faux pour avoir soi-disantdistribué de fausses cartes d'électeurs d'un parti politique dissout par décretprésidentiel[2]. Cependant,ces accusations paraissent toutes deux infondées, d'autant que le 15 septembre2012, deux témoins ont déclaré au juge d'instruction avoir signé sous lacontrainte un document mettant en cause M. Houssein Ahmed Farah et préparé àl'avance par les enquêteurs de police.

Le 16 août 2012, lachambre d'accusation a rejeté la demande de mise en liberté provisoireintroduite par M. Houssein Ahmed Farah. Ce dernier a alors fait appel de cettedécision. Le 30 octobre 2012, la Cour suprême de Djibouti a étudié ce recourset mis sa décision en délibéré pour le 5 novembre.

Selon les informationsreçues, les accusations portées contre M. Houssein Ahmed Farah seraient liées àson prétendu soutien au "mouvement" des étudiants et lycéens, qui ontmanifesté dans les rues de Djibouti les 5 et 18 février 2011 pour contester lesconditions non transparentes de l'organisation des élections présidentiellesd'avril 2011 ainsi que la légalité de l'amendement constitutionnel d'avril2010. Lors de ces manifestations, qui ont été sévèrement réprimées, plusieursdizaines de lycéens, étudiants et membres de l'opposition avaient alors étéarrêtés, et certains demeurent toujours détenus arbitrairement à la prison deGabode. L'Observatoire rappelle que trois autres défenseurs des droits del'Homme, MM. Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH, décédé entretemps, Farah Abadid Hildid, membre de la LDDH et journaliste pour La Voix de Djibouti, et Hassan AmineAhmed, défenseur des droits de l’Homme et membre du conseil national du Partidjiboutien pour le développement (PDD), ont également été visés par cette vaguede détentions arbitraires et de harcèlement judiciaire depuis le 9 février 2011[3].À ce jour, aucun n'est détenu mais les charges de “participation à un mouvement insurrectionnel”contre M. Farah Abadid Hildid restent pendantes.

L'Observatoiresouligne que, pendant sa garde à vue et son placement sous mandat de dépôt,ainsi que durant les quelques jours qui ont suivi, M. Houssein Ahmed Farah n’apas pu bénéficier de l'assistance d’un avocat. De plus, il n'a pu recevoir devisite au cours des premières semaines de sa détention. Enfin, bien que sonétat de santé soit préoccupant et nécessite un traitement spécifique, lejournaliste n’a bénéficié d'aucune assistance médicale appropriée depuis sonarrestation. L'Observatoire s'indigne de ces conditions de détention et craintque celles-ci n'aggravent plus encore son état de santé, d'autant que des actesde mauvais traitements à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme en détentionsont régulièrement rapportés.

L'Observatoire appelledonc les autorités de Djibouti à libérer M. Houssein Ahmed Farah de manièreimmédiate et inconditionnelle et à mettre un terme aux poursuites à sonencontre ainsi qu'à celles à l'encontre de M. Farah Abadid Hildid, en ce queces actes ne semblent viser qu'à sanctionner leurs activités de défense desdroits de l'Homme et ne semblent étayées par aucun élément de preuve valable.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire auxautorités de Djibouti en leur demandant de:

  1. Garantir en toutes circonstances l'intégrité physique et psychologique de MM. Houssein Ahmed Farah, Farah Abadid Hildid, Hassan Amine Ahmed et de tous les défenseurs des droits de l'Homme à Djibouti ;

  1. Libérer de manière immédiate et inconditionnelle M. Houssein Ahmed Farah, en ce que son arrestation et sa détention ne semblent viser qu'à sanctionner ses activités de défense des droits de l'Homme ;

  1. Garantir à M. Houssein Ahmed Farah l’accès immédiat et inconditionnel à un avocat de son choix et aux membres de sa famille ainsi que lui garantir un examen médical immédiat par un médecin de son choix, conformément, entre autres, à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement - y comprisjudiciaire - à l'encontre de MM. Houssein Ahmed Farah et Farah Abadid Hildid ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Hommeà Djibouti;

  1. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à:

- son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellementou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisationdes droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national etinternational” ;

- son article 6(b), qui dispose que “chacun ale droit, individuellement ou en association avec d'autres: a) De détenir,rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droitsde l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès àl'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits etlibertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national; b)Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme etautres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autruiou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous lesdroits de l'homme et toutes les libertés fondamentales;

- et son article 12.2, qui prévoit que “l’État prend toutes lesmesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toutepersonne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence,menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autreaction arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la[...] Déclaration ” ;

  1. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.

Adresses :

· Son Excellence IsmailOmar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, DjiboutiVille, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 21 35 50 49 / 00 253 3502 01.

· Monsieur Ali FarahAssoweh, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes,chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti.Tel: 00 253 21 35 15 06/ Fax: 00 253 35 54 20

· Madame Kadidja Abeba,Présidente de la Cour suprême de Djibouti, Boulevard de la République, Tél: 00253 21 35 70 27 / 00 253 21 35 92 10

· Monsieur Maki OmarAbdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 (21) 35 69 90.

· Ambassadeur Mohamed SiadDoualeh, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies àGenève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 749 1091. Email : mission.djibouti@djibouti.ch

· Ambassade de Djibouti àBruxelles, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 322 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : amb_djib@yahoo.fr

Prière d’écrireégalement aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos paysrespectifs.

***

Paris-Genève, le 8novembre 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire detoutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire,programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs desdroits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussiconcrète que possible.

Pour contacter lObservatoire, appeler La Ligne dUrgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29