Tunisie
08.11.06
Interventions urgentes

Poursuite des actes de harcèlement à l'encontre du CNLT

Genève-Paris, le 8 novembre 2006. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), exprime sa plus vive consternation à l’égard des actes de harcèlement persistants à l’encontre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et de ses membres.

Selon les informations reçues, la surveillance policière du local du CNLT à Tunis, constante tout au long de l’année, s’est particulièrement resserrée depuis un mois. Ainsi, les 31 octobre, 1er et 2 novembre 2006, c’est un véritable siège qui a été établi autour de son local central à Tunis. En particulier, l’entrée de l’immeuble a été bloquée par plusieurs policiers en civil et une soixantaine de policiers ont été déployés autour du quartier.

Par ailleurs, plusieurs victimes et familles de prisonniers ont été empêchés par la police d’accéder aux bureaux du CNLT, et d’autres ont été harcelés lorsqu’ils sortaient des bureaux. Ainsi, le 30 octobre 2006, Mme Zeineb Chebli, mère de M. Khaled Arfaoui, prisonnier politique, a été conduite au commissariat de police de République puis harcelée sur le chemin de son retour par des policiers. Le même jour, M. Ahmed Ghazouani, père de M. Ghaith Ghazouani, prisonnier politique, a été interrogé dans la rue devant les locaux du CNLT. Le 2 octobre 2006, Mme Sarra Lazghad, épouse du prisonnier M. Khaled Layouni, et Mme Manal Mekki, sœur du prisonnier politique M. Ghaith Mekki, ont été conduites au poste de police de la rue de Cologne à leur sortie des bureaux du CNLT et obligées de signer un engagement à ne plus se rendre dans ces bureaux. En outre, M. Hassine Jelassi, ancien prisonnier politique, a été interpellé le 2 octobre 2006 à sa sortie des bureaux du CNLT et « invité à ne plus y remettre les pieds ». De même, M. Houcine Ben Amor, qui venait de sortir de prison après avoir purgé une peine de 15 jours pour avoir osé protester contre son exclusion du concours de CAPES, a été empêché d’y accéder le 1er novembre 2006. Enfin, M. Sami Nasr, chercheur permanent au CNLT, a été empêché à plusieurs reprises d’accéder à son propre bureau.

D’autre part, le courrier postal adressé au CNLT et à ses membres continue d’être confisqué la plupart du temps. La police a également “innové” ces derniers temps en saisissant le courrier livré par porteur par les ambassades. Ainsi, le 10 septembre 2006, un courrier adressé à M. Lotfi Hidouri, membre dirigeant du CNLT, a été intercepté par une personne qui s’est présentée au porteur comme étant M. Hidouri lui-même et a demandé au porteur de ne plus lui livrer de courrier dorénavant. De même, le 2 novembre 2006, une personne s’est présentée comme étant la destinatrice d’un courrier adressé à Mme Sihem Bensedrine, porte-parole du CNLT et rédactrice en chef du journal en ligne Kalima, et a retourné l’enveloppe au porteur lui intimant l’ordre de ne plus lui apporter de courrier en provenance des ambassades.

La connexion Internet du CNLT continue également d’être coupée depuis octobre 2005, malgré le paiement des redevances : l’abonnement est régulièrement acquitté auprès du fournisseur d’accès et Tunisie Télécoms continue d’envoyer les factures de l’ADSL que le CNLT ne peut pas utiliser tout en les payant. De même, le téléphone et le fax sont parfois détournés vers des destinataires inconnus.

Enfin, le CNLT n’a toujours pas réussi à réunir son assemblée générale depuis décembre 2004. Toutes les tentatives qu’il a effectuées depuis (notamment les 4 février et 21 juillet 2006) ont été réprimées manu militari et ses militants agressés parfois violemment. Ainsi, en juillet, Mme Naziha Rjiba, membre fondatrice et responsable de la communication au comité de liaison du CNLT, et rédactrice en chef du journal en ligne Kalima, a été violemment frappée et insultée. Elle a ensuite été placée de force dans un taxi par les policiers, qui ont ordonné au chauffeur de la conduire n’importe où, ajoutant qu’elle était une prostituée et qu’il pouvait "s’en servir à sa guise". Lorsque Mme Naziha Rjiba a pu rejoindre son domicile, celui-ci était encerclé par des agents en civil, qui l’ont surveillé toute la matinée (cf. appel urgent TUN 004 / 0706 / OBS 088, diffusé le 21 juillet 2006).

Aucune des nombreuses plaintes en justice qui ont été introduites par les membres du CNLT n’a abouti.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation au regard de ces nouveaux actes de harcèlement à l’encontre de membres du CNLT, qui s’inscrivent dans un contexte de répression systématique des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie.

L’Observatoire rappelle en outre que le CNLT n’est toujours pas reconnu par les autorités tunisiennes en dépit de ses nombreuses requêtes en ce sens.

En conséquent, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre des membres du CNLT et de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et de procéder à l’enregistrement du CNLT, ainsi qu’à celui des autres organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme dont la reconnaissance légale a été jusqu’à présent refusée.

D’autre part, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, notamment à son article premier qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international », à son article 5.a selon lequel « afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de se réunir et de se rassembler pacifiquement. », et à son article 9.3.c selon lequel « chacun a le droit individuellement ou en association avec d’autres d’offrir et de prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

Plus généralement, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer plus généralement aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant la Tunisie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39
FIDH : Gaël Grilhot : + 33 1 43 55 25 18