Niger
12.08.05
Interventions urgentes

Niger: Lettre ouverte: Les ONG écartées du processus de désignation de la CNDHLF

Lettre ouverte à l’attention de M. Mamadou Tandja,
Président de la République du Niger



Genève-Paris, le 12 août 2005



Monsieur le Président de la République,

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), souhaite vous faire part de sa vive préoccupation concernant les modalités selon lesquelles la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CNDHLF) du Niger vient d’être renouvelée.

En effet, selon les informations reçues de dix-huit associations indépendantes de défense et de promotion des droits de l’Homme1, celles-ci ont été écartées du processus de désignation des membres de la Commission, dont la composition a été annoncée précipitamment en Conseil des ministres, le 29 juillet 2005, par voie de décret.

Ainsi, deux membres des associations Organisation nigérienne pour le développement du potentiel humain à la base (ONDPH) et Mouvement citoyen des droits de l’Homme (MCDH), créé en juin 2005 pour la circonstance2, ont été nommés, sans que les associations de défense et de promotion des droits de l’Homme mentionnées ci-dessus ne soient consultées pour désigner leurs représentants, fixés au nombre de deux selon la législation nigérienne.

Ces faits s’inscrivent en contradiction avec la loi portant modification de la loi nigérienne N° 98-55 du 29 décembre 1998 portant attributions, composition et fonctionnement de la CNDHLF, adoptée le 20 avril 2001, qui prévoit en son article 3 que la Commission comprend « deux représentants désignés par les associations de défense des droits de l’Homme ». Ils s’inscrivent également en contradiction avec les Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’Homme, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 décembre 1993, qui disposent que « La composition de l’institution nationale et la désignation de ses membres, par voie élective ou non, doivent être établis selon une procédure présentant toutes les garanties nécessaires pour assurer la représentation pluraliste des forces sociales (de la société civile) concernées par la protection des droits de l’Homme, notamment par des pouvoirs permettant d’établir une coopération effective avec, ou par la présence, de représentants des organisations non gouvernementales compétentes dans le domaine des droits de l’Homme […] ».

L’Observatoire, qui a mandaté une mission d’enquête sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme au Niger en juin 2005, considère que ce processus constitue une stratégie visant à renforcer le contrôle des autorités nigériennes sur la CNDHLF, dont l’indépendance risque de fait d’être considérablement restreinte.

L’Observatoire rappelle que la loi portant modification de la loi nigérienne N° 98-55 du 29 décembre 1998 portant attributions, composition et fonctionnement de la CNDHLF allait déjà dans ce sens, dans la mesure où le nombre de représentants des organisations de défense des droits de l’Homme avait alors été réduit de trois à deux ; la loi modifiée assurait par ailleurs la présence d’un représentant du Président de la République et d’un représentant de l’Assemblée nationale au sein de la Commission.

L’Observatoire vous prie de bien vouloir prendre les mesures nécessaires en vue de l’abrogation du décret n°2005-192/PRN/MCRI du 29 juillet 2005, en conformité avec la loi nigérienne et les Principes de Paris.

L’Observatoire prie plus généralement les autorités nigériennes de se conformer, en toutes circonstances, aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, ainsi qu’aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant le Niger.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.



Sidiki KABA
Président de la FIDH

Eric SOTTAS
Directeur de l’OMCT





1Il s’agit de : Association nigérienne de défense des droits de l’Homme (ANDDH), Association nigérienne pour la promotion de la paix (ANPP), Comité de réflexion et d’orientation indépendant pour la sauvegarde des acquis démocratiques (CROISADE), Démocratie liberté développement (DLD), Association pour la défense des droits de l’homme et de la démocratie (DHD), Mouvement associatif pour la défense et la protection et des droits de l’Homme (MA-ADALCI), Mouvement nigérien pour la défense et la promotion des droits de l’Homme et des peuples (MNDHP), Organisation de défense des droits et libertés humains (ODLH), Organisation des consommateurs du Niger (ORCONI), Organisation nigérienne des droits de l’Homme et des peuples (ONDH-ALHAQ), Organisation nigérienne de solidarité pour l’éducation civique (ONSEC), Réseau des journalistes pour les droits de l’Homme (RJDH), SOS-Kandadji (Association nigérienne droit à l’énergie), Timidria, Association fraternité-solidarité, Union pour les libertés démocratiques (UPLD), SEDD/RJS (Organisation pour la promotion socio-économique, la défense des droits de l’Homme et la justice sociale), Tounfat.
2Le fondateur du MCDH avait été exclu de l’association MA-ADALCI pour des déclarations contraires à l’éthique des droits de l’Homme.