Türkiye
28.01.13
Interventions urgentes

Nouvelle atteinte aux droits de la défense en Turquie - Inquiétante vague d’arrestations d’avocats défenseurs des droits de l’Homme

Communiquéde presse conjoint

Turquie :Nouvelle atteinte aux droits de la défense en Turquie

Inquiétantevague d’arrestations d’avocats défenseurs des droits de l’Homme

Paris-Genève-Bruxelles-Ankara, 28 janvier 2013. La Fédération internationaledes ligues des droits de l'Homme (FIDH) et l'Organisation mondiale contre latorture (OMCT), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection desdéfenseurs des droits de l'Homme, l'Union Internationale des Avocats (UIA) etla Conférence internationale des barreaux (CIB), l'Association des droits del'Homme (IHD) et la Fondation des droits de l'Homme de Turquie (HRFT) exprimentleur plus profonde inquiétude au sujet de la nouvelle vague d’arrestationsd’avocats engagés dans la défense de personnes accusées dans des affairespolitiquement sensibles en Turquie ou dans la représentation de victimes ou defamilles de victimes de violations graves des droits de l'Homme.

Le 18 janvier 2013, à 4heures du matin, plusieurs avocats ont été arrêtés à Istanbul, Izmir, Ankara,Antalya, Hatay, Bursa et Kocaeli dans le cadre d’une opération visantsoi-disant les membres du mouvement illégal Parti-Front révolutionnaire delibération du peuple (DHKP-C). Ces avocats font partie de l'Association desjuristes progressistes (Cagdas Hukukçular Dernegi - ÇHD), une des plusimportantes associations d'avocats engagée dans la défense des droits del’Homme, dénonçant notamment les violences policières[1]ainsi que de la Plateforme pour la liberté de la défense[2].Cette opération s'est poursuivie le 21 janvier, certaines des personnesrecherchées étant à l'étranger, portant la liste totale des avocats arrêtés à14[3].Un 15ème avocat serait sous le coup d'un mandat d’arrêt.

Tant le siège de ÇHD quele cabinet « Cabinet du peuple » auraient été perquisitionnés par lapolice sans la présence du Procureur en charge de l’affaire ni du représentantdu Barreau, en claire violation des exigences prévues par la loi turque. Me EfkanBolaç, chargé par le barreau d’assister aux perquisitions, a lui-même étéarrêté. Lors des perquisitions, la police a saisi et copié des informationsconfidentielles détenues par les avocats.

Le 21 janvier, plusieursd'entre eux auraient été déférés au parquet accusés « d’être membres oumembres dirigeants d'une organisation illégale » conformément à l'article7/2 de la Loi anti-terrorisme, et notamment de « transmettre les instructions de dirigeants d'organisations illégalesemprisonnés »[4].

Cette nouvelle vagued’arrestations rappelle celle qui a eu lieu en novembre et décembre 2011 aucours de laquelle 40 avocats avaient été mis en détention provisoire dans lecadre d'une opération visant à démanteler le réseau terroriste présumé Uniondes Communautés du Kurdistan (KCK). Aujourd’hui, pas moins de 46 avocats fontface à des poursuites judiciaires liées à leur participation dans la défense dudirigeant du Parti des travailleurs kurdes (PKK), Abdullah Öcalan.

Plusieurs rassemblementsqui avaient été organisés par des avocats pour dénoncer ces arrestations ontété réprimés pendant le week-end.

Nos organisationsdénoncent de nouveau les attaques récurrentes dont sont victimes les avocatsturcs sur le fondement des lois antiterroristes dont il est fait un usageabusif. Elles déplorent particulièrement qu’ils soient systématiquementassimilés à leurs clients ou à la cause défendue par leurs clients. Une telleassimilation viole les principes protecteurs de la profession[5].Elle porte également atteinte aux droits de la défense tels qu’ils sontconsacrés dans tous les instruments internationaux et régionaux de protectiondes droits de l'Homme ratifiés par la Turquie[6].

Nos organisationss’alarment également des conséquences que cette situation pourrait avoir pourla défense effective tant des personnes impliquées dans des affaires deterrorisme que des victimes des violations des droits de l’Homme en général,car, dans un tel contexte répressif, il est de plus en plus difficile d’assumerleur représentation.

Rappelant le rôleessentiel qu’ont les avocats en tant qu’agents dans l'administration de lajustice, nos organisations appellent les autorités turques à garantir auxavocats arrêtés l’ensemble des droits procéduraux qui doivent leur êtrereconnus et à les libérer immédiatement s’il apparaît qu’aucune charge ne pourraitet ne devrait être retenue contre eux. Entre temps, leur sécurité et leurintégrité doivent être garanties.

Nous en appelons enfinaux autorités pour qu’elles mettent fin à tous types harcèlement à l’encontredes avocats impliqués dans la défense des droits de l’Homme, en assurant entoute circonstance le respect des droits de l’Homme et des libertésfondamentales.

Pour plus d'information:

FIDH : Audrey Couprie / Arthur Manet: + 33 1 4355 25 18

OMCT : Delphine Reculeau: + 41 22 809 49 39

UIA : Marie-Pierre Lienard : +33 1 44 88 5561 / mplienard@uianet.org

Romina Bossa-Abiven : +33 1 44 88 55 66 /rbossa@uianet.org

[1] Près de 2 500 avocatssont membres de cette association.

[2] La plateforme a étéconstituée en 2012 alors qu'un procès pour terrorisme s'ouvrait contre 46avocats turcs.

[3] Neufavocats restaient en détention : M. Selçuk Kozağaçlı, présidentnational de ÇHD (barreau d'Ankara) ; M. Taylan Tanay, président dela section d'Istanbul (barreau d'Istanbul) ; M. Güçlü Sevimli,membre du Bureau d'Istanbul (barreau d'Istanbul) ; M. Naciye Demir,membre (barreau d'Istanbul) ; Mme Şükriye Erden, membre (barreaud'Istanbul) ; M. Günay Dağ, membre (barreau d'Istanbul) ; Mme EbruTimtik, membre (barreau d'Istanbul) ; Mme Barkın Timtik, membre(barreau d'Istanbul) ; Mme Nazan Betül Vangölü Kozağaçlı,membre du bureau d'Ankara (barreau d'Ankara).

Cinq avocats ont étélibérés : M. Efkan Bolaç, ancien président de la section d'Istanbulet membre (barreau d'Istanbul) ; Mme Gülvin Aydın, membre du bureauà Istanbul (barreau d'Istanbul) ; M. Serhan Arıkanoğlu, ancienprésident de la section d'Istanbul (barreau Istanbul) ; M. Zeki Rüzgar,membre (barreau d'Antalya) et M. Güray Dag, membre (barreau d'Istanbul).

La police rechercheraitd'autres avocats dont Mme Oya Aslan, membre du bureau national.

[4] L'ordonnancede mise en détention est datée du 20 janvier, alors que la décision a étérendue le 21 janvier 2013.

[5] Cf.notamment les Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés par lehuitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitementdes délinquants qui s'est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre1990.

[6] Cf. notamment l'article 14 du Pacte relatif aux droits civils etpolitiques de 1966.