Tunisie
11.02.08
Interventions urgentes

Nouveau déni de justice en appel à Gafsa

Mission internationale d’observation judiciaire

Paris-Genève, le 11 février 2009. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dénonce le déni de justice survenu lors du procès en appel de 38 défenseurs des droits de l’Homme à Gafsa.

Le 3 février 2009, la Cour d'appel de Gafsa a rendu son verdict concernant les 38 personnes accusées d'avoir mené le mouvement de protestation sociale sans précédent qui secoue la Tunisie depuis janvier 2008. En dépit des déclarations des prévenus et des questions des avocats insistant sur les tortures subies et sur les irrégularités du dossier, tant sur la forme que sur le fond, les prévenus ont été condamnés à des peines allant de deux ans de prison avec sursis à huit ans ferme, sans que le Procureur n'ait fait de réquisitoire. Quatre personnes acquittées en première instance ont été condamnés à des peines de prison avec sursis.

Ce procès en appel avait été repoussé lors d'une audience antérieure qui s'était tenue le 13 janvier, date à laquelle les demandes préliminaires présentées en première instance relatives aux allégations de tortures, aux irrégularités procédurales, aux auditions de témoins, à la non-audition de prévenus durant la phase d’instruction, aux difficultés d’accès aux prévenus pour les avocats, et aux demandes de mise en liberté provisoire avaient été à nouveau soulevées. Le 13 janvier comme le 3 février, la cour a ignoré ces demandes.

Lors de l'audience du 3 février, de nombreuses autres irrégularités de procédure ont, comme en première instance, été constatées. L’audience a en effet débuté par un refus du président de lire l’acte d’accusation. Les interrogatoires des 34 prévenus présents à l'audience[1] n'auront duré que cinq heures, certains d'entre eux n'ayant pas eu plus de deux minutes de temps de parole. En outre, malgré des demandes de renvoi des avocats, la Cour a exigé que les plaidoiries se tiennent juste après les interrogatoires. Ces derniers ont par conséquent été obligés de plaider de 19 heures à 6 heures du matin le lendemain.

Me Antoine Aussedat, avocat au Barreau de Paris et mandaté par l'Observatoire afin d'observer le procès, s'est dit particulièrement préoccupé par cette décision "rendue au terme d'un procès bâclé, mené tambour battant et montre en main, sans examen contradictoire des pièces du dossier ni auditions de témoins, une vaste farce respectant à peine un semblant d’apparence régulière du procès".

Le caractère ouvertement inique de ce procès en appel et la lourdeur des peines prononcées reflètent la volonté des autorités tunisiennes de punir avec la plus grande fermeté les personnes impliquées dans le mouvement de protestation sociale, en marge de toute légalité, et notamment du droit à la défense des personnes accusées.

L’Observatoire exhorte les autorités tunisiennes de cesser tout acte de répression envers l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme, de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et, plus généralement, de se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
FIDH : Gaël Grilhot / Karine Appy : + 33 1 43 55 25 18
OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39

[1] Quatre prévenus sur les 38 jugés en première instance étaient en état de fuite au moment de l'audience en appel.