République démocratique du Congo
30.01.07
Interventions urgentes

Maître Nlandu_procès inique et état de santé critique

Cas COD 271106.1
Suivi du Cas COD 271106
Procès inique/ Possible condamnation à la peine de mort/
Problèmes de santé/ Mauvaises conditions de détention
Genève, le 30 janvier 2007

Le Secrétariat international de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a reçu de nouvelles informations concernant la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations

Le Secrétariat international de l’OMCT a été informé par le Comité des observateurs des droits de l’homme (CODHO), membre du réseau SOS-Torture, de l’état de santé critique de Maître Marie Thérèse Nlandu Mpolo-Nene arrêtée le 21 novembre 2006, et de l’évolution de son procès au Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Goma. Maître Nlandu est poursuivie pour avoir organisé un mouvement insurrectionnel et pour détention illégale d’armes de guerre, charges pouvant entraîner une condamnation à la peine capitale.

Selon les informations reçues, Maître Nlandu, candidate malheureuse au premier tour à l’élection présidentielle, soutenait le candidat Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président, au second tour. Alors que la Cour suprême de justice de Kinshasa statuait sur le recours en annulation du résultat du deuxième tour, Maître Nlandu a pris la parole, le 21 novembre 2006, devant les partisans de Jean-Pierre Bemba attendant devant la Cour, propos qui selon le Ministère public auraient incité les personnes présentes à envahir, piller, saccager et incendier partiellement les locaux de la Cour suprême.

Le 20 novembre 2006, la police avait déjà arrêté les associés de Maître Nlandu (voir dans rappel des faits). La police aurait trouvé dans la voiture utilisée par ceux-ci des grenades à main.

Les associés de Maître Nlandu, soit Pasteur (José) Lifumba Botumbele[1], M. Charles Félix Kianza Bata, M. Bienvenu Tungu Makumbu (nom complet), M. Kongbo Nziangba, M. Claude Gayo Denvo et M. André (Gauthier) Lusiladio Mavambu (nom complet) et M. Gbala Kukambisa, ont été quant à eux accusés de participation à un mouvement insurrectionnel et détention illégale d’armes de guerre[2]. Ils risquent également une condamnation à la peine de mort.

Le procès de Maître Nlandu et de ses associés a débuté à Kinshasa le 22 décembre 2006. Les audiences ont été ajournées au 3 janvier 2007 afin que Maître Nlandu puisse recevoir un traitement médical pour une bronchopneumopathie et une haute tension artérielle. Bien que son médecin ait recommandé un séjour en clinique, Maître Nlandu a été reconduite peu après dans sa cellule du Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK). Selon les informations, son état de santé est critique, en partie à cause des mauvaises conditions de détention.

Le 24 janvier 2007, la quatrième audience a eu lieu pendant laquelle une requête de mise en liberté provisoire en faveur de Maître Nlandu a été adressée au tribunal. Cette requête a été rejetée et le procès a été ajourné au 31 janvier 2007. Maître Nlandu demeure détenue au CPRK.

L’OMCT est particulièrement concernée quant à l’état de santé de Maître Nlandu et par le refus de lui accorder les soins médicaux appropriés. Par ailleurs, l’OMCT appelle les autorités judiciaires à se conformer à tous les principes internationaux reconnus en matière de procès équitable. Le procès de civils par un tribunal militaire va à l’encontre des normes de droit international en termes de procès équitable et est par ailleurs interdit par la Constitution de la RDC sur la base de l’article 156 qui stipule que les juridictions militaires connaissent des infractions commises par les membres des forces armées et de la police nationale. Le Comité des Nations unies contre la torture s’est également exprimé sur ce point durant sa session de novembre 2005 pendant laquelle le rapport initial de la RDC était examiné. Il note avec préoccupation dans ses conclusions l’existence d’une justice militaire pouvant juger des civils: « L’Etat partie devrait prendre les dispositions nécessaires pour que les juridictions militaires se cantonnent à juger uniquement des militaires pour des infractions militaires en accord avec les dispositions internationales en la matière »[3]. L’OMCT demande la libération immédiate des personnes mentionnées ci-dessus en l’absence de charges valables ou, le cas échéant, de les traduire devant un tribunal civil, impartial et compétent tout en garantissant leurs droits procéduraux en tout temps.

Rappel des faits

Le Secrétariat international de l’OMCT a été informé de l’arrestation et de la détention arbitraire de Maître Marie Thérèse Nlandu Mpolo-Nene, avocate au barreau de Kinshasa, présidente du parti politique « Congo pour la Paix » et membre de l’alliance politique « Union pour la Nation » (UN), en date du 21 novembre 2006 par les agents des services spéciaux de la police à Kinshasa.

Selon les informations reçues, Maître Nlandu a été arrêtée alors qu’elle se trouvait au siège des services spéciaux de la police, situé dans l’immeuble Kin-Mazière, dans le but d’apporter de la nourriture à six de ses proches collaborateurs, M. Bienvenu Makumbu, Pasteur José Inonga, M. Gauthier Lusiladio et M. Alpha (voir ci-dessus pour les noms corrigés), les deux autres personnes demeurant au moment de la rédaction de l’appel COD 271106 non identifiées, détenus dans les locaux des services spéciaux de la police après leur arrestation arbitraire le 20 novembre 2006 vers 15h00 par la police d’intervention rapide (PIR).

En effet, les six collaborateurs ont été arrêtés alors qu’ils accompagnaient Maître Nlandu durant une visite à une connaissance aux alentours de la paroisse catholique Saint Luc de Macampagne à Kinshasa/ Ngaliema. Pendant qu’ils l’attendaient dans la voiture, ils ont été encerclés par quatre jeeps de la PIR avant d’être finalement forcés de les suivre pour une destination inconnue.

Le 21 novembre 2006, Maître Nlandu, qui s’est rendue au siège des services spéciaux de la police suite à une audience à la Cour suprême de justice, a reconnu la voiture de ses collaborateurs dans le parking de l’immeuble. Après avoir reçu confirmation de leur détention, Maître Nlandu est revenue plus tard dans la journée afin de leur apporter de la nourriture. Selon les informations, elle a été arrêtée sur place en compagnie de son garde du corps. Les deux ont été brutalisés. Par ailleurs, les chaussures et le téléphone portable de Maître Landu lui auraient été confisqués. Ils ont été placés en détention dans les mêmes locaux.

Le soir même, Maître Landu a été présentée sur la chaîne TV Digital Congo comme une terroriste qui s’apprêtait à faire sauter la Cour suprême de justice avec une grenade qui aurait été trouvée en sa possession.

Maître Nlandu a été transférée le 23 novembre 2006 avec ses collaborateurs au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK). Selon les informations, ils ont tous été tabassés par les policiers. Maître Nlandu se trouve depuis incarcérée au pavillon 9 (pavillon des femmes).

Actions requises

Merci d’écrire aux autorités de la République Démocratique du Congo, afin de leur demander de :

  1. Garantir l’intégrité physique et psychologique de Maître Marie Thérèse Nlandu Mpolo-Nene et de ses associés;
  2. Garantir l’accès immédiat à des soins médicaux appropriés en faveur de Maître Nlandu;
  3. Ordonner la libération immédiate des personnes mentionnées ci-dessus en l’absence de charges valables ou, le cas échéant, les traduire devant un tribunal civil, impartial et compétent tout en garantissant leurs droits procéduraux en tout temps;
  4. Garantir une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur les allégations de mauvais traitements, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;
  5. Garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales à travers le pays selon les lois nationales et les instruments internationaux des droits de l’homme.

Adresses

  • Le Président de la République, S.E. Joseph Kabila, Présidence de la République, Kinshasa-Ngaliema, République Démocratique du Congo, E-mail: upp@ic.cd
  • La Ministre des Droits Humains, Mme Marie-Madeleine Kalala, Cabinet du Ministre, Boulevard du 30 juin, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax: 00 243 12 20 664, Email: min_droitshumains@yahoo.fr ou mindroits_humains@yahoo.fr
  • Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), Cabinet du Président, avenue Sendwe, Kinshasa/Kalamu, République Démocratique du Congo, Tél: +243 98313740 / + 243 98271199 / + 243 98407633, Email : info@ondh-rdc.org
  • Ambassadeur, Antoine Mindua Kesia-Mbe, Mission permanente de la République démocratique du Congo, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, e-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +4122 740.16.82
  • Ambassade de la République Démocratique du Congo à Bruxelles, Avenue Foestraets, 6, 1180 Bruxelles. Tel : + 32 2 375 47 96, Fax : + 32 2 372 23 48

Prière d’écrire aux représentations diplomatiques de la République Démocratique du Congo dans vos pays respectifs.

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Genève, le 30 janvier 2007

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.

[1] Indiqué dans l’appel COD 271106 sous le nom de José Inonga.

[2] Il est à noter que M. Alpha, qui accompagnait Maître Nlandu le 20 novembre 2006, a réussi à s’échapper lors de l’arrestation. Il n’a donc pas été arrêté comme indiqué dans l’appel urgent COD 271106.

[3] Conclusions et recommandations du Comité contre la torture : République Démocratique du Congo 01/04/2006. CAT/C/DRC/CO/1 (Conclusions et recommandations).

http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/CAT.C.DRC.CO.1.Fr?OpenDocument