Maroc et Sahara occidental
15.02.06
Interventions urgentes

Maroc/Sahara Occidental: Usage excessif de la force policière / Détention arbitraire / Disparition présumée

Cas MAR 150206 / MAR 150206.CC

EXACTION ENFANTS
Usage excessif de la force policière / Détention arbitraire / Disparition présumée / Préoccupation concernant la sécurité ainsi que l’intégrité physique et psychologique


Le Secrétariat international de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) requiert votre intervention TRES URGENTE dans la situation suivante au Sahara Occidental /Maroc.

Description des faits:

Le Secrétariat international de l’OMCT a reçu avec préoccupation des informations concernant l’usage excessif de la force déployée par la police contre des groupes de manifestants dans plusieurs villes, dont Laâyoune, Gulimin et Dajla. Alors qu’ils revendiquaient le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, plusieurs manifestants auraient été détenus arbitrairement et blessés et deux d’entre eux ont été portés disparus.

Selon les informations reçues de sources fiables, trois élèves sahraouis du lycée “Lemsala”, à Laâyoune, MM. Chtuki Mohamed Ahmed, Dah Hassan et El Ghali Lechgar, ont été arrêtés le 4 février 2006 par les services secrets marocains puis conduits au siège de la police judiciaire de la ville. Les jeunes gens y auraient subi, pendant plus de six heures, des interrogatoires ponctués de mauvais traitements et de torture avant d’être remis en liberté dans un “état de santé très détérioré”.

D’après les informations, le 6 février 2006, des centaines de manifestants sahraouis de tous âges ont manifesté pacifiquement à Laâyoune pour réclamer, d’une part, la liberté inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et des activistes des droits de l’homme sahraouis détenus et, d’autre part, la reconnaissance du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance. Les forces de police marocaines ont aussitôt dispersé les manifestants et encerclé le lieu de la manifestation.

Le 7 février 2006, d’autres manifestations ont eu lieu à Laâyoune, au cours desquelles des jeunes filles ont été brutalement battues. Il s’agit de Mlles Chikha Salama Ould Mnayssir, Hjabbouha Salama Ould Mnayssir, 17 ans, et Ghlaya Salama Ould Mnayssir, 14 ans. Les forces de police auraient envahi leur domicile, situé dans le quartier de Niger, en plein centre ville, lieu d’une grande manifestation, puis les ont frappées violemment. Par ailleurs, une jeune fille de 16 ans, Melle Hane Sayed, habitante du quartier de Nejar, a été arrêtée ce même 7 février avant d’être relâchée le lendemain.

A Laâyoune, Mme Khadijattou Ali Omar Bachir est portée disparue depuis l’arrestation de son fils Abdallah Salama Mnayssir (22 ans), dont le lieu de détention et l’état de santé demeurent inconnus au moment de rédiger cet appel.

Par ailleurs, d’après les informations, les forces de police marocaines ont augmenté le voltage de la tension électrique dans la ville afin d’empêcher les jeunes sahraouis, sous peine d’être électrocutés, de pendre des drapeaux sahraouis aux câbles conducteurs. Cette opération a, d’autre part, causé de nombreux dégâts aux ordinateurs et autres appareils électriques des familles sahraouies qui n’avaient pas été informées de cette hausse de tension.

Dans la nuit du 3 au 4 février 2006, de nombreux habitants de la ville de Dajla, dont sept activistes des droits de l’homme, ont été blessés au cours d’affrontements avec la police marocaine. Certains de ces activistes dont l’état de santé reste précaire jusqu’à ce jour sont MM. El Mami Amar Salem, Ulad Chej el Mahyub, Miské Ahmed Zein, Hamadi Ahmed Menhanun, Mohamed Brahim Machnan, Ahmed Bahya et Wanna Beida. Les autres personnes brutalement frappées au cours de ces affrontements sont MM. Buaila Salama Hamdi, Buaila Mohamed Yahdih, Buaila Mohamed Mahmud, Buaila Guha, Buaila Melah, Buaila Chreifa, Yusef Mrabih, Hamdi Al Buna, Larossi El Meki, Sidi El Hafed, Allah Chegaf, Jadu Amar Salem, Nquiya Buaila et Bela Chejatu Ali Salem.

Au cours de ces mêmes manifestations, les forces de police marocaines ont arrêté à Dajla M. Bela Buaila, ressortissant sahraoui. Elles ont aussi forcé les portes et causé d’importants dégâts aux domiciles de plusieurs familles sahraouies, dont ceux de MM. Adu Ahmed Zein, Dala Buaila et Othman Buaila. Ce dernier demeure placé sous surveillance.

Selon les informations reçues, les habitants de Smara ont organisé avec des étudiants sahraouis un sit-in pacifique, en signe de solidarité avec la population de Dajla et pour dénoncer la répression au Sahara Occidental et dans le sud du Maroc.

D’autre part à Guelmin, ville du sud du Maroc, cinq personnes au moins ont été arrêtées dans la nuit du 6 février 2006, à la suite des manifestations pacifiques qui ont eu lieu ce même jour. Ainsi, M. Mohamed Lamin Essahel a été arrêté à 20h20 sur la voie publique en raison de ses activités de défense des droits de l’homme aux côtés des défenseurs sahraouis et de la dénonciation des violations de ces droits commises à l’encontre de la population civile au Sahara Occidental. Environ 10 minutes après son arrestation, son domicile a été perquisitionné et saccagé. La police a confisqué un ordinateur, un téléphone, des disques CD et des livres.

Au cours des manifestations du 6 février 2006 à Guelmin, quatre autres citoyens sahraouis, MM. Rgueibi Ljlifa, Lakraimi Mustafa, Chekraui Bachir et Aabani Brahim, ont également été arrêtés et plusieurs autres personnes ont été blessées, parmi lesquelles MM. Taouil Mustapha et Lektaif Lehbib, qui présentent des hématomes et des marques de coups aux pieds, aux mains et sur le dos, et MM. Razak Abdelkader et Mansouri Said, qui ont dû recevoir plusieurs points de suture à la tête.

L’OMCT rappelle que le Maroc, en tant qu’Etat partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, doit veiller à ce que: a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans; b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible; c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles; d) Les enfants privés de liberté aient le droit d’avoir rapidement accès à l’assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu’une décision rapide soit prise en la matière.

Le Secrétariat international de l’OMCT réitère sa vive préoccupation concernant la sécurité ainsi que la santé et l’intégrité physique et psychologique de tous les ressortissants sahraouis mentionnés ci-dessus et, d’une façon générale de toute la population sahraouie, particulièrement dans les villes de Laâyoune, Dajla et Guelmin. Elle prie le gouvernement marocain de prendre immédiatement les mesures les plus urgentes et adéquates pour les garantir.

Action requise:

Nous vous prions de bien vouloir écrire aux autorités du Maroc leur demandant:
i. de garantir la securité et l’intégrité physique et psychologique de tous les individus blessés au cours des manifestations mentionnées ci-dessus - ainsi que celles des prisonniers politiques sahraouis dans leurs prisons respectives - et de leur assurer l’accès à une assistance médicale gratuite ;
ii. d’ordonner la libération immédiate de tous les prisonniers mentionnés ci-dessus en l’absence de charges valables ou, si de telles charges existent, de les traduire devant un tribunal civil, indépendant et impartial en garantissant les droits procéduraux de tous les accusés et en tout temps ;
iii. de mener une enquête exhaustive et impartiale sur les circonstances des mauvais traitements et tortures infligés à la population et aux prisonniers sahraouis au cours des manifestations mentionnées ci-dessus afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil, indépendant et impartial et de leur appliquer les sanctions pénales et/ou administratives prévues par la loi ;
iv. de manière générale, de garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales de la population sahraoui, conformément aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des Pactes et des Conventions Internationales des droits de l’homme, notamment les Principes et normes minimales pour le traitement des prisonniers ainsi que la Convention contre la torture et la Convention relative aux droits de l’enfant.

Adresses:

  • S. M. Mohammed VI. Ibn Al Hassan, Roi du Maroc, Palais Royal, Rabat, Maroc. ; Fax : + 21237.773 07 72
  • Mission Permanente du Royaume du Maroc à Genève, Chemin François-Lehmann 18a., 1218 Grand-Saconnex. Fax: + 41 (0) 22.791.81.80 E-mail: mission.maroc@ties.itu.int
  • M. Driss Jettou, Premier Ministre, Bureau du Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, Palais Royal, Rabat, Maroc. Fax + 21237.776 99 95 // + 21237.76 91 95 ou + 21237.77 68 37
  • M. Mohamed Bouzoubaa, Ministre de la Justice, Place Mamounia, Rabat, Maroc.
    Telegrammes : Ministre de Justice, Rabat, Maroc Fax: + 21237.72.37.10/ + 21237.73.07.72/ + 21237.73.89.40
  • M. Mostafa Sahel, Ministre de l’Intérieur, Quartier Administratif, Rabat, Maroc. Fax : + 21237.76.20.56
  • M. Mohamed Benaïssa, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, Avenue F. Roosevelt, Rabat, Maroc. Fax: (+212) 37 76 55 08/ 46 79. E-mail: mail@maec.gov.ma
  • Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH), Place des Chouhada, B.P. 1341, Rabat, Maroc. Fax: + 21237.72.68.56. E-mail: ccdh@ccdh.org.ma


Prière d’écrire aux représentations diplomatiques du Royaume du Maroc dans vos pays respectifs.

Genève, le 15 février 2006.

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.