Maroc / Sahara occidental : harcèlement, surveillance et restrictions continues à l'encontre des membres du CODESA

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE
MAR 001 / 0225 / OBS 009
Harcèlement /
Intimidation /
Restrictions à la liberté d'association /
Restrictions à la liberté de réunion pacifique /
Surveillance
Maroc / Sahara occidental
28 février 2025
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de l’Organisation Mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), vous prie d’intervenir sur la situation suivante au Maroc / Sahara occidental.
Description de la situation :
L'Observatoire a été informé d’actes continus de harcèlement, d'intimidation et de surveillance à l'encontre des membres du Collectif des Défenseurs Sahraouis des Droits Humains au Sahara occidental (CODESA), un collectif créé en 2002 pour promouvoir le respect des droits humains dans le territoire occupé du Sahara occidental, documenter les violations et plaider pour le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
Le 19 janvier 2025, lors de la visite d'un journaliste espagnol et de deux délégués de l'ONG Coordinadora Estatal de Asociaciones Solidarias con el Sáhara (CEAS-Sahara) dans la ville de Dakhla, au Sahara occidental, les forces de police marocaines ont encerclé et attaqué la résidence de M. Hassan Zerouali, membre du Comité administratif du CODESA et de sa section locale. L'assaut a eu lieu alors que le journaliste et les délégués susmentionnés tenaient une réunion pour recueillir des témoignages de victimes sahraouies de violations des droits humains, et visait clairement à empêcher ces activités de documentation et à les expulser du territoire. Au cours de la descente, Hassan Zerouali et son père, M. Mouloud Zerouali, ont été violemment agressés par la police. Des scènes de l'attaque et des témoignages ont été publiés par le CODESA dans une vidéo postée sur sa chaîne YouTube le 21 janvier 2025.
Quelques jours avant la descente de police, le 15 janvier 2025, Hassan Zerouali et un autre membre du Comité administratif du CODESA, M. Salah Dlimi, ont été arrêtés par la police marocaine alors qu'ils marchaient dans les rues de Dakhla. Ils ont été embarqués dans un véhicule de police et conduits au commissariat le plus proche pour être interrogés. Pendant leur transport et leur interrogatoire, ils ont été soumis à des violences physiques et verbales et ont été relâchés cinq heures plus tard. M. Zerouali raconte ce qui s'est passé dans une vidéo publiée par le CODESA le lendemain de l'incident.
L'Observatoire rappelle que ces actes d'intimidation et ces agressions s'inscrivent dans un contexte plus général de répression à l'encontre de M. Zerouali, du CODESA et de l'ensemble des défenseur·es des droits humains au Sahara occidental.
En ce qui concerne spécifiquement le CODESA, il convient de rappeler qu'en 2007, les autorités marocaines ont empêché la tenue du congrès constitutif de l'organisation, violant ainsi les droits de ses membres à la liberté d'association et de réunion pacifique. Le 21 octobre 2023, les autorités marocaines ont empêché la tenue du premier congrès national du CODESA et ont agressé physiquement ses membres. La résidence de M. Ali Salem Tamek - Président du CODESA, éminent défenseur des droits humains et ancien prisonnier politique - qui devait accueillir la réunion, a ensuite été encerclée par les forces de sécurité pendant les quatre jours suivants. Le 22 février 2024, les autorités marocaines ont empêché le CODESA de tenir une conférence de presse à Laayoune pour présenter les rapports annuels de l'organisation pour 2022 et 2023.
Au fil des ans, les membres du CODESA ont été continuellement harcelés par les autorités marocaines. Le 14 novembre 2013, Mme El Khalifa Ragbi, membre du CODESA et épouse d'Ali Salem Tamek, a été arrêtée par les autorités marocaines à Rabat sur la base de fausses accusations de vol. L'arrestation a apparemment eu lieu pour empêcher Mme Ragbi d'accompagner son mari en Europe pour une opération chirurgicale prévue. Mme Ragbi a été libérée quelques heures plus tard, après avoir accepté de signer un procès-verbal.
Le 4 octobre 2024, la voiture de Mme Khadijatou Douih, vice-présidente du CODESA, a été vandalisée alors qu'elle était garée dans le quartier de Douirat, à Laayoune. Des inconnus ont endommagé la voiture et crevé les pneus pour empêcher Mme Douih de circuler librement. L'incident a été raconté par Mme Douih elle-même dans une vidéo publiée le 8 octobre 2024. En janvier 2024, Mme Douih avait été agressée physiquement alors qu'elle manifestait publiquement. L'agression avait également été filmée.
La répression contre le CODESA s'étend également au-delà des frontières marocaines. Le 14 novembre 2024, M. Baih Jamaa, Secrétaire général du CODESA, et Mme Jamila Mojahid, membre du Comité administratif, ont été arrêtés à l'aéroport d'Istanbul, en Turquie, et interdit⋅es d'entrée dans le pays pendant cinq ans pour avoir participé, en août 2024, à une formation sur le droit international humanitaire à Istanbul avec 21 autres membres de l'organisation.
Le président du CODESA, Ali Salem Tamek, est constamment surveillé par les autorités marocaines. Sa résidence à Laayoune, qui sert également de siège temporaire du CODESA, est sous surveillance constante d'officiers de police et de représentants du gouvernement depuis plusieurs années. Le 10 octobre 2024, des policiers en civil ont tenté de pénétrer dans la maison et ont endommagé le compteur pour couper l'électricité. Entre le 7 et le 10 novembre 2024, lors de la visite à Laayoune de M. Aziz Rhali, président de l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), la surveillance a été de nouveau renforcée pour empêcher une rencontre entre les deux défenseurs des droits humains et pour restreindre la liberté d'expression de M. Tamek. D'autres actes de surveillance accrue ont eu lieu entre le 4 et le 11 décembre 2024 avec le déploiement permanent de forces de sécurité autour de la résidence.
En plus des attaques décrites ci-dessus, les membres du CODESA sont régulièrement victimes de harcèlement, de restrictions dans la recherche d'un emploi, de campagnes de diffamation, de refus d'accès à l'éducation et de tentatives visant à les isoler de leur famille et de leur communauté.
L'Observatoire condamne fermement la poursuite du harcèlement, de la surveillance et des restrictions à l'encontre des membres du CODESA et de tous·tes les défenseur·es des droits humains au Sahara occidental, qui semblent avoir pour seul objectif d'entraver leur travail légitime en faveur des droits humains. L'Observatoire exhorte les autorités marocaines à mettre fin à la répression contre les défenseur·es des droits humains opérant dans le territoire occupé du Sahara occidental.
L'Observatoire appelle en outre les autorités marocaines à mener une enquête immédiate sur les actes de harcèlement et d'agression à l'encontre des membres du CODESA, à traduire les auteurs en justice conformément aux normes internationales en matière de droits humains, et à garantir que les défenseur·es des droits humains puissent mener leurs activités légitimes sans crainte de représailles.
Actions requises :
L'Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités du Maroc en leur demandant de :
- Garantir, en toutes circonstances, l'intégrité physique et le bien-être psychologique des membres du CODESA et de tous·tes les autres défenseur·es des droits humains au Maroc / Sahara Occidental ;
- Mettre fin immédiatement à la répression contre le CODESA et tous·tes les défenseur·es des droits humains opérant dans le territoire occupé du Sahara occidental;
- Mener une enquête immédiate, approfondie et impartiale sur les actes de harcèlement et d'agression à l'encontre des membres du CODESA afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ;
- Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect des droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association, tels que garantis par le droit international des droits humains, en particulier par les articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Maroc est parti.
Adresses:
- M. Nasser Bourita, Ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Email : ministere@maec.gov.ma
- M. Abdellatif Ouahbi, Ministre de la Justice. Email : mjustice@justice.gov.ma
- Conseil national des droits de l’Homme. Email : cndh@cndh.org.ma
- M. Omar Zniber, Représentant permanent du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève. Email : maroc.ge@maec.gov.ma
- M. Allal Ouazzani Touhami, Ministre plénipotentiaire et chargé d'affaires, Mission du Maroc auprès de l'UE et de l'OTAN. Email : mission.ue@maec.gov.ma
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.
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Genève-Paris, le 28 février 2025
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, partenariat de l’OMCT et de la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
- E-mail: alert@observatoryfordefenders.org
- Tel OMCT : +41 (0) 22 809 49 39
- Tel FIDH : +33 (0) 1 43 55 25 18