Mali
24.06.24
Interventions urgentes

Mali: Enlèvement du journaliste et cyberactiviste Yeri Bocoum

@ YBC

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

MAL 001 / 0624 / OBS 026
Enlèvement /
Disparition forcée /
Restriction à la liberté d'expression
Mali
24 juin 2024

L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Mali.

Description de la situation :

L'Observatoire a été informé de l’enlèvement de M. Yeri Bocoum, journaliste, cyberactiviste, vice-président de l’Association des professionnels des médias sociaux et web acteurs (APMSWA) et directeur du média en ligne indépendant Yeri Bocoum Communication. Yeri Bocoum est particulièrement engagé dans la dénonciation de la mauvaise gouvernance ainsi que des mauvaises conditions de vie économique au Mali.

Le 8 juin 2024 à 14h, Yeri Bocoum a été enlevé à son domicile à Kati, au nord-ouest de Bamako, par des individus non identifiés et a été emmené vers une destination inconnue. Selon des témoins de la scène, des hommes en civil à bord d'un véhicule sont venus le chercher devant chez lui, il se serait débattu mais aurait fini par être emmené. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, le sort et le lieu où se trouve Yeri Bocoum sont toujours inconnus, et ses proches et son organisation restent sans nouvelles de sa part.

L’enlèvement de Yeri Bocoum serait lié à sa couverture en tant que journaliste d’une manifestation spontanée contre la vie chère et le manque d’électricité, organisée le 7 juin 2024 devant la Chambre du commerce et d’industrie du Mali à Bamako par la Synergie d'Action pour le Mali, une coalition d'organisations de la société civile et de regroupements politiques, constituée le 17 février 2024. M. Bocoum était l’un des rares journalistes à couvrir cet événement. Il avait interviewé M. Youssouf Daba Diawara, l’un des portes paroles de la Synergie d’action.

L'Observatoire rappelle que cet enlèvement s'inscrit dans un contexte de restriction de la liberté d’expression et de multiplication des attaques à l'encontre des défenseur·es des droits humains et des journalistes au Mali. Les services de renseignement maliens, notamment l’Agence Nationale de la Sécurité d’État (ANSE), ont multiplié depuis 2023 les enlèvements et détentions au secret de défenseur·es, y compris de journalistes. Celles et ceux d’entre elles et eux qui dénoncent la mauvaise gouvernance, la vie chère, la crise énergétique et les violations des droits humains commises par les autorités de transition au pouvoir et par les groupes armés sont la cible de menaces, d’actes d’intimidation, de harcèlement judiciaire, d’enlèvements et de détentions arbitraires. Depuis décembre 2022, au moins sept défenseur·es des droits humains ont été enlevé·es dans le pays, dont Sory Koné, directeur de la Radio Danaya de Souba, enlevé le 26 janvier 2023 à Ségou et toujours porté disparu et Idriss Martinez Konipo, directeur de la page Mediatik TV, enlevé à Bamako le 28 avril 2023 et libéré deux jours plus tard, le 30 avril 2023. Par ailleurs, le 7 novembre 2023, le journaliste Abdoul Aziz Djibrilla a été tué et ses partenaires Saleck Ag Jiddou et Moustapha Koné ont été enlevés au nord du Mali par un groupe armé non identifié. Les organisations de défense des droits humains, notamment Reporters sans frontières, ont dénoncé le silence des autorités de la transition maliennes suite à ces évènements, observant la faible volonté des autorités de protéger les journalistes. En juillet 2023, la cyberactiviste Rokiatou Doumbia a été arrêtée pour avoir critiqué les résultats économiques et les politiques de sécurité publique des autorités de transition au pouvoir, puis a été condamnée en août 2023 à un an de prison.

L'Observatoire condamne fermement l’enlèvement et la disparition forcée de Yeri Bocoum, qui ne semblent viser qu'à restreindre sa liberté d’expression et à entraver ses activités légitimes de défense des droits humains.

L'Observatoire exhorte les autorités de transition au pouvoir au Mali à mener une enquête indépendante, rigoureuse et impartiale sur la disparition de Yeri Bocoum et à tout mettre en œuvre pour permettre sa libération. L’Observatoire appelle par ailleurs les autorités de transition au pouvoir à mettre fin à tout acte de harcèlement et à tout acte d'intimidation à l'encontre de Yeri Bocoum, ainsi que de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays.

L'Observatoire appelle enfin les autorités de transition au pouvoir au Mali à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d'expression et à la liberté de réunion pacifique telles que consacrées par le droit international des droits humains, et en particulier les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Mali est partie.

Actions requises :

L'Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de transition au pouvoir au Mali en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances l'intégrité physique et le bien-être psychologique de Yeri Bocoum et de tou·tes les défenseur·es des droits humains au Mali ;
  2. Tout mettre en œuvre pour que le sort de Yeri Bocoum et le lieu où il se trouve soient révélés, et qu’il soit immédiatement libéré ;
  3. Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur l’enlèvement de Yeri Bocoum afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ;
  4. Mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre des défenseur·es des droits humains dans le pays et veiller à ce qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits de humains en toutes circonstances, sans entrave ni crainte de représailles ;
  5. Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect des droits à la liberté d'expression et à la liberté de réunion pacifique, tels que garantis par le droit international des droits humains, en particulier par les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Mali est partie.


Adresses :

  • Colonel Assimi Goita, Président de la Transition au Mali, Email : presidencemali@koulouba.ml, Twitter : @GoitaAssimi, @PresidenceMali
  • Dr Choguel Kokalla Maïga, Premier Ministre, Email : contact@primature.gouv.ml, abkone79@yahoo.fr, Twitter : @ChoguelKMaiga
  • Mahamadou Kassogué, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ; Garde des Sceaux, pegnin@yahoo.fr
  • Colonel Major Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix Réconciliation nationale. Email : mrpcn32@gmail.com
  • Colonel Major Daouda Aly Mohammedine, Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Contact : https://securite.gouv.ml/ecrir...
  • Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, Email : maeci.courrier@diplomatie.gouv.ml, Twitter : @AbdoulayeDiop8
  • Commission Nationale des droits humains du Mali, Email : abouare223@gmail.com, Twitter : @MaliCndh
  • Mission permanente de la République du Mali auprès du Royaume de Belgique, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume-Uni et Représentation permanente auprès de l’Union européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique, Email : info@amba-mali.be
  • Abdoulaye Tounkara, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Mali auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Email : info@missionmali.ch


Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Mali dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 24 juin 2024

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :

  • E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
  • Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
  • Tel OMCT : + 41 22 809 49 39