Maroc et Sahara occidental
01.02.17
Interventions urgentes

Le droit à un procès équitable de sept défenseurs criminalisés doit être respecté

Paris-Genève, le 1erfévrier 2017 - L’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat OMCT-FIDH)dénonce la non application de délais raisonnables dans le procès mené contreplusieurs personnalités engagées dans la défense des droits humains et appelleles autorités à abandonner les poursuites qui ne semblent viser qu’àsanctionner leurs activités de promotion des droits humains.

Le 25 janvier 2017, la justice marocainea décidé de reporter une nouvelle fois le procès contre M. Maâti Monjib, historien, journaliste et président de l’association « Freedom Now »pour la liberté d’expression au Maroc et ancien président du Centre Ibn Rochdd’études et de communication, M. Hisham Almiraat, président del’Association des droits numériques (ADN), M. Hicham Mansouri, chargé deprojet à l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI), M.Mohamed Essabr, président de l’Association marocaine d’éducation de lajeunesse (AMEJ), M. Abdessamad Ait Aicha, ancien coordinateur du projetde formation du Centre Ibn Rochd, journaliste et membre de l’AMJI, M. RachidTarik et Mme Maria Moukrim, respectivement président et ancienneprésidente de l’AMJI, au motif que desconvocations n’auraient pas touché personnellement trois des sept prévenus[1]. Leprocès est désormais renvoyé au 24 mai 2017.

Pour rappel le procès s’est ouvert le 19 novembre 2015 devant la Cour depremière instance de Rabat. Cinq de ces sept défenseurs sont poursuivis pour« atteinte à la sécurité de l’État » en raison de leurs activités dedéfense des droits humains menées au sein de l'ADN, de l'AMJI, de l'AMEJ et duCentre Ibn Rochd d'études et de communication. Ils risquent entre un et cinqans d'emprisonnement, sur la base de l'article 206 du Code pénal marocain.Parmi ces défenseurs, certains sont notamment poursuivis pour avoir animé desformations portant sur l’utilisation de l’application « Story Maker »dispensées par le Centre Ibn Rochd et l’AMEJ - en partenariat avec l’ONGnéerlandaise « Free Press Unlimited ». Les deux autres défenseurs sont accusésd’avoir reçu un financement de l’étranger pour le compte de l'AMJI, sans enavoir notifié la réception au secrétariat général du gouvernement. Si lescharges sont confirmées, ils risquent une amende pouvant aller jusqu'à 10 000dirhams (environ 1,000 euros), sur la base de l'article 8 de la Loi de 1958réglementant le droit d'association.

Craignant que les sept défenseurs ne soient visés qu'en raison de leursactivités de défense des droits de l'Homme, l'Observatoire a mandaté MePierre-Philippe Boutron-Marmion, avocat au Barreau de Paris, pour observer ledéroulement de l'audience et rencontrer les différents acteurs de la procédure.Le procès a ainsi été reporté six foissur ce même motif alors que l’émission des convocations est à la discrétion duProcureur de la République. On notera que les délais entre chaque renvoi sefont à quatre mois alors que s’il s’agissait d’un simple problème deconvocation, un renvoi à quinzaine ou au mois serait largement suffisant etaurait permis la tenue d’un procès rapidement[2].

« Cettesituation n’est pas acceptable au titre des droits de la défense puisquel’audience de jugement est systématiquement reportée. Elle a pour conséquencedirecte de maintenir les sept prévenus sous la coupe de la justice sans leurlaisser la possibilité de s’exprimer sur les faits qu’on leur reproche au coursd’un débat public et contradictoire », a souligné Me Pierre-Philippe Boutron-Marmion.

Lesreports à répétition ont pour conséquence notamment d’entretenir toutes lesspéculations possibles sur des infractions qu’on tente d’imputer aux prévenuset ainsi influencer l’opinion public quant à la réalité des faits reprochés. Enviolation de toutes les règles en la matière, les prévenus sont donc privés deleur droit élémentaire à être jugé dans un délai raisonnable.

L’Observatoire,partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT),a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes deviolations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. LaFIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l'Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l'Homme mis en œuvre parla société civile internationale

[1] Ils’agit de MM. Hisham Almiraat, Hisham Mansouri et Abdessamad Ait Aicha.

[2] Le procès a étéreportée une première fois du 9 novembre 2015 au 27 janvier 2016, puis au 23mars 2016, au 29 juin 2016, au 26 octobre 2016 et au 25 janvier 2017.