République démocratique du Congo
19.01.12
Interventions urgentes

Absence d'enquête effective et rigoureuse suite à l'incendie suspect mené au domicile de M. Dismas Kitenge et poursuite de la campagne médiatique de diffamation à son encontre

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvelles informations

COD 001 / 0112 / OBS 002.1

Diffamation / Harcèlement / Impunité

République démocratique du Congo

19 janvier 2012

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L'Observatoire a été informé de sources fiables de l'absence d'enquête effective et rigoureuse suite à l'incendie suspect mené au domicile à Kisangani de M. Dismas Kitenge Senga, président du Groupe Lotus (GL) et vice-président de la FIDH, et de la poursuite de la campagne médiatique de diffamation à son encontre.

Selon les informations reçues, dans ses déclarations effectuées à la Radio télévision nationale congolaise (RTNC), station de Kisangani, le 5 janvier 2012 à 12h30 et 18h et diffusées à Kinshasa sur la radio TVS 1 le 6 janvier 2012, le maire de Kisangani, qui s'était rendu sur le lieu de l'incendie de la résidence de M. Dismas Kitenge, et alors que l’enquête judiciaire n'avait pas débuté et qu'aucun expert d'un service public ne s'était déplacé sur les lieux, a déclaré que l'origine de l'incendie était lié à un court-circuit électrique, excluant toute piste criminelle.

Depuis le 9 janvier 2012, le dossier de l’instruction de l’officier de police judiciaire et les rapports d’expertise requis ont été transmis au parquet de grande instance de Kisangani pour la poursuite des enquêtes. Cependant, la demande de levée copie formulée par les avocats de la famille de M. Dismas Kitenge et adressée au procureur général près la Cour d’appel de Kisangani pour le dossier n°036/PNC/CMKS/KD/2012 demeure jusque-là sans réponse. Le procureur refuse ainsi de répondre favorablement à cette requête en arguant qu'il ne pourra l'autoriser qu'après l'instruction au parquet en contradiction avec la loi, qui l'autorise à l'ordonner à n'importe quelle phase de l'instruction pré-juridictionnelle. Ainsi, jusqu’à ce jour aucune information n’est donnée à la famille de M. Dismas Kitenge ni aucun autre acte de procédure n’a été posé par le parquet de grande instance de Kisangani.

En outre, malgré les déclarations du ministre de la Justice et des droits humains intervenues le 7 janvier visant à garantir la protection des défenseurs des droits de l'Homme par le Gouvernement, M. Zacharie Bababaswe, journaliste à la RTNC et candidat membre de la majorité présidentielle à la députation nationale dans la ville de Kinshasa, dans son émission intitulée « Vert Vert Toleka » diffusée de 22h30 à 23h, le 7 janvier 2012, a diffamé M. Dismas Kitenge, le Groupe Lotus et la FIDH. Il a nié la qualité de défenseur des droits de l'homme à M. Dismas Kitenge et l’a assimilé « aux opposants politiques qui mijoteraient un complot contre le gouvernement et la nation congolaise ». Il a ajouté que « Dismas Kitenge et ses organisations précitées sont à la solde des puissances occultes qui nuisent aux intérêts de la RDC » et que ce dernier serait « en train de mener une campagne pour obtenir un statut de réfugié en Occident ».

L'Observatoire rappelle par ailleurs qu'en octobre 2005, M. Kitenge et sa famille avaient subi un autre incendie du même genre qui a conduit à la destruction d'une partie de ses biens. Cette attaque n'a jamais donné lieu à une enquête de la police ni du parquet et reste impunie à ce jour[1].

L’Observatoire craint que l'incendie suspect du 5 janvier 2012 ne soit lié aux activités de défense des droits de l'Homme de M. Kitenge et ne reste également impuni. Il appelle de nouveau les autorités congolaises à garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Kitenge et de sa famille, à donner une suite favorable à la demande de levée copie formulée par les avocats de la famille de M. Kitenge et à mener une enquête indépendante sur les faits décrits ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi congolaise et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme.

Rappel des faits :

Le 5 janvier 2012, aux environs de 6 heures du matin, un incendie s'est déclaré dans l'habitation où réside M. Kitenge et sa famille, alors que plusieurs d'entre eux étaient toujours endormis. Malgré l'alerte de la police et des autorités locales, un véhicule anti-incendie n'est arrivé sur les lieux que trois heures plus tard. Aucun des membres de la famille n'a été blessé. Cependant, l'ensemble de l'habitation et des biens a brûlé. Seul le maire de la ville de Kisangani s'est rendu sur place.

D'après les premiers constats de la famille, l'incendie aurait débuté par la porte à l'arrière de la maison, laissant penser à une piste de jet de feu ou une intrusion d'un tiers dans la maison, la porte ayant été trouvée entrouverte. M. Kitenge a porté plainte auprès de la police et du procureur de Kisangani. La police s'est déplacée sur les lieux pour établir un constat le jour même aux environs de midi mais seulement après que les avocats de la famille ont accepté de payer les frais de déplacement. Malgré les demandes formulées, aucun service d'expertise légale n'a été dépêché sur les lieux à ce jour.

Cet incendie intervient à la suite de déclarations publiques faites depuis décembre 2011 par M. Kitenge pour dénoncer des irrégularités électorales, la non-indépendance de la justice lors des contentieux électoraux, le manque de volonté des autorités congolaises à lutter contre l'impunité et à indemniser les victimes de violations graves des droits de l'Homme. Ces interventions avaient notamment donné lieu à des propos diffamatoires à l'encontre de M. Kitenge par un journaliste de la RTNC[2].

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Dismas Kitenge Senga et de sa famille et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en République démocratique du Congo ;

ii. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant aux faits décrits ci-dessus, afin d'identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Donner une suite favorable à la demande de levée copie formulée par les avocats de la famille de Dismas Kitenge ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l'encontre de MM. Dismas Kitenge Senga ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en République démocratique du Congo ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement

- son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

- son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres: a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D'étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu'en pratique, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d'appeler l'attention du public sur la question”.

- et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax +243 88 02 120

· M. Adolphe Lumanu Mulenda, Ministre de l'Intérieur et Sécurité, Email : adolumanu@yahoo.fr

· M. Luzolo Bambi, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521, Email : luzolobambi@yahoo.fr

· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

· S.E. M. Henri Mova Sakanyi, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, 30 Marie de Bourgogne, 1000 Bruxelles, Belgique. Email : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de RDC dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 19 janvier 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. rapport annuel 2005 de l’Observatoire.

[2] Cf. appel urgent de l'Observatoire COD 004/1211/OBS 137, diffusé le 8 décembre 2011.