Rwanda
13.12.14
Interventions urgentes

Harcèlement judiciaire subi par plusieurs membres de LIPRODHOR et poursuite de la détention arbitraire de M. Daniel Uwimana

Nouvellesinformations
RWA 001 /1114 / OBS 090.2
Détention arbitraire / Libération /
Harcèlement judiciaire /
Entraves à la liberté d'association
Rwanda
12 décembre 2014

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droitsde l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues desdroits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture(OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de touteurgence sur la situation suivante au Rwanda.

Nouvelles informations :

L'Observatoire a été informé du harcèlement judiciairesubi par plusieurs membres de la Ligue Rwandaise pour la Promotion et laDéfense des Droits de l'Homme (LIPRODHOR), à savoir MM. Jean FaustinKaribanyi, chef d’antenne de Huye, Jean Bosco Tuganumuremyi, chefd’antenne de Musanze, Innocent Maniriho, membre du conseild’administration légitime, Evariste Nsabayezu, vice-président du conseild'administration légitime, Daniel Uwimana, chef de l'antenne de Kayonza,André Bigirimana, chef de l'antennede Rusizi et Mme Goretti Uwitije, membre de la Liprodhor et membre dugroupe des animateurs volontaires des droits humains (AVDH) à la LIPRODHOR, etde la poursuite de la détention arbitraire de l'un d'eux, M. Daniel Uwimana.

Selon lesinformations reçues, le 9 décembre 2014, le Parquet du Tribunal de grande instance (TGI) de Nyarugenge a décidéde libérer M. André Bigirimana, chef de l'antenne de Rusizi. M. Daniel Uwimana restequant à lui détenu à la station de police de Nyamirambo.

MM. Daniel Uwimana et André Bigirimana avaient étéarrêtés respectivement les 21 et 24 novembre 2014. Ces deux défenseurs ainsique MM. Jean Faustin Karibanyi, Jean Bosco Tuganumuremyi, Innocent Maniriho,Evariste Nsabayezu et Mme Goretti Uwitije risquent des poursuites pour« faux et usage de faux » accusés d'avoir falsifié dessignatures en vue de convoquer la réunion de l'assemblée généraleextraordinaire de la Liprodhor le 23 novembre 2014.. A ce jour, l’enquête serait toujours en cours.

Le 8 décembre 2014, MM. Daniel Uwimana et André Bigirimana devaient comparaître devant le TGI de Nyarugenge. SeulM. Daniel Uwimana a pu comparaître ce jour la. En effet, M. André Bigirimanan'a pas reçu de convocation et son dossier n'aurait pas été transmis au juge.

Lors de l'audience les avocats de M. Daniel Uwimanaont demandé qu'une mise en liberté soit prononcé en faveur de leur client enl'absence de preuves à charge. Le juge doit se prononcer sur cette demanded'ici le 11 décembre à 16h.

Plusieurs autres membres notamment MM. Jean FaustinKaribanyi, Jean Bosco Tuganumuremyi, Innocent Maniriho et Mme Goretti Uwitijeseraient également menacés d’arrestation et recevraient des menacestéléphoniques d'anonymes et de policiers. Mme Uwitije aurait également été appelée à comparaîtrece lundi 8 décembre 2014, mais n'a pas pu se rendre au tribunal.

L’Observatoire dénonce vivement le harcèlement de MM.Uwimana Daniel, Nsabayezu Evariste, Bigirimana André, Karibanyi Jean Faustin,Maniraho Innocent et Mme Goretti Uwitije qui ne vise qu'à sanctionner leursactivités de défense des droits de l'Homme, et notamment leur implication dansl'organisation de l'Assemblée Générale de la LIPRODHOR prévue pour le 23novembre 2014. L'Observatoire appelle à mettre fin à toute forme de harcèlementcontre les représentants de la société civile indépendante au Rwanda, et à lalibération immédiate et inconditionnelle de M. Daniel Uwimana.

Rappel des faits :

Depuis la prise decontrôle illégitime et illégale de l'organisation en juillet 2013, les membreslégitimes du Conseil d’administration (CA) de la LIPRODHOR ont initié uneaction en justice afin de faire reconnaître la nullité des décisions priseslors d'une précédente Assemblée générale extraordinaire, convoquée illégalementle 21 juillet 2013, qui ont conduit à leur destitution et à l'élection d'unnouveau conseil d'administration « illégitime », reconnu trois jours plus tardpar le Rwanda Governance Board (RGB), l'institution publique supervisant lesorganisations non gouvernementales nationales. Le 8 août 2014, en pleinesvacances judiciaires et au terme de reports incessants constatés par unobservateur international mandaté par la FIDH et l'OMCT depuis mars 2014, lejuge du Tribunal de grande instance de Nyarugenge a rendu une décisioninattendue, dans laquelle il a estimé que l'action en justice intentée contreles membres du conseil d'administration « illégitime »de la LIPRODHOR étaitinfondée. Les avocats des membres « légitimes » de la LIPRODHOR ont fait appelde la décision du 8 août 2014. La mise en état en appel pour fixer l’audiencesur le fond qui était prévue le 6 novembre 2014 a été remise au 27 novembre2014 suite à l’absence des intimés. Aucun verdict en appel n'a à ce jour étérendu.

Suite à l'annonce de la convocation, par le tiers des membres« effectifs » de la LIPRODHOR, de la réunion de l'Assemblée Générale pourle 23 novembre 2014, et suite à l'envoi d'invitations à plus de 200 membres dela Liprodhor, les menaces contre plusieurs membres du Conseil d'administration« légitime » se sont accentuées. Ces actes d'intimidation, qui sesont matérialisé par des menaces téléphoniques ou des convocations policières,visent manifestement à intimider toute personne ayant été impliquée dans l'organisationde cette Assemblée Générale[1].

Le 21 novembre 2014, M. Daniel Uwimana a été arrêté à sondomicile, situé dans le secteur de Rugerero, district de Rubavu, province del'Ouest, par douze policiers et trois inspecteurs de police judiciaire.

Par ailleurs, M.Evariste Nsabayezu a également été arrêté le 21 novembre 2014 vers 16 heuresdans son bureau, situé à Nyamirambo, plus placé au cachot de Kicukiro. Le 24 novembre 2014 en fin d'après-midi, M. EvaristeNsabayezu a été libéré, après avoir été interrogé pour « faux et usages defaux en écriture ». Lors de son interrogatoire, M. Nsabayezu a égalementdû répondre de la légitimité de la réunion de l'Assemblée Générale du 23novembre 2014. Aucune charge n’aurait été retenue à son encontre, mais des enquêtesrestaient en cours.

Le 22 novembre, le Maire du District deNyarugenge/Ville de Kigali a publié un communiqué « A qui de droit »,interdisant l'Assemblée Générale qui devait se tenir le lendemain sur based’une lettre écrite par M. Aloys Munyangaju, membre du CA illégitime de laLiprodhor demandant l’annulation d’une réunion qu’il n’avait pas convoquée. Lejour de l'événement, plusieurs policiers se trouvaient dans la salle réservéepour l'occasion, afin de dissuader les participants.

Le 24 novembre 2014, M. André Bigirimana a été arrêtéau Bureau de l’Immigration du District de Rusizi puis transféré au CID(Criminal Investigation Department) à Kigali. Il a été détenu à la station depolice de Nyamirambo et aurait comparu le 3 décembre 2014 devant l’officier del’organe national chargé des poursuites.

Plusieurs autres membres de la LIPRODHOR ont égalementdu rentrer en clandestinité suite à des menaces et des visites suspectes à leurdomicile.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire auxautorités rwandaises en leur demandant de :

i. Garantir entoutes circonstances l'intégrité physique et psychologique de MM. DanielUwimana, Evariste Nsabayezu, André Bigirimana et de tous les défenseurs desdroits de l'Homme impliqués dans la préparation de l'Assemblée Générale de laLIPRODHOR du 23 novembre notamment MM. Kalibanyi Jean Faustin, ManirahoInnocent, Jean Bosco Tuganumuremyi et Mme Goretti Uwitije ;

ii. Libérer M.Daniel Uwimana de manière immédiate et inconditionnelle, en ce que sa détentionne vise qu'à sanctionner ses activités de défense des droits de l'Homme ;

iii. Mettreun terme à toute forme de harcèlement et d'entraves à l'encontre des membres« légitime » de la LIPRODHOR, ainsi que de tous les défenseurs desdroits de l’Homme au Rwanda ;

iv. Garantir de la tenue libre et indépendanted’une Assemblée Générale de la LIPRODHOR pour permettre à ses membres légitimesde gérer leur organisation ;

v. Se conformeraux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme,adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement :

- à son article 1 qui prévoit que« chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, depromouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et deslibertés fondamentales aux niveaux national et international »,

- à son article 5 b) et c) qui prévoit qu’«afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertésfondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avecd’autres, aux niveaux national et international, de se réunir et de serassembler pacifiquement et de former des organisations, associations ougroupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer » ;

- à son article 6(b), selon lequel« chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres,conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme etautres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autruiou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous lesdroits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales »,

- à son article 12.2 qui disposeque « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que lesautorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou enassociation avec d’autres, de toute violence, menace, représailles,discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans lecadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présenteDéclaration » ;

vi. Se conformeraux dispositions de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et lagouvernance, signée par le Rwanda, dont les articles 3(7) et 12(3) disposentrespectivement que les citoyens ont un droit de participation effective dansles affaires publiques et que l’État a le devoir de « créerles conditions légales propices à l’épanouissement des organisations de lasociété civile ».

vii. Plusgénéralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle desdroits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs auxdroits de l’Homme ratifiés par le Rwanda.

Adresses utiles :

  • M. Paul Kagame, Président de la République de Rwanda, Urugwiro Village, P.O. Box 15, Kigali, RWANDA
  • M. Anastase Murekezi, Premier Ministre, P.O Box 1334 Kigali , RWANDA, Email : webinfos@primature.gov.rw, Tel: + 250 252 586 902, Fax :+ 250 252 584 648
  • M. Sheik Mussa Harerimana, Ministre de la sécurité intérieure (MININTER), P.O. Box 446 Kigali, RWANDA, Email : info@mininter.gov.rw, Tel/Fax. + 250 252 58 78 81
  • M. Stephens Kanuuma Nuwagaba, Conseiller du Ministre de l’administration locale (MINALOC), Email : minister@minaloc.gov.rw, Tel:+250788478003
  • M. Johnston Busingye, Ministre de la justice (MINIJUST), P.O. Box 160 Kigali, RWANDA, Email : mjust@minijust.gov.rw, Tel: +250 252 586398, Fax : +250 252 586509
  • M. le Directeur Général de Rwanda Governance Board, PO BOX 6819, Kigali, RWANDA, Email : info@rgb.rw, Tel: + 250 255 112 023
  • Mme la Présidente de la Commission nationale des droits de l'Homme (CNDH), BP 269 Kigali, RWANDA, Email : cndh@rwanda1.com, Tel : + 250 5042 71, Fax : + 250 504 270
  • M. Eugène-Richard GASANA, Ambassadeur, Représentation Permanente de la République du Rwanda aux Nations Unies, 124 East 39th Street, New York, NY 10016, USA, Email :ergasana@minaffet.gov.rw, Tel : +1 212 679 9010/9023, Fax: +1 212 679 9133
  • M. Michel Ryan, Ambassadeur, Délégation de l'Union Européenne au Rwanda, S.E. M. L'Ambassadeur 1807 Umuganda Boulevard, Aurore Building, 515 Kacyru Kigali, RWANDA, Email : Delegation-rwanda@eeas.europa.eu, Tel: +250 252 58 57 38/39/40/41, Fax :+250 252 58 57 34/3


[1] Cf. Communiqué de presse de l'Observatoire du 21 novembre 2014.