Syrie
06.12.10
Interventions urgentes
Lettre ouverte conjointe: Syrie: Détérioration continue de la situation des droits de l'Homme
A l'attention de M. Nicolas SarkozyPrésident de la République FrançaisePalais de l'Elysée copie : M. Claude Guéant, secrétaire général et Jean-DavidLevitte, conseiller diplomatique Objet : Lettre ouverte Paris,le 6 décembre 2010 Monsieur le Président de laRépublique, Dans quelques jours vous recevrezvotre homologue syrien, le Président Bachar Al-Assad. Dans le cadre desentretiens que vous aurez avec lui, les organisations de défense des droits del’Homme signataires de cette lettre souhaitent attirer votre attention sur ladétérioration continue de la situation des droits de l’Homme en Syrie. La Fédération internationaledes ligues des droits de l'Homme (FIDH), l'Organisation mondiale contre latorture (OMCT), la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le Réseaueuro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH), HumanRights Watch, Amnesty International France et la Commission internationale desjuristes demeurent vivement préoccupés parles violations récurrentes des droits humains et les atteintes graves auxlibertés fondamentales enregistrées en Syrie. Nos organisations s'inquiètentparticulièrement de la répression subie par la société civile, de lapersécution continue des défenseurs des droits de l’homme, et de la main misedu pouvoir sur l'appareil judiciaire, qui bloquent toute perspective dedéveloppement de l'état de droit en Syrie. Le 23 juin 2010, la Courpénale de Damas a condamné Muhannad Al-Hassani, avocat et défenseur des droitsde l'Homme, président de l'Organisation syrienne des droits humains (Sawasiya),à trois ans d’emprisonnement. Il a été reconnu coupable d’ « atteinteau sentiment national » et de « diffusion de fausses nouvellespouvant affaiblir le moral de la nation » ; son pourvoi en cassationa été rejeté le 29 octobre dernier. Dernièrement, et ce quelques jours aprèsque lui ait été attribué le prix Martin Ennals pour son œuvre de défenseur desdroits de l'Homme, M. Al-Hassani a été agressé et battu dans sa cellule. Encoreplus récemment, le 26 novembre dernier, la Conférence des avocats du Barreau deParis a décerné la Médaille pour la défense des droits de l’Homme à M. Al -Hassani, alors que le Barreau d’Amsterdamlui avait accordé, quelques semaines avant, le Dean Award 2010. M.Haytham Al-Maleh, également avocat et militant des droits de l'Homme de renom,a quant à lui été arrêté le 14 octobre 2009, quelques jours seulement avant lasignature programmée de l'Accord d'association entre l'Union européenne et laSyrie. Le 4 juillet 2010, il a été condamné àtroisans d'emprisonnement par la deuxième Cour militaire de Damas, pour« diffusion de fausses informations susceptibles de porter atteinte aumoral de la nation ». Son pourvoi en cassation a été rejeté le 19 octobredernier. M. Al-Maleh, âgé de 80 ans et souffrant de différents problèmes desanté, s'est vu par ailleurs refuser l'accès aux soins médicaux appropriés,notamment l'accès à ses propres médicaments. Lesarticles du code pénal syrien sur lesquels sont basées les condamnations de MM.Al-Hassani et Al-Maleh, ainsi que les dispositions des autres lois d’urgence etd’exception en vigueur en Syrie, sont régulièrement utilisés par le pouvoirjudiciaire à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme. Nos organisationsont à de nombreuses reprises dénoncé l'instrumentalisation de la justicesyrienne à des fins politiques dans le but de faire taire la voix de la sociétécivile. Le 27 juillet 2010, la Hautereprésentante de l'Union européenne, Catherine Ashton, a « vigoureusementcondamné le fait que M. Haytham Al-Maleh et M. Muhannad Al-Hassani,deux avocats syriens, aient été condamnés sur la base de charges retenuescontre eux en violation de leurs droits fondamentaux et de leurs libertésfondamentales. » Le 9 septembre dernier, le Parlement européen« exprimait sa profonde inquiétude quant à la situation de M. HaythamAl-Maleh », et « exhortait [le gouvernement syrien] à libérerimmédiatement la totalité des prisonniers d'opinion, notamment MM. Muhannad Al-Hassani, Ali Al-Abdallah, Anouar Al-Bunni,Kamal Labwani ». M. Ali Al-Abdallah est membre du Conseil nationalde la Déclaration de Damas détenu depuis décembre 2007 et dont la Franceassurant alors la Présidence de l'Union européenne avait dénoncé lacondamnation, M. Anouar Al-Bunni est le dernier signatairede la Déclaration Beyrouth-Damas à être détenu et Dr. Kamal Labwani est le fondateurdu Rassemblement démocrate libéral détenu depuis 2005. MM. Abdulhafiz Abdul Rahman, membre du conseil d’administration duGroupe Kurde pour la défense des droits de l’homme MAF, MustaphaIsmail, un avocat qui s’occupe des droits de l’homme, Habib Saleh, écrivain etanalyste politique, demeurent, eux aussi, injustement emprisonnés. Monsieur le Président, vousavez joué et continuez de jouer un rôle central dans la reprise du dialogueavec les autorités syriennes, que ce soit au niveau bilatéral ou en tantqu'initiateur de l’Union pour la Méditerranée. Cette nouvelle rencontre avec lePrésident Al-Assad en est une nouvelle illustration. Ce dialogue avec lesautorités syriennes ne doit pas se faire au détriment des défenseurs des droitsde l’homme et autres représentants de la société civile qui œuvrent pour lapromotion et la consolidation des principes de l’Etat de droit et des droits del’Homme en Syrie. Nos organisations vous appellent à nouveau à cette occasion à« défendre les droits de l’Homme partout où ils sont méconnus oumenacés » comme vous vous y êtes engagé dans votre discours inaugural. Nos organisations vous demandenten particulier d’intervenir auprès du Président Bachar Al-Assad pour que MM.Muhannad Al-Hassani, Haytham Al-Maleh, Ali Al-Abdallah, Anouar Al-Bunni, ainsi que tous les autres défenseurs syriens des droits de l'Hommearbitrairement détenus ou emprisonnés, soient libérés. Votre intervention nous sembled'autant plus fondamentale que, d'après nos informations, cette visite sedéroulera le 9 décembre, Journée internationale des défenseurs des droits del'Homme, et qu'il serait ainsi choquant que la situation des défenseurs dans cepays ne soit pas évoquée avec votre homologue. Confiants de l'attention que vousvoudrez bien porter à notre requête, nous vous prions d'agréer, Monsieur lePrésident, l'expression de notre haute considération. Souhayr Belhassen,présidente de la FIDHGeneviève Garrigos,présidente d'Amnesty International FranceEric Sottas, secrétairegénéral de l'OMCTJean Pierre Dubois,président de la LDHKamel Jendoubi, président duREMDHJean-Marie Fardeau,directeur France de Human Rights WatchSaid Benarbia, conseillerjuridique de la Commission internationale des juristes