Israël et territoires palestiniens occupés
19.05.04
Interventions urgentes

Israël et le Territoire Palestinien Occupé: Israël entame la démolition de « centaines de maisons » à Rafah

OMCT/HIC-HLRN
Action urgente / Appel conjoint
Israël entame la démolition de « centaines de maisons » à Rafah :
Déjà 2 197 personnes sans abri en 15 jours, au moins 15 morts.

Cas : ISR–FE 190504.ESCR

Le Réseau pour les Droits à la Terre et au Logement de la Coalition Internationale pour l’Habitat (HIC-HLRN : Housing and Land Rights Network of Habitat International Coalition) et l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) demandent votre intervention URGENTE face à la situation en Palestine décrite ci-après.

Brève description
Dans sa déclaration du 17 mai 2004, le Secrétaire Général des Nations unies, Kofi Anan, a fait état de rapports d'agences onusiennes selon lesquels 2 197 personnes sont sans abri à la suite de la démolition de 191 maisons au cours des 15 premiers jours de mai seuls, le secteur le plus touché étant celui de Rafah. En dépit d’une vague de critiques à l’égard de cette politique de démolitions, même à l’intérieur d’Israël, le Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme, une association membre de HIC-HLRN qui a documenté systématiquement toutes les démolitions de maisons dans la Bande de Gaza, et surveillé l’évolution de la situation actuelle, a informé HIC-HLRN que le gouvernement israélien a exprimé son intention de détruire des centaines d’autres maisons à Rafah. Le ministre israélien de la Défense, Shaul Mofaz, a annoncé publiquement que l’« Opération Arc-en-ciel », nom donné à l’action militaire israélienne à Rafah, se poursuivra aussi longtemps que nécessaire. Selon Al Haq, une association membre des réseaux OMCT et HIC-HLRN, on estime que l’armée israélienne a démoli totalement ou en partie 100 maisons palestiniennes dans la Bande de Gaza entre le 10 et le 14 mai 2004, faisant de 1160 Palestiniens des sans abri. On mentionne également qu’au moins 30 Palestiniens ont trouvé la mort dans des attaques israéliennes au cours de cette période. Selon les informations communiquées par Al Haq, 15 Palestiniens ont été tués le 18 mai au matin, lorsque les forces israéliennes ont lancé une nouvelle attaque dans le cadre de l’opération militaire en cours. Selon le Palestinian Human Rights Monitor Group (PHRMG), au cours de la seule dernière semaine, les forces israéliennes ont tué 56 Palestiniens dont 14 enfants de moins de 18 ans. HIC-HLRN et OMCT pensent que ces actes constituent une forme de punition collective, strictement interdite par le droit international.

Le 14 mai 2004, 13 personnes dont les maisons avaient été détruites se sont pourvues en appel devant la Cour Suprême israélienne pour faire cesser les démolitions dans les camps de réfugiés situés au sud de Rafah et, le 18 mai, 45 autres ont adressé une pétition à cette même Cour contre la menace de démolition de leurs maisons. La Cour Suprême a rejeté ces demandes et, dans le même temps, levé une injonction temporaire demandant à l’armée de ne pas démolir de maisons. La Cour a estimé que l’armée était habilitée à procéder à des démolitions pour des raisons d’autodéfense, les forces israéliennes ayant affirmé que des attaques étaient lancées depuis ces maisons. Des dizaines de Palestiniens ont fui leurs maisons aussitôt après avoir appris le rejet de leurs requêtes, s’attendant à des démolitions.

Bien que l’armée ait précisé qu’elle n’avait pas de plans pour poursuivre les démolitions, excepté dans les cas de « nécessités opérationnelles », comme autorisées par la Cour Suprême, la politique très répandue des démolitions ne peut se justifier sur la base de nécessités militaires. Cela est également contredit par l’annonce faite par le gouvernement israélien de plans visant à détruire des centaines de maisons supplémentaires. L’ancien chef du commandement sud de l’armée israélienne à Gaza, le colonel Yom Tov Samya, a également déclaré que la politique israélienne de démolitions de maisons constitue une fin en soi, et non une conséquence indirecte de la recherche de tunnels ou de combattants de la résistance. En octobre 2003, il a déclaré : « Les Forces Israéliennes de Défense doivent abattre toutes les maisons le long d’une bande de 300 à 400 mètres [de large]. Peu importe l’accord futur auquel nous pourrions parvenir, ceci constituera la frontière avec l’Égypte. »

Le gouvernement israélien a affirmé à plusieurs reprises qu’il ne démolissait que des maisons abandonnées, dans lesquelles des combattants de la résistance se mettent à couvert pour lancer des attaques contre l’armée. En contradiction avec ces affirmations, Al Mezan a documenté, par exemple, un cas en janvier 2002, où les forces israéliennes ont démoli 58 maisons habitées à Rafah, alors que le ministre de la Défense a fait état de la démolition de seulement 20 maisons inhabitées. De même, le 14 mai 2004, Israël prétend avoir démoli 40 maisons inhabitées, alors que selon la documentation rassemblée par Al Mezan, l’armée a complètement démoli 76 maisons et partiellement 24 autres, occupées par un total de 740 personnes. Les forces israéliennes ont alors démoli une maison alors que ses occupants étaient à l’intérieur. Notons que les forces israéliennes procèdent actuellement à la construction d’un mur à la frontière entre l’Égypte et les Territoires Palestiniens Occupés, qui entraîne la saisie de centaines de mètres carrés de terres déclarées « zones de sécurité ».

Rappels
Entre le 29 septembre 2002 et le 15 mai 2004, selon Al Mezan, les forces israéliennes ont détruit 5 013 maisons dans la Bande de Gaza, rendant 38 215 habitants, dont 19.372 enfants, sans abri. A Rafah seulement, durant cette même période, l’armée israélienne a démoli 2 200 maisons, où logeaient 15 622 habitants dont 7 839 enfants. La destruction de centaines de maisons supplémentaires entraînerait une catastrophe humaine plus grave encore, alors que la population de Rafah est très élevée, avec une moyenne de sept membres par famille, sans parler des ménages étendus à plusieurs familles vivant sous le même toit et des conditions de vie désastreuses qui sont la conséquence économique de l’occupation israélienne, de ses mesures de bouclage et du chômage. Selon l’UNRWA, plus de la moitié de la main-d’œuvre est au chômage, et deux familles sur trois vivent sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, la destruction des maisons conduit à la misère la plus noire des milliers de familles déjà durement touchées par l’occupation israélienne.

Al Mezan et Al Haq rappellent que les récents événements dans la Bande de Gaza ne constituent pas une première : les autorités israéliennes ont déjà procédé à des démolitions massives de maisons palestiniennes. Un grand nombre de maisons ont été rasées à Rafah en octobre 2003, et des centaines de maisons ont été démolies à Jénine en avril 2002. Al Haq note également qu’entre l’été 1992 et avril 1993, les démolitions ayant eu lieu ont été de la destruction complète de 38 maisons par des missiles, à la démolition partielle de 47 maisons, en passant par des dégâts considérables à l’intérieur de 51 autres causés par des tirs. Les raisons données officiellement pour ces destructions sont en général sécuritaires, ou font état de constructions illégales. Cependant, en comparaison, la propension des forces israéliennes à démolir des habitations a connu une forte progression depuis le début de l’Intifada d’al-Aqsa en septembre 2000, et ce phénomène est devenu une politique organisée, avec des moyens qui vont de missiles lourds à des raids aériens de chasseurs F16 transportant des bombes d’une tonne.

L’histoire des démolitions de maisons arabes remonte à l’occupation de la Palestine en 1948, lorsque les forces israéliennes ont chassé de leurs villages des centaines de milliers de Palestiniens. Quelque 900 000 habitants de la Bande de Gaza descendent de cette communauté des réfugiés de 1948 et sont venus gonfler considérablement la population de cette région dont la densité est l’une des plus élevées au monde.

Les organisations internationales et de défense des droits de l’homme ont toutes condamné ces pratiques, mais aucune n’a engagé d’action suffisante pour mettre fin aux démolitions et protéger les civils et leurs biens. Des militants pacifistes des États-Unis et de l’Union Européenne ont tenté de former des boucliers humains face aux bulldozers israéliens, mais cela n’a abouti qu’à la mort de la militante américaine Rachel Corrie le 16 mars 2003, lorsqu’elle a été écrasée par un bulldozer de la compagnie Caterpillar, au meurtre du Britannique Thomas Hurndall le 13 février 2004, et à celui du photographe britannique James Miller, tombé sous les tirs de l’armée le 2 mai 2003 alors qu’il filmait un documentaire sur les souffrances des enfants dans le camp de réfugiés de Rafah. (Pour plus d’informations sur la responsabilité de la société Caterpillar et sur la campagne contre les ventes d’équipements Caterpillar à Israël, voir http://www.catdestroyshomes.org/.)

La législation internationale en matière de droits de l’Homme
Ces pratiques constituent une violation de la IVème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949), qui interdit la destruction de propriétés civiles, les punitions collectives et la prise pour cible de civils (articles 33, 53, 49 et 47). Les destructions de grande envergure et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires sont également considérées comme des infractions graves par l’article 147 de cette Convention.

Les pratiques dont il est fait état plus haut violent le droit des habitants de Rafah à un logement suffisant, à savoir le droit de chaque femme, homme et enfant à acquérir et conserver un lieu sûr dans lequel vivre dans la paix et la dignité. Les démolitions de maisons représentent une violation flagrante des droits de l’homme et des normes humanitaires internationales, en particulier des dispositions relatives à un logement suffisant, à la non-discrimination et aux nécessités militaires. Notons que les Forces israéliennes en général n’informent pas à l’avance les habitants des démolitions, et ne leur permettent pas, ni ne leur donnent la moindre chance, de sauver leurs affaires ou leurs meubles. À ce titre, l’armée israélienne viole en particulier le droit des peuples à la sécurité légale de l’occupation, à l’assurance de ne pas dépossédé, le droit à la participation au processus de décision et à la liberté d’expression, à la sécurité physique, et à une compensation adéquate pour les infractions et pertes subies. Tous ces éléments sont internationalement reconnus comme faisant partie du droit à un logement suffisant. Il faut noter ici qu’Israël est tenu, en vertu des traités dont il est signataire, à des obligations en matière de respect, défense, promotion et réalisation de ces droits, et ce dans un cadre d'autodétermination, de non-discrimination, d’égalité des sexes, d’autorité de la loi, de coopération internationale et de non-régressivité.

En particulier, les autorités israéliennes ont violé leurs obligations découlant du Pacte International des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), qu’Israël a ratifiée le 3 janvier 1992. L’État a négligé ses obligations telles qu’énoncées dans les Commentaires Généraux 4 et 7 du Comité des Nations Unies sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels, portant sur le logement suffisant et la protection contre les expulsions forcées. Israël a également été condamné, expressément, fin 2001, par la Commission d’enquête de la Convention contre la Torture (CCT), lorsque celle-ci a reconnu pour la première fois la démolition de maison comme constituant une forme de traitement et/ou de sanction cruels, inhumains et dégradants. Israël a ratifié la CCT le 2 novembre 1991. L’État hébreu viole de manière flagrante ses obligations découlant, inter alia, de la Convention Internationale sur l'Élimination de toutes les Formes de Discrimination Raciale (CEFDR), tant de manière générale que spécifiquement vis-à-vis de l’article 5(e)(iii). Israël a ratifié la CEFDR le 2 février 1979.

Il faut noter enfin que le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale de 1988 définit aussi bien la «déportation ou transfert forcé de population» (art. 7(1)(d) et 7(2)(d)) que la « destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire » comme des crimes de guerre (art. 8, 2.a (iv)).

Agissez
Ecrivez aux autorités israéliennes et aux institutions para-étatiques qui gèrent les colonies de peuplement en Palestine, afin de leur demander de mettre fin immédiatement à ces actions criminelles selon le droit international. Veuillez également écrire au Conseil de Sécurité des Nations unies et presser toutes les autorités internationales de condamner cette situation insupportable ET d’agir pour y mettre fin.


Autorités en Israël :
· Ariel Sharon
Prime Minister of Israel
3 Kaplan St.
P.O. Box 187, Kiryat Ben-Gurion
Jerusalem 91919
Tel: +972 (0)2 675-5555
Fax: +972 (0)2 651-2631
Website: http://www.pmo.gov.il
E-mail: pm_eng@pmo.gov.il
· Lt. Gen. Moshe Ya’alon
Chief of Staff
Tel: +972 (0)3 568–6601
Fax: +972 (0)3 569–6777
· Shaul Mofaz
Minister of Defense
Kaplan St., Hakirya
Tel-Aviv 61909
Tel: +972 (0)3 569-2010
Fax: +972 (0)3 691-6940
Website: http://www.mod.gov.il
E-mail: sar@mod.gov.il
· Menahem Mazuz
Attorney-General
Ministry of Justice
9 Salah al-Din Street
Jerusalem 91010
Fax: +972 (0)2 628-5438
E-mail: sar@justice.gov.il
· Menachem Fenklestein
Office of the Military Prosecutor
Tel: +972 (0)3 569–2911
Fax: +972 (0)3 568–4370
· Colonel Shmoi’ Zakail
IDF Commander in Southern Gaza
Fax: +972 (0)8 911-7466
· Sallai Meridor
Chairman of the Executive
World Zionist Organization/Jewish Agency for [the Land of] Israel
Fax: +972 (0)2 625–2352
E-mail: sallaim@jazo.org.il
· Josh Schwarcz,
Secretary General
The Jewish Agency for Israel
Fax: +972 (0)2 620–2303
E-mail: joshs@jazo.org.il
· Itzhak Elyashive
Director-General
Jewish National Fund/Keren Kayemeth Le Israel
Fax: + 972 (0)2 625-6941
E-mail: info@kkl.org.il
· L’ambassade israélienne, ou toute autre représentation officielle dans votre pays. Vous en trouverez la liste sur le site
http://www.mfa.gov.il/MFA/ASPX_DIR/BalmasOnBoardEN.htm

Autorités internationales :
· H.E. Kofi Annan
UN Secretary General
UN Headquarters
UN Plaza
New NY 10017
United States
E-mail: ecu@un.org, coi@un.org

· H.E. Munir Akram
President of the Security Council
Fax: +41 212 744-7348
E-mail: Pakistan@un.int
· Office of the President of the General Assembly
United Nations Headquarters
Conference Building
New York, NY 10017
United States
Tel: (212) 963-2486, -5067
Fax: (212) 963-3301, -3133
E-mail:presidentga58@un.org
· European Commission
E-mails: sg-registre@cec.eu.int; sg-plaintes@cec.eu.int; Futurum@cec.eu.int
· European Parliament:
E-mails: pcox@europarl.eu.int; foreign-press@europarl.eu.int
· Herr Elmar BROK
European Parliament
Committee on Foreign Affairs, Human Rights, Common Security and Defence Policy, Chairman
Bât. Altiero Spinelli, 10E130
60, rue Wiertz / Wiertzstraat 60
B-1047 Bruxelles/Brussel
Fax: +32 (0)2 284–9323
E-mail: ebrok@t-online.de
· European Court of Human Rights
Council of Europe
67075 Strasbourg-Cedex
Tel: +33 (0)3 88 41 20 18
Fax: +33 (0)3 88 41 27 30
· ICC - International Criminal Court
Maanweg, 174
2516 AB The Hague
The Netherlands
Tel: + 31 (0)70 515–8515
Fax: +31 (0)70 515–8555

Responsables de compagnies internationales en cause :
· James W. Owens, CEO
Caterpillar, Inc.
100 Northeast Adams Street
Peoria IL 61629
E-mail: owens_james_w@cat.com
· Benjamin S. Cordani
Head Spokesman, Media Representative for Social Responsibility
Caterpillar, Inc.
100 Northeast Adams Street
Peoria IL 61629
E-mail: cordani_benjamin_s@cat.com

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Genève - Le Caire, 19 mai 2004

Merci d’informer OMCT et HIC-HLRN de toute action entreprise, en faisant référence au code de cet appel dans votre message, à : omct@omct.org et urgentactions@hlrn.org.

Les appels conjoints d’OMCT et HIC-HLRN ont pour objet la protection du droit à un logement suffisant.

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