Tunisie
15.11.11
Interventions urgentes

Actes d'intimidation à l'encontre de Me Najet Laabidi

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

TUN 003 / 1111 / OBS 125

Actes d’intimidation

Tunisie

15 novembre 2011

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir sur la situation suivante en Tunisie.

Description de la situation:

L’Observatoire a été informé par des sources fiables des actes d’intimidation dont a été victime Me Najet Laabidi, avocate membre de l’organisation de défense des droits de l’Homme Liberté et équité, qui défend plusieurs victimes de torture dans le cadre de l’affaire dite de Baraket Essehel[1].

Selon les informations reçues, le 8 novembre 2011, Me Najet Laabidi a été violemment prise à partie par les proches de MM. Abdallah Kallel, ancien ministre de l’Intérieur, et Mohamed Ali Ganzouï, ancien patron de la sûreté nationale, qui l’on notamment insultée, et ce n’est que sous protection de la police militaire qu’elle a finalement pu quitter le tribunal.

Précédemment, Me Laabidi avait été informée du fait que les familles des accusés avaient contacté les plaignants afin de les inciter à retirer leurs plaintes dans le cadre de l’affaire de Baraket Essehel.

Selon les informations reçues, le juge d’instruction chargé du dossier aurait également reçu des menaces.

L'Observatoire dénonce fermement ces actes d'intimidation à l’encontre de Me Najet Laabidi, en ce qu’ils ne semblent viser qu’à l'inciter à mettre un terme à ses activités de défense de victimes de violations graves des droits de l'Homme, et appelle le nouveau Gouvernement tunisien à protéger les défenseurs des droits de l'Homme en Tunisie, conformément aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tunisiennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Me Najet Laabidi, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l'Homme tunisiens ;

ii. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant aux faits décrits ci-dessus, afin d'identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de Me Najet Laabidi et de l'ensemble des défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

- à son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » ;

- à son article 12.2 qui prévoit que « l'État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Adresses

· M. Fouad Mebazza, Président, Palais présidentiel, Tunis, Tunisie. Fax : + 216 71 744 721

· M. Caïd Beji Essebsi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 565 400

· M. Habib Essid, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : + 216 71 340 888 ; Email : mint@ministeres.tn

· M. Mouldi Kéfi, Ministère des Affaires Etrangères, Avenue de la Ligue des Etats arabes, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 783 858 , mae@ministeres.tn

· M. Lazhar Karoui Chebbi, Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn

· M. Monsef Baadi, Ambassadeur de la Tunisie devant les Nations Unies à Genève, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int

· Ambassade de la Tunisie à Bruxelles, 278 avenue de Tervueren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, Belgique, Fax : + 32 2 771 94 33 ; Email : amb.detenusie@brutele.be

***

Genève-Paris, le 15 novembre 2011

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80


[1] Me Labbidi est saisie de 13 dossiers concernant cette affaire, qui remonte à l’année 1991, orchestrée par l’ancien Président Ben Ali pour délester l’armée tunisienne de nombreux éléments (244 militaires), arrêtés et accusés de préparer un coup d’état contre le président Ben Ali. Les plaintes déposées concernent l’ancien Président Ben Ali, M. Abdallah Kallel, ancien ministre de l’Intérieur, M. Mohamed Ali Ganzouï, ancien patron de la sûreté nationale, ainsi que MM. Mohamed Seriati et Azzedine Jenayah, et ceci pour crimes d’abus de pouvoir, de torture engendrant un handicap de l’ordre de 20%, menaces de mort et atteinte à la liberté individuelle. Me Labbidi dénonce la lenteur de la procédure, et accuse le gouvernement et particulièrement le ministère de la Défense ; elle recommande l’exécution des décisions juridiques rendues en faveur des victimes, qui sont restées inappliquées jusqu’à aujourd’hui, à savoir l’amnistie générale, et la compensation des droits violés. La prochaine audience a été fixée au 23 novembre 2011.