08.03.05
Interventions urgentes

Journée Internationale de la Femme

Journée Internationale de la Femme
8 mars 2005

A l’occasion du 8 mars, Journée internationale de la Femme, l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) exprime son inquiétude face à l’ampleur de la violence contre les femmes dans le monde. Malgré les quelques signes encourageants de progrès en terme de lutte contre la violence à l’encontre des femmes (adoption de mesures législatives et de politiques en la matière), au sein de chaque société dans le monde, des femmes et des filles continuent de souffrir de formes de violence sexo-spécifique perpétrées dans l’impunité tant au sein de la famille, de la communauté que par l’Etat.

L’OMCT qui constitue aujourd’hui le plus large réseau d’ONG de lutte contre les exécutions sommaires, les disparitions forcées et toutes autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants, constate que le genre joue un rôle majeur sur le type de torture subi, les circonstances dans lesquelles la torture se produit, ses conséquences et la disponibilité et accessibilité des recours. L’interdiction de la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants à l’égard des femmes est une norme péremptoire de droit international (jus cogens). A ce titre, elle ne peut être suspendue sous aucune circonstance, y compris en période de conflits armés – qu’ils soient internationaux ou nationaux - ou en situation d’urgence publique ou toute autre raison liée à la sécurité nationale. Cependant, de par le fait même que les définitions internationales de la torture ont été étroitement interprétées, les femmes se voient dénier une protection égale contre ce fléau tant d’un point de vue du droit international que national, avec pour conséquence une impunité étendue pour ses auteurs.

La torture et les mauvais traitements à l’égard des femmes sont souvent de nature sexuelle. En 2004, l’OMCT a diffusé plusieurs appels urgents dénonçant des viols ou autres formes de violences sexuelles contre des femmes et des filles au Bangladesh, en Colombie, en Grèce, au Sri Lanka, au Népal et au Soudan. Dans aucun des cas documentés, les auteurs n’ont été sanctionnés. Dans la plupart de ces mêmes cas, les auteurs n’ont même pas été arrêtés et dans plusieurs d’entre eux, aucune enquête n’a été ouverte. L’OMCT note également que nombreuses victimes de torture sexuelle renoncent à porter plainte par peur et par honte. Dans certaines sociétés, les victimes de violences sexuelles sont menacées d’expulsion de leur foyer ou de leur communauté, risquent d’être assassinées ou sujettes à d’autres violences par les membres de leur famille ou communauté, ou encore sont forcées au mariage. Dans d’autres pays, les femmes victimes de viol peuvent courir le risque d’être accusées et punies d’adultère ou de fornication.

Ainsi, au Soudan, Mme Razaz Abekar, 22 ans, a été condamnée à 100 coups de fouets pour adultère le 13 mars 2004. Toutefois, l’homme qui était accusé d’avoir eu un rapport sexuel avec elle a été acquitté par la même cour pour manque de preuve. Ce cas se fondait sur le fait que Mme Razaz avait donné naissance il y trois ans à un enfant né hors mariage. Un officier de police a rapporté le cas à l’attention du procureur le 13 mars 2004. Le jour même, le procureur a interrogé Mme Razaz : elle lui a déclaré avoir été violée par cet homme et qu’il lui avait promis le mariage. Le 13 mars 2004, Mme Razaz a été déclarée coupable par la cour et condamnée à 100 coups de fouet : la sentence a été immédiatement appliquée, sans aucune possibilité d’assistance légale ou d’appel.

L’OMCT observe que les peines telles que la flagellation et la lapidation, particulièrement par des cours religieuses et ad hoc, qui sont incontestablement en violation avec les standards internationaux interdisant la torture et autres peines ou traitements cruel, inhumains ou dégradants, sont appliquées de manière disproportionnées aux femmes, et ce principalement en raison des lois qui criminalisent l’adultère et les relations sexuelles hors mariage. En outre, des éléments liés à la preuve qui prévoient que la grossesse constitue une « preuve » irréfutable d’adultère, ou qui donnent moins de poids au témoignage de la femme, renforcent la discrimination basée sur le genre dans l’administration de la justice.

Alors que les femmes sont victimes de formes de violence sexo-spécifiques de la part des agents de l’Etat, une grande part de la violence qui les affecte se déroule dans la sphère privée et communautaire : violence domestique, viol marital, traite, viol, violence au nom de l’honneur, et mutilations génitales féminines. En 2004, l’OMCT a diffusé 7 appels urgents concernant des crimes commis à l’égard des femmes au nom de l’honneur, particulièrement au Pakistan. Toutefois, dans d’autres parties du monde également, les auteurs de crimes d’honneur à l’égard des femmes sont souvent impunis, reçoivent des peines réduites ou sont exemptés de poursuite au nom même de l’« honneur ». Des préjugés sociaux et culturels profondément enracinés sous-tendent la défense de l’« honneur », qui est acceptée comme une forme d’exonération ou de circonstances atténuantes.

L’OMCT souhaite insister sur le fait que toutes les formes de violence contre les femmes sont des violations des droits de l’homme et devraient par conséquent être traitées dans le cadre d’une approche basée sur les droits de l’homme, qui impose ainsi à l’Etat une obligation en droit international d’exercer la diligence due pour la prévention et l’investigation de la violence; la poursuite et la sanction des auteurs ainsi que l’accès aux recours et à réparation de la victime.

Pour de plus amples information sur le programme Violence contre les Femmes de l’OMCT, veuillez contacter Carin Benninger-Budel à cbb@omct.org ou Alexandra Kossin à ak@omct.org