Bangladesh
26.08.13
Interventions urgentes

La loi amendée sur l'information et les technologies de communication risque de réduire encore davantage les défenseurs des droits de l'Homme au silence !

Genève-Paris, le 26 août 2013.L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la Fédérationinternationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), dans le cadre del'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme,appellent le Président du Bangladesh à ne pas promulguer la Loi amendée surl'information et les technologies de communication de 2013, en ce que celle-cirisque de mener à de nouvelles arrestations et à de nouveaux actes deharcèlement contre des défenseurs des droits de l'Homme.

Le 19 août 2013, le Conseildes ministres du Bangladesh, présidé par la Première Ministre Sheikh Hasina, aadopté à la hâte puis approuvé le projet d'amendement à la Loi surl'information et les technologies de communication de 2013(ICT (Amendment Act), 2013), bien qu'une session parlementaire soitprévue en septembre 2013[1].

Si ce nouveau textevenait à entrer en vigueur, le peine la plus lourde pour les délits prévus parla loi passerait de 10 ans à 14 ans. De plus, les délits ne seraient plussusceptibles de faire l'objet d'une libération sous caution. En outre, alorsque la loi actuelle, datant de 2006, contient des clauses rendant impossibletoute enquête policière et toute arrestation sans autorisation préalable de lapart d'une autorité compétente ou d'un tribunal, la loi révisée rendrait unetelle procédure possible pour certains délits. Par conséquent, la forcepublique aurait le pouvoir d'arrêter quiconque est accusé de violer la loi sansmandat d'arrêt, en invoquant le chapitre 54 du Code de procédure pénale.

L'Observatoire est d'autantplus préoccupé que ces amendements ont été adoptés dans le contexte del'arrestation, le 10 août 2013, de M. Adilur Rahman Khan, Secrétaire del'organisation non-gouvernementale de défense des droits de l'Homme Odhikar etmembre de l'Assemblée générale de l'OMCT, sur la base du chapitre 57 de la Loide 2006, pour “publication de fausses images et informations” et “troubles àl'ordre public et législatif dans le pays”. M. Khan a été arrêté en lien avecun rapport d'enquête publié par Odhikar concernant l'assassinat de 61 personnesau cours d'une opération menée les 5 et 6 mai 2013 par les forces de sécuritécontre des militants du Hefazat-e Islam dans le quartier de Motijheel, aucentre de Dacca. A la date du 26 août 2013, M. Khan restait détenu à la prisonn° 1 de Kashimpur, dans la banlieue de Dacca, où il a été transféré le 13 août2013.

La nouvelle loi semble cibler de manière spécifique le défenseurdes droits de l'Homme Adil Rahman Khan et les autres membres d'Odhikar”, a affirmé GeraldStaberock, Secrétaire Général de l'OMCT. “Il n'y a aucune raison justifiantla révision d'une loi déjà douteuse en y ajoutant des clauses rendant toutlibération sous caution impossible, qui plus est par le biais de ce quis'apparente à une procédure d'urgence”, a-t-il ajouté.

Nous appelons le Président du Bangladesh à ne pas promulguer la Loiamendée sur l'information et les technologies de communication, en ce qu'elle risque de mener à de nouvelles arrestations et à denouveaux actes de harcèlement contre des défenseurs des droits de l'Homme, cequi aurait pour conséquence de réduire encore davantage le champ d'action de lasociété civile dans le pays”, a affirmé Karim Lahidji, Président de laFIDH.

L’Observatoireréitère sa plus grande préoccupation face à la détention arbitraire de M.Adilur Rahkan Khan, qui ne semble viser qu'à sanctionner ses activitéspacifiques de défense des droits de l'Homme, et appelle les autorités duBangladesh à garantir en toutes circonstances son intégrité physique etpsychologique et à le libérer de manière immédiate et inconditionnelle.

L’Observatoireconsidère également qu'au lieu de poursuivre les défenseurs des droits del'Homme critiquant les forces de sécurité, les autorités devraient de touteurgence s'acquitter de leurs responsabilités en nommant une mission d'enquêtejudiciaire indépendante à propos des assassinats qui auraient été perpétrésdans le cadre de l'opération menée les 5 et 6 mai 2013 au cours de lamanifestation du Hefazat-e Islam à Motijheel.

L'Observatoire appelle plus généralement lesautorités du Bangladesh à mettre un terme à toute forme de harcèlement àl'encontre de tous les défenseurs des droits de l'Homme au Bangladesh, à seconformer aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseursdes droits de l’Homme, et à garantir en toutes circonstances le respect desdroits de l'Homme et des libertés fondamentales conformément aux normesinternationales et aux instruments internationaux de protection des droits del'Homme ratifiés par le Bangladesh.


[1] L'article 93 de la Constitution stipule qu'un texte de loi peut êtrepromulgué en tant qu'ordonnance par le Président du Bangladesh lorsque le“Parlement (...) n'est pas en session”, et “lorsqu'une action immédiate estrequise”. L'article 93 précise qu'une ordonnance doit dans tous les cas “passerdevant le Parlement à l'occasion de sa première session qui suit l'acte depromulgation”.