Cameroun
03.02.14
Interventions urgentes

Un climat homophobe entretenu par l'inaction de l’État - Les défenseurs des droits des personnes LGBTI doivent être soutenus et protégés

Conclusions préliminaires d'une missiond’enquête

sur la situation des défenseurs desdroits des personnes LGBTI

Paris- Genève, le 3 février 2014. L’Observatoirepour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint dela FIDH et de l’OMCT, présente les conclusions préliminaires de la missionqu’il a réalisée au Cameroun du 7 au 16 janvier 2014, afin d’enquêter sur lasituation des défenseurs des droits humains des personnes lesbiennes, gays,bisexuelles, transgenres et intersexuelles (LGBTI).

Lestémoignages et analyses recueillis au cours de la mission ont révélé unenvironnement marqué par la précarité et les actes d'intimidation visant lesdéfenseurs du droit à la santé et des droits humains des personnes LGBTI, dansle contexte de la pénalisation de l'homosexualité. Les chargés de mission ont notammentpu rencontrer des membres d'organisations de défense des droits de l’Homme, despersonnes LGBTI, des journalistes, avocats, des acteurs de la santé sexuelle,des représentants des Églises, des autorités et institutions nationales et desmissions diplomatiques.

Àce jour, le Cameroun se distingue comme le pays comptant le plus de personnespoursuivies, condamnées et emprisonnées pour « relations sexuellesconsenties entre personnes du même sexe » (article 347 bis du Code pénal).En dépit du moratoire promis par le Président Biya sur les arrestationseffectuées fondées sur l'article 347bis du Code Pénal, au moins 15 personnes(hommes et femmes) seraient à ce jour détenues dans les prisons camerounaisesen raison de leur orientation sexuelle réelle ou imputée.

Entre2012 et 2013, plusieurs défenseurs ont subi des persécutions ciblées,manifestement motivées par leur soutien aux personnes LGBTI. Or, selon lesmembres de la mission, « Les autorités camerounaises ne donnentaucun signe concret de leur volonté de faire cesser ces persécutions. D'aprèsles informations recueillies, aucun auteur de chantages et extorsions n'ajamais été arrêté ni inquiété, les plaintes déposées par les défenseurs sonttoutes restées sans suite. Ce qui est d'autant plus préoccupantque des agents de la force publique seraient impliqués dans plusieurs de cesaffaires ».

Concernantplus particulièrement l'enquête sur la mort d'Éric Ohena Lembembe,directeur exécutif de la Fondation camerounaise de lutte contre le sida(CAMFAIDS) et journaliste engagé dans la défense des droits des personnesLGBTI, la mission a trouvé que le seul acte de procédure engagé par le juged'instruction à ce jour est une « citationà témoin... pour être inculpé et interrogé sur les faits de vol aggravé mis àsa charge » signifiée par huissier le 17 octobre 2013 à six personnesproches de la victime. « L'inertie des autorités camerounaisesencourage le sentiment d'impunité des auteurs des crimes et persécutions subispar les personnes LGBTI, et alimente la stigmatisation et la discrimination àl'encontre de ces personnes et des défenseurs de leurs droits »,ont déclaré les membres de la mission.

Ace contexte répressif s'ajoute le fait que les institutions chargées degarantir le respect des droits des citoyens manquent d'indépendance ou demoyens. En particulier, la Commission nationale des droits de l'Homme et deslibertés (CNDHL) ne dispose ni des pouvoirs ni de l'indépendance nécessairespour protéger les citoyens camerounais et, en particulier, les citoyens lesplus vulnérables, dont les personnes LGBTI. Par ailleurs, le système del'assistance juridictionnelle est inopérant, ce dont il résulte que lescitoyens les plus vulnérables n'ont, de fait, accès ni à la justice ni à un procèséquitable. Cette situation est d'autant plus grave pour les personnessuspectées d'homosexualité que seulement trois à quatre avocats acceptent deles représenter devant les autorités policières et judiciaires, augmentantainsi la stigmatisation dont sont victimes ces avocats.

« Dansce contexte, les défenseurs des personnes LGBTI travaillent dans un climatd'inquiétude et de précarité lié au manque de soutien institutionnel durable enfaveur des organisations identitaires. Cette précarité conduit les organisationsà se « cacher » derrière les activités de lutte contre le VIH enfaveur des populations les plus exposées ciblées par le Plan StratégiqueNational de lutte contre le VIH/SIDA », déplorent les membres de lamission.

L’Observatoirepubliera dans les mois à venir un rapport de mission complet sur la situationdes défenseurs des droits des personnes LGBTI au Cameroun qui adresseraégalement des recommandations spécifiques aux autorités nationales, aux acteursnon-étatiques, aux organisations internationales, aux chancelleries et auxmécanismes de protection des droits de l'Homme nationaux, régionaux etinternationaux.