Algérie
04.09.08
Interventions urgentes

Suivi du cas DZA 170807_M. Mohamed Rahmouni n'a toujours pas eu accès à son avocat

DZA 170807.5
Suivi des cas DZA 170807, DZA 170807.1, DZA 170807.2, DZA 170807.3 et DZA 170807.4

Mauvais traitements/ Violations des droits procéduraux/ Détention arbitraire/ Crainte pour l’intégrité physique et psychologique

Genève, le 4 septembre 2008

Le Secrétariat international de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a reçu de nouvelles informations concernant la situation suivante en Algérie.

Nouvelles informations

Le Secrétariat international de l’OMCT a été informé par une source fiable et par Antenna International, membre du réseau SOS-Torture de l’OMCT, que M. Mohamed Rahmouni n’a toujours pas eu accès à son avocat.

Selon les informations reçues, le 27 août 2008, l’avocat de M. Rhamouni, Me Sidhoum, s’est rendu pour la 4ème fois à la prison militaire de Blida pour rendre visite à son client. Contrairement aux fois précédentes, le Président du tribunal militaire avait laissé une note à l’attention de Me Sidhoum lui refusant catégoriquement de voir son client et énonçant les chefs d’inculpation pesant contre ce dernier.

Selon les informations, M. Mohamed Rahmouni est inculpé, en particulier « de complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité du commandant militaire […] » (article 284 du Code de justice militaire) et est passible de la peine de mort. Il serait accusé d’avoir participé aux attentats des 11 avril et 11 juillet 2007. Me Sidhoum n’ayant toujours pas pu accéder au dossier de M. Mohamed Rahmouni, les bases sur lesquelles sont fondées ces allégations sont inconnues. Le président du tribunal militaire fonde son interdiction sur l’article 18 du Code de justice militaire qui dispose : « […] Toutefois, dans les affaires relatives aux infractions spéciales […], le défenseur choisi par l’inculpé ne peut assister, défendre ou représenter ce dernier, tant au cours de l’instruction qu’à l’audience, que s’il y a été autorisé par le Président du tribunal militaire permanent saisi ; dans le cas contraire, le défenseur est désigné par le président ».

En dépit de cette disposition légale, le Président du tribunal n’aurait pas motivé son refus. Il n’aurait, de plus, pas informé qu’un avocat, autre que Me Sidhoum, commis d’office ou non, assistera M. Mohamed Rahmouni.

Le Secrétariat international de l’OMCT continue d’exprimer sa plus vive inquiétude quant à l’intégrité physique et psychologique de M. Mohamed Rahmouni. L’OMCT rappelle que l’Algérie est partie à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui prohibe la torture et les mauvais traitements. L’OMCT est également préoccupée par sa détention dans une prison militaire et par les violations continues de ses droits procéduraux. L’OMCT prie les autorités algériennes de garantir en toutes circonstances la liberté de leurs ressortissants, en se conformant à l’article 9.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Algérie est partie, qui stipule que « nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire » et rappelle que le procès de civils par un tribunal militaire va à l’encontre des normes de droit international en termes de procès équitable. L’OMCT demande la libération immédiate M. Mohamed Rahmouni en l’absence de charges valables ou, le cas échéant, de le traduire devant un tribunal civil, impartial et compétent tout en garantissant ses droits procéduraux en tout temps.

Rappel des faits

Selon les informations reçues, le matin du 18 juillet 2007, M. Mohamed Rahmouni, attendait le bus de 7h30 à Bourouba (Alger) pour se rendre au travail lorsqu’il a été arrêté par trois agents des forces de l’ordre. Ces derniers ont interpellé la victime par son surnom de Samir. Ils ont ensuite présenté leurs papiers officiels et ont ordonné à M. Mohamed Rahmouni de les suivre. Six jours plus tard, le 24 juillet 2007, quatre agents civils et armés ont procédé à une perquisition sans mandat au domicile de la famille des Rahmouni. Selon les informations, les mêmes agents sont revenus le 29 juillet 2007 en exigeant du frère et du cousin de M. Mohamed Rahmouni, Ali et Fatah, qu’ils écrivent une déclaration stipulant que les agents auraient trouvé les clefs d’une Mercedes et d’un camion de marque JAC lors de la perquisition, alors que la famille ne possède aucun de ces deux véhicules. Ils ont obtempéré à la demande, mais auraient précisé qu’il s’agissait d’une demande de la police.

La mère de M. Mohamed Rahmouni a décidé de porter plainte auprès du Procureur général du tribunal d’Hussein Dey, mais celui-ci l’aurait invité à s’adresser au commissariat de Bourouba, où l’officier de police aurait refusé d’enregistrer la plainte, décrétant que M. Mohamed Rahmouni était au maquis.

Elle n’a cessé de déposer des recours et d’effectuer des démarches auprès des institutions, toutefois sans succès. Après avoir subi des pressions par la police en août 2007[1], le commissariat de Bourouba lui aurait annoncé que son fils se trouvait à la prison de Blida située à 50 km d’Alger, ce qui s’est révélé être faux par la suite. En novembre 2007, le procureur du tribunal d’Hussein Dey lui aurait certifié qu’il était détenu à la prison de Serkadji. Se rendant sur place accompagnée de son avocat, il s’est avéré que M. Mohamed Rahmouni n’y était pas non plus.

Le 26 janvier 2008, la mère de M. Mohamed Rahmouni s’est rendue pour la énième fois au commissariat de Bourouba. L’officier de police, qui lui avait à une autre occasion dit que son fils se trouvait à la prison de Blida, lui aurait à nouveau soutenu que son fils s’y trouvait. La mère de M. Mohamed Rahmouni s’y est alors rendue et les gardiens auraient finalement reconnu que M. Mohamed Rahmouni y était détenu. Toutefois, la mère de M. Rahmouni n’aurait pas pu lui rendre visite. On lui aurait dit qu’elle ne pourrait lui rendre visite qu’au terme de l’instruction mais qu’elle pouvait désormais lui apporter de la nourriture ainsi que des vêtements et qu’un avocat pourrait se rendre auprès de son fils. Toutefois, aucune information concernant l’état de santé, ni le chef d’inculpation à l’encontre de M. Mohamed Rahmouni n’était disponible.

Selon les informations reçues, le 20 mai 2008, la mère de M. Mohamed Rahmouni a pu rendre sa première visite à son fils, sous surveillance des gardiens, et ce, cinq mois après sa localisation à la prison militaire de Blida. Après avoir été prévenue par les autorités militaires qu’elle ne pouvait pas revenir avant un mois, alors qu’un panneau à l’entrée du bâtiment mentionnerait que les visites aux prisonniers ont lieu tous les 15 jours, Mme. Rahmouni est retournée à la prison le 20 juin 2008. Elle aurait alors retrouvé son fils dans un mauvais état. Selon les informations, M. Mohamed Rahmouni était entouré de gardiens, visiblement maltraité, fatigué et en pleurs, blessé à la main et au visage.

Par ailleurs, selon les mêmes informations reçues, M. Mohamed Rahmouni n’aurait, depuis son arrestation le 18 juillet 2007, toujours pas eu accès à un avocat. Bien que sa mère ait fait appel à un avocat, Me. Sidhoum, en mars 2008, suite aux difficultés rencontrées pour rendre visite à son fils, celui-ci n’aurait toujours pas été autorisé à s’entretenir avec M. Mohamed Rahmouni. La raison invoquée, à l’occasion de sa dernière tentative le 24 juin 2008, serait l’absence du Président du tribunal militaire pour signer le permis de visite, ainsi que la sensibilité de l’affaire en question.

Actions requises

Merci d’écrire aux autorités de l’Algérie, afin de leur demander de:

1. Garantir la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de M. Mohamed Rahmouni, mettant à sa disposition des soins médicaux appropriés si nécessaire, ainsi que garantir la sécurité de sa famille;

2. Garantir l’accès immédiat et inconditionnel à sa famille ainsi qu’à son avocat;

3. Ordonner la libération immédiate de M. Mohamed Rahmouni en l’absence de charges légales valables ou, le cas échéant, le traduire devant un tribunal civil, impartial et compétent tout en garantissant ses droits procéduraux en tout temps;

4. Garantir une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur ces évènements, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;

5. Garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales à travers le pays selon les lois nationales et les instruments internationaux des droits de l’homme.

Adresses

  • M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République, El Mouradia-BP Alger Gare, Fax 00213 21 69 15 95, E-mail: President@el-mouradia.dz
  • M. Tayeb Belaiz, Ministre de la Justice, Ministère de la Justice, 8 Place Bir-Hakem El-Biar, Alger, Algérie, Fax 00 213 21 92 17 01/ 29 56, E-mail: info@mjustice.dz
  • S.E. Idriss Jazaïry, Ambassadeur, Représentant permanent de l'Algérie auprès de l’ONU à Genève, Route de Lausanne 308, CH-1293, Bellevue, Suisse, E-mail: mission.algerie@mission-algerie.ch, Fax: +4122 / 774.30.49
  • Ambassade de l’Algérie auprès du Royaume de Belgique, Avenue Molière 207, 1050 Bruxelles, Fax : 0032 343 51 68, E-mail: info@algerian-embassy.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de l’Algérie dans vos pays respectifs.

Genève, le 4 septembre 2008

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel (DZA 170807.5) dans votre réponse.

[1] Selon les informations, deux officiers de police du commissariat de Bourouba à Alger se seraient présentés au domicile de la famille le 18 août 2007 afin de parler au père de M. Mohamed Rahmouni. N’ayant pas trouvé ce dernier, ils auraient embarqué le frère de M. Mohamed Rahmouni, Ali. Celui-ci aurait été relâché une fois les parents arrivés au commissariat. Les officiers auraient ensuite emmené Mme Rahmouni dans un bureau pour l’interroger sur son fils ainsi que sur les démarches entreprises. Les policiers lui auraient ensuite fait croire qu’elle pourrait parler avec son fils. Au lieu de son fils, elle aurait parlé avec une personne prétendant être journaliste d’un quotidien algérien. Celui-ci lui aurait posé les mêmes questions que les officiers. Ces manoeuvres se seraient soldés par la signature d’un procès verbal sans que Mme Rahmouni ne pense à le lire. Les policiers l’auraient ensuite congédié et lui auraient dit d’attendre le retour de son fils tranquillement chez elle et de ne plus bouger.