Mexique
01.12.06
Interventions urgentes

Usage excessif de la force par la police à Oaxaca: Morts, détentions arbitraires, mauvais traitements

MEX 011206 / MEX 011206.VCF
VIOLENCE CONTRE LES FEMMES
Emploi excessif de la force policière/ Morts/ Détentions arbitraires et/ou disparitions/ Mauvais-traitements/ Peur pour intégrité personnelle

Genève, le 1er décembre 2006.

Le Secrétariat International de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) requiert votre intervention URGENTE dans la situation suivante au Mexique.

Description des faits :

Le Secrétariat International de l’OMCT a reçu des informations préoccupantes provenant de diverses sources dignes de foi, parmi elles le Centre des Droits de l’Homme Miguel Agustín « Pro Juárez » (Centro de Derechos Humanos Miguel Agustín « Pro Juárez », Centro Prodh), membre du réseau de l’OMCT, quant à l’emploi excessif de la force policière contre des manifestants de la Ville d’Oaxaca, faits survenus le 25 novembre, ayant entraîné : la mort de 5 personnes (dont les noms sont encore inconnus), la détention de 141 personnes (parmi lesquelles 31 femmes), la disparition de plus de 25 individus, et plus de 100 personnes blessées (vingt d’entre elles ont été blessées par armes à feu), cent personnes intoxiquées par les gaz lacrymogènes et par des substances interdites à l’échelle internationale, ainsi que l’intrusion indiscriminée et illégale dans des foyers de la communauté d’Oaxaca.

Selon les informations reçues, le samedi 25 novembre 2006, au terme de la marche pacifique organisée par l’Assemblée Populaire des Villages d’Oaxaca (AFFPO) pour exiger la démission du gouverneur Ulises Ruiz et l’évacuation de la Police Fédérale Préventive (PFP) de la ville d’Oaxaca, les manifestants furent, d’après les dénonciations, violemment agressés par les policiers et des groupes armés.

Parmi les blessés se trouvent notamment le photographe Amaury Guadarrama, de l’agence Cuartoscuro, qui a été brutalement frappé; Virgilio Sánchez, correspondant du journal Reforma, de Mexico City qui a reçu un projectile de gaz lacrymogène sur le buste et Abundio Núñez, du journal économique El Financiero, qui a du être hospitalisé en raison de contusions.

Par la suite, selon les informations reçues, le lundi 27 novembre, vers 5 heures du matin, les 141 personnes détenues, dont les noms ne sont toujours pas connus pour le moment et qui étaient initialement enfermées dans les prisons de Miahuatlán et Tlacolula, ont été obligées, d’une manière soudaine de monter dans des hélicoptères de la PFP et ont atterri quelques heures plus tard au Centre Fédéral de Réadaptation Sociale de Moyenne Sécurité de San José del Rincón, à Nayarit. Selon les dénonciations, le transfert aurait été réalisé à la demande du Secrétariat de Protection de la Ville d’Oaxaca, qui mettait en avant la supposée « haute dangerosité » des détenus, ainsi que l’absence d’installations carcérales « avec des conditions de sécurité suffisantes » pour accueillir les détenus et détenues.

Aux dires de l’avocat Jésus Juárez Cortés, suivant une source interne de la prison del Rincón, les détenus d’Oaxaca seraient en train de déposer leur déclaration devant les trois juridictions pénales situés dans les alentours de la prison, mais aucun d’entre eux, jusqu’au 30 novembre 2006, n’avait encore pu parler à ses proches ou aux représentants des instances de défense des droits de l’homme. De plus, la sérieuse inquiétude quant à la situation des 34 femmes détenues demeure. En effet, selon les informations, au moment de leur arrestation par la Police Fédérale Préventive à Oaxaca, nombre d’entre elles se seraient fait ôter une partie de leurs vêtements, et en prenant en considération ce qui est arrivé aux femmes détenues durant les évènements d’Atenco[1], il est à espérer que les mêmes faits ne se reproduisent pas. C’est pourquoi il est primordial que leurs proches et les avocats puissent leur rendre visite.

Contexte de la situation :

L’OMCT a connaissance que la grande majorité des arrestations et détentions au cours des différents évènements de la crise d’Oaxaca[2], on été réalisées comme des razzias ou ont été motivées par l’aspect ou le lieu où se trouvaient les victimes. D’après les informations, les détenus au cours des confrontations qui ont eut lieu durant le conflit des derniers mois à Oaxaca ont été victimes de constants mauvais traitements et tortures, dans les locaux où ils se trouvaient sous la garde des éléments de la Police Fédérale Préventive. Ces derniers ont fait un usage excessif, irrationnel et disproportionné de la force, provoquant de graves blessures sur plusieurs des personnes détenues. Au cours de l’arrestation mais aussi dans les Centres de détention, ils ont été soumis à des coups, coups de pied, menaces, positions de punition, privations de sommeil et isolement.

Par conséquent, en prenant en compte le schéma identifié sur les arrestations policière durant le conflit d’Oaxaca et en considération des antécédents, l’OMCT exprime sa profonde crainte, que dans le cas présent, au cours de l’arrestation, de la détention et du transfert à Nayarit, les personnes détenues aient été et/ou soient toujours objets de coups, humiliations, vexations, menaces et tortures.

Par ailleurs, le soudain transfert des détenus, constitue en soi un acte de violation de différents droits de l’homme, à savoir le droit à la sécurité juridique, à la liberté individuelle et aux garanties d’une procédure régulière. Enfin, le transfert des détenus à Nayarit comporte en lui-même l’isolement des détenus. Cette mesure s’est traduite par un isolement matériel de ces personnes, car bien que détenus depuis le samedi 25 novembre, il n’a été permit à aucun d’eux, jusqu’au jeudi 30, d’établir le contact avec leurs proches ou avocats.

L’OMCT rappelle que la Comté contre la Torture des Nations Unies, au moment de l’examen du rapport de l’Etat mexicain lors de la session de novembre 2006, a recommandé à ce dernier de « prendre les mesures nécessaires pour éviter l’utilisation de toutes les formes de détention qui puissent être propices à la pratique de la torture, d’enquêter sur les allégations de détention arbitraire et de sanctionner les responsables lorsqu’un délit a eu lieu », « garantir que l’usage de la force ne se fera qu’en dernier recours et dans le strict respect des normes internationales de proportionnalité et nécessité en adéquation avec la menace existante » et « mener des investigations sur les allégations de violations des droits de l’Homme commises par les fonctionnaires publics, tout particulièrement celles subies par les personnes détenues au cours de ces opérations policières, et de juger et sanctionner de manière adéquate les responsables » (CAT/MEX/CO/4).

Actions requises :

Merci d’écrire aux autorités mexicaines afin de leur demander de :

  1. Garantir la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de tous les 141 détenus au cours des faits ci-dessus dénoncés et de tous les membres de leurs familles respectives, ce qui inclut les soins médicaux urgents, adéquats et gratuits requis par chacun ;
  2. Garantir aux femmes détenues l’accès au Bureau du Procureur Spécial pour le Traitement des Délits Relatifs à des actes de Violence contre les Femmes, et mettre à la disposition de celles qui le requièrent un médecin légiste pour établir de possibles actes de torture ou de mauvais traitements ;
  3. Ordonner la libération immédiate de tous les détenus suite aux faits ci-dessus dénoncés, en cas de détention en l’absence de charges valides ou, en cas de charges existantes, les porter devant un tribunal compétent, indépendant et impartial et garantir les droits de la défense à tout moment ;
  4. Mener une enquête immédiate, exhaustive et impartiale relative aux mauvais traitements et tortures subis par les détenus et, de manière générale par les manifestants au cours des faits ci-dessus dénoncés, commis par les forces de l’ordre, en particulier les membres de la PFP, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;
  5. Garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales à travers tout le pays, en conformité avec la loi nationale et les normes internationales, en particulier la Convention contre la Torture et les recommandations émises par le Comité contre la Torture (CAT/C/MEX/CO/04).

Adresses :

  • Mission Permanente du Mexique devant les Nations Unies à Genève, 16 Avenue du Budé, 1202 Ginebra, Suiza. Fax :+41.22.748.07.08 TEL.: +41.22.748.07.07 / E-mail: mission.mexico@ties.itu.int
  • Ambassadeur Mr. Jorge Ciero, Misión Diplomatique du Mexique à Bruxelles, 94 avenue F.D. Rossevelt, 1050 Ixelles, Bélgica, Tel: + 32 2 629 07 11; Fax: + 32 2 644 08 19
  • Docteur Felipe Calderón Hinojosa, Président de la République du Mexique, Colonia San Miguel Chapultepec, México D.F. FAX: +52.55.516.58.37, +5255.55.22.34.26, +52.55.50.93.34.14 / +52.55.52.77.23.76, +52.55.55.15.57.29. E-mail: radio@presidencia.gob.mx ; Email:sprivada@presidencia.gob.mx;
  • Mr. Juan Camilo Mouriño Terrazo, Chef du Bureau de la Presidence.
  • Mr. Francisco Javier Ramírez Acuña, Secrétaire du Gouverneur .Mr. Eduardo Medina-Mora Icaza, General Procurer of the Republic, México, D.F., Tel: + 52.55.534.601.08 ; Fax: + 52.55.534.609.08 E-mail: ofproc@pgr.gob.mx
  • Licenciado Genaro García Luna, Public Security Secretary. Tel: +52.55.52.42.81.00 Ext. 18989 FAX: +52.55.52.42.81.00 Ext. 18901
  • Géneral Guillermo Galván Galván, National Defence Secretary.
  • Députée Rebeca Godínez y Bravo, Présidents de la Commission de Justice et Droits de l' Homme de la Chambre des Députés. México CP:15969, Tel: + 52.55.542.250.10
  • Député Heliodoro Díaz Escárraga, Président de la Table de Direction de la Chambre des Députés, México DF, Tel: + 52.55.562.813.00

Merci d’écrire également aux représentations diplomatiques du Mexique dans vos pays respectifs.

Genève, le 1er décembre 2006

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.


[1] Voir Appels Urgents de l’OMCT MEX090506.1/090506.1.CC/MEX 180506VCF et le Rapport de CLADEM, Centro Prodh et OMCT Violencia de Estado contra Mujeres en México: Informe Alternativo al Comité contra la Tortura de la ONU, novembre 2006.

[2] Voir Appels Urgents OMCT : MEX 150606.ESCR/ MEX 150606/ MEX 150606 CC; MEX 011106 (1), MEX 011106(1).1, suivi realisé le 15 novembre 2006 et Communiqué de Presse MEX 011106.