Colombie
17.10.08
Interventions urgentes

Usage excessif de la force contre des membres de communautés indigènes

COL 171008_FR
Usage excessif de la force/ Harcèlement/ Assassinat/ Crainte pour l’intégrité physique

Le Secrétariat International de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) sollicite votre intervention URGENTE face à la situation suivante en Colombie.

Description de la situation

Le Secrétariat International de l’OMCT a reçu avec une grande inquiétude des informations provenant de différentes sources dont l’Organisation Féminine Populaire (OFP), organisation membre du réseau SOS-Torture. Ces informations portent sur l’usage excessif de la force dont ont fait preuve l’armée et la police à l’encontre des membres des communautés indigènes réunies dans la Municipalité de La María de Piendamó à Toribio et sur la route Panaméricaine qui conduit à Popayán, alors qu’ils manifestaient pacifiquement à l’occasion de la Minga Nacional de Resistencia Indígena[1]. Les faits se sont produits dans plusieurs endroits du Département de Cauca.

Selon les informations, la première attaque armée a eu lieu le 14 octobre 2008 en fin d’après-midi. De nombreux membres de l’Armée Nationale, du Groupe Mobile Anti-émeutes de la Police- ESMAD (Escuadrón Móbil Antidisturbios) et même des personnes armées en civil, encerclaient les manifestants depuis les montagnes et la route. Ils ont commencé à tirer directement sur la communauté de près de neuf mille personnes, habitants de différentes municipalités, qui était réunie pacifiquement à Piendamó.

Selon les informations, pendant les faits, M. Mariano Morano Dizú, Président du Conseil de l’Action Communale de La Palma à Pitayó, a été blessé par balle au crâne. Il est décédé après avoir été transporté à Popayán. Vingts personnes ont aussi été blessées par balle, machettes ou par des coups.

Liste non exhaustive des blessés avec la description de certaines blessures:

1. John Freddy Piñacue, âgé de 16 ans, blessé par trique au front;

2. Hermes Arbey Díaz, habitant de Huellas, Caloto;

3. Mauricio Menza, habitant de Jambaló, blessé au front par le frôlement d’une balle (tir par ricochet[2]);

4. Benjamín Ramos, habitant de la Municipalité de Tálaga, Caldono, blessé à l’oeil gauche. Il a été atteint par une balle à la poitrine;

5. Enyi Ulcué, habitant de Pueblo Nuevo, Caldono, blessé par balle à la jambe gauche;

6. Mario Guetoto, habitant de Delicias, blessé au nez;

7. Diomedes Quinto, habitant de San Andrés de Pisimbalá, tir par ricochet au front;

8. Joaquín Cotocué, habitant de San Andrés de Pisimbalá, tir par ricochet au front;

9. Milciades Tumbo, habitant de San Andrés de Pisimbilá;

10. José Ferney Pardo, habitant de Inzá, Tierradentro;

11. Adolfo Quitumbo Yatacue, habitant de Corinto;

12. Harold Cucuñame de Honduras, habitant de la Zone Occidentale;

13. Delio Quitumbo, habitant de Toribío, tir par ricochet à la jambe gauche;

14. Mario Huetoto, habitant de la municipalité de Delicias, Buenos Aires, blessé à l’oeil gauche, tir par ricochet;

15. N.N. (personne dont l’identité n’a pas été communiquée), blessure grave par un coup à la tête;

Selon les informations, au moins trois personnes auraient été arrêtées pendant les faits: Messieurs Leonardo Chocué, habitant de Tierradentro; Eduardo Cotoina, habitant de Tierradentro, et Pablo Dagua, habitant de Corinto.

D’après les mêmes informations, comme la Minga s’est étendue dans plusieurs endroits du pays jusqu’à atteindre près de 15 départements, les attaques perpétrées par la force publique, et plus particulièrement par l’ESMAD, contre les manifestants, ont continué. Plus de cent personnes ont été blessées, gravement pour un bon nombre d’entre elles. Selon les plaintes, plusieurs personnes sont mortes ou ont disparu sans qu’aucune information concernant leur identité n’ait été jusqu’à présent communiquée. Selon les informations, la majorité des personnes blessées appartenaient aux communautés indigènes réunies à Toribio et au groupe de manifestants qui avançaient sur la route Panaméricaine de la ville de Popayán.

L’OMCT condamne ces faits violents et manifeste ainsi sa grande préoccupation pour la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de toutes les personnes qui participent à la Minga Nacional de Resistencia Indígena mentionnée ci-dessus. L’OMCT sollicite avec véhémence aux autorités nationales, départementales et municipales, qu’elles prennent les mesures nécessaires et appropriées pour garantir la sécurité et l’intégrité personnelle de toutes les personnes présentes dans la Municipalité La María en Piendamó et de tous les indigènes en général dans tout le pays.

Faits et contexte de la situation

Le Secrétariat International de l’OMCT manifeste sa très grande préoccupation face aux faits graves qui sont dénoncés ici et face à la situation d’insécurité que vivent tous les membres des communautés indigènes en Colombie, puisque, selon les plaintes, au moins 15 indigènes ont été assassinés entre le 17 septembre 2008 et le 13 octobre 2008.

Les cas d’indigènes assassinés qui ont été dénoncés sont les suivants: César Hurtado Tróchez, assassiné chez lui dans la Municipalité de Guadualito, le 13 octobre; Nicolás Valencia Lemus, tué par balle dans la zone rurale de Toribío; Raúl Mendoza, assassiné par des sicaires à Popayán; Segundo Oswaldo Tapie et Hugo Gildardo Alpala, deux gardes de la Communauté des Pastos Muertos (les ”Proies Mortes “) à Cumbal par l’armée; Luz Marina Morales, Mauricio Largo Bañol et Cesar Largo, assassinés par le groupe paramilitaire des Aguilas Negras (les “Aigles Noirs”) à Riosucio, Caldas[3]; Oscar Diogirama assassiné par la guerrilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – FARC, à Rosucio - Chocó; Leonar René Portilla, Luis Alberto Ortega et Carlos Alberto Charra, tués par la police à Santa Cruz (Nariño); Justiniano Tunubalá tué à Jambaló par l’armée; Celestino Rivera assassiné par des inconnus à Jambaló également; Raúl Morales Hío, gouverneur nasa de la municipalité de El Peñón, assassiné dans le sud est de Popayán.

En outre, il a été dénoncé que deux Indígenas Yanaconas du Conseil Municipal el Paraíso, La Vega, dont les noms ont été communiqués, ont disparu la semaine précédente dans la zone du Massif colombien.

Actions requises

Veuillez écrire aux autorités colombiennes afin de leur demander urgemment de:

  1. Prendre urgemment et immédiatement les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de tous les blessés mentionnés ci-dessus, et en général de toutes les personnes qui ont été blessées pendant les faits mentionnés ci-dessus, y compris l’attention médicale adéquate et gratuite que leur état nécessite;
  2. Prendre de manière urgente et immédiate les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de tous les intégrants de la Minga qui a eu lieu dans la Municipalité La María en Piendamó et dans le reste du pays;
  3. Mener une enquête indépendante, compétente, exhaustive et impartiale sur tous les faits mentionnés ci-dessus, en particulier sur l’usage excessif de la force de la part des membres de l’armée et de la police, sur la présumée exécution extrajudiciaire de M. Mariano Morano Dizú et sur l’assassinat de M. Cesar Hurtado Tróchez, et de toutes les personnes mentionnées ci-dessus afin d’identifier les responsables, les traduire devant un tribunal compétent, indépendant, juste, impartial et leur appliquer les sanctions pénales et/ou administrative prévues par la loi;
  4. accorder une réparation adéquate aux membres de la famille des Messieurs Mariano Morano Dizú, Cesar Hurtado Tróchez et de toutes les personnes assassinées pendant les faits mentionnés ci-dessus;
  5. appliquer immédiatement les recommandations données par les organismes internationaux et régionaux des Droits de l’Homme, y compris le Bureau du Haut Commisariat pour les Droit de l’Homme;
  6. en général, garantir le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans tout le pays en accord avec les normes internationales des Droits de l’Homme et plus particulièrement avec la Convention Contre la Torture, ratifiée par la Colombie.

Adresses

  • Mission Permanente de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève. Chemin du Champ d’Anier, 17-19, 1209 Ginebra, Suiza. FAX: + 41.22.791.07.87; TEL.:+ 41.22.798.45.55. E-mail: mission.colombia@ties.itu.int
  • M. Carlos Holmes Trujillo, Mission Diplomatique à Bruxelles: FAX: +32.2.646.54.91, E-mail: colombia@emcolbru.be
  • Doctor Álvaro Uribe Vélez, Presidente de la República (Président de la République), Cra. 8 # 7-26, Palacio de Nariño, Santa Fe de Bogotá. Fax:+57.1.566.20.71: auribe@presidencia.gov.co
  • Sr. Francisco Santos, Vice président de la République, buzon1@presidencia.gov.co Téls.: +571334.45.07, +573.7720130, E-mail: fsantos@presidencia.gov.co ;
  • Docteur Carlos Franco, Directeur du Programme Presidentiel des Droits de l’Homme et du Droit Internationale Humanitaire (DIH). E-mail: cefranco@presidencia.gov.co ; ppdh@presidencia.gov.co
  • Observatoire des Droits de l’Homme de la Vice Présidence: obserdh@presidencia.gov.co;
  • Docteur Fernando Ibarra, Conseiller du Programme Présidentiel des Droits de l’Homme et du DIH. Tel.: +57.1.336.03.11, FAX: +57.1.337.46.67, E-mail: fibarra@presidencia.gov.co
  • Dr. Volmar Antonio Pérez Ortiz, Defensor del pueblo (Défenseur du Peuple), Calle 55 # 10-32, Bogotá. Fax: + 57.1.640.04.91 E-mail: secretaria_privada@hotmail.com ; agenda@agenda.gov.co
  • Docteur Mario Hernán Iguarán Arana, Fiscal General de la Nación (Procureur Général de la Nation), Diagonal 22-B # 52-01, Bogotá. Fax: +57.1.570.20.00; +57.1.414.90.00, E-mail: contacto@fiscalia.gov.co; denuncie@fiscalia.gov.co
  • Dr. Edgardo José Maya Villazón, Procurador General de la Nación (Procureur Général de la Nation), Cra. 5 #. 15-80, Bogotá. Fax: +57.1.342.97.23; +571.284.79.49 Fax: +57.1.342.97.23; E-mail: cap@procuraduria.gov.co, E-mail: quejas@procuraduria.gov.co; webmaster@procuraduria.gov.co; cap@procuraduria.gov.co; reygon@procuraduria.gov.co; anticorrupcion@presidencia.gov.co
  • Dr. Juan Manuel Santos Calderón, Ministro de la Defensa (Ministre de la Défense), Avenida El Dorado con Cra. 52 CAN, Bogotá. Fax: +57.1.222.18.74; E-mail: siden@mindefensa.gov.co; infprotocol@mindefensa.gov.co; mdn@cable.net.co

Veuillez aussi écrire aux Représentations Diplomatiques de la Colombie dans vos pays respectifs

Genève, le 17 octobre 2008.

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.

[1] Une Minga Nacional de Resistencia Indígena est une journée d’unité communautaire sociale et populaire. Dans ce cas, la journée a été convoquée par l’Organisation Nationale Indigène de Colombie – ONIC- à l’occasion de l’anniversaire, le 12 octobre, de la Découverte de l’Amérique pour rappeler, entre autres, que les Peuples Indigènes ont été systématiquement exterminés depuis l’an 1492, pour défendre la vie, les droits territoriaux, politiques, ceux relatifs à l’environnement et à l’alimentation des populations indigènes. En outre, à cette occasion, la Minga a été organisée pour exiger le respect des engagements que le gouvernement a pris concernant la remise de terres et pour exprimer leur refus face à la répression dont ils sont victimes, en particulier depuis ces derniers mois.

[2] On reconnaît le tir par ricochet au type et/ou à la trajectoire du tir qui cause la blessure. Il s’agit d’un tir qui ne pénètre pas mais qui frôle et qui produit différents types de blessures comme des coupures ou des brûlures qui peuvent être graves.

[3] Voir Appel Urgent: OMCT COL 081008.