Niger
06.04.18
Interventions urgentes

Détention arbitraire et harcèlement judiciaire de M. Ali Idrissa, M. Moussa Tchangari, M. Nouhou Mahamadou Arzika et Me. Lirwana Abdourahmane

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

NER 001 / 0418 / OBS 039

Arrestation/ Détention arbitraire /

Harcèlementjudiciaire /

Entravesà la liberté de réunion pacifique /

Entravesà la liberté d’expression

Niger

6 avril2018

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de lHomme, un partenariat de la FIDH et de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur lasituation suivante au Niger.

Description de la situation :

L’Observatoirea été informé de sources fiables de l’arrestation, la détention arbitraire etle harcèlement judiciaire de M. AliIdrissa, coordinateur national du Réseau des organisations pour la transparenceet l'analyse budgétaire (ROTAB) et de Publiez ce que vous payez-Niger(PCQVP), M. Moussa Tchangari, secrétairegénéral d’Alternative espaces citoyens (AEC), M. Nouhou Mahamadou Arzika, président du Mouvement patriotique pourune citoyenneté responsable (MPCR) et Me. LirwanaAbdourahmane, avocat et membre du MPCR.

Selonles informations reçues, le 25 mars 2018, MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari,Nouhou Arzika et Me. Lirwana Abdourahmane ont été arrêtés aux sièges respectifsdu MPCR, de l’AEC, du cabinet d’avocat Seybou Daouda et des locaux de la chaînede télévision Labari[1].Aucun mandat d’arrestation n’a été présenté au moment de leurs interpellations. Ces arrestations sont intervenues dans la matinée alors quese préparait une journée d’action citoyenne organisée par la société civile, prévueà partir de 16 heures pour protester contre la loi de finance 2018, critiquéepar une partie de la société civile nigérienne[2].Une marche protestant contre l’adoption de la loi de finance 2018 et interditepar les autorités s’est tenue le même jour[3].

Le23 mars 2018, la ville de Niamey avait publié un arrêté interdisant la marche « pourdes raisons évidentes de sécurité […] et au regard du contexte sécuritaire auNiger et dans la sous-région, et d’autres part, des récentes attaquesterroristes ». Le matin du 25 mars, les forces de sécurité avaient encercléle siège d’AEC et les points de rassemblement afin d’empêcher les manifestantsde se mobiliser.

Dansla soirée du 25 mars 2018, les forces de sécurité ont encerclé le siège du MPCRet fait irruption dans les locaux de Labarisans présenter ni notification écrite du Conseil supérieur de la communication,ni mandat de la police. Ils souhaitaient récupérer une copie du journaltélévisé auquel Me. Lirwana Abdourahmane avait participé le jour même et dans lequel il commentait l’interdiction de lamanifestation. Face aux refus des journalistes, lesforces de sécurité ont fermé l’accès aux locaux de la chaîne, en violation destextes régissant la liberté de la presse au Niger, obligeant le média à cesser ladiffusion de ses programmes jusqu’au 28 mars 2018, malgré un courrier duPrésident du Conseil supérieur de la communication et la décision d’un juge desréférés qui a déclaré illégale la fermeture de la chaîne et ordonné saréouverture immédiate.

Le27 mars 2018, MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et LirwanaAbdourahmane et 18 autres personnes arrêtées en lien avec la répression de lamarche ont été inculpés d’ « organisation et participation à unemanifestation interdite » et « complicité de destruction de biens». Selonle procureur, Maman Sayabou Issa, les manifestants ont été arrêtés pour avoir enfreintles dispositions de la loi 2004-45 du 08 juin 2004 réglementant lesmanifestations sur les voies publiques au Niger. Ce même jour, ils ont ététransférés dans différentes prisons à plusieurs dizaines de kilomètres deNiamey dans l’attente de leur procès. Ainsi M. Ali Idrissa est détenu à Filingué(à environ 150 km de Niamey), M. Moussa Tchangari à Ouallam (à environ 100 kmde Niamey), M. Nouhou Arzika à Tillabéry et M. Lirwana Abdourahmane à Daïkainasur le fleuve Niger (à environ 103 km de Niamey).

L’Observatoirerappelle que ce n’est pas la première fois que MM. Ali Idrissa, MoussaTchangari et Nouhou Arzika font l’objet de harcèlement de la part des autoritésnigériennes pour leurs activités de défense des droits humains au Niger et enparticulier celles visant à dénoncer des actes de mauvaise gouvernance de lapart du Président Issoufou Mahamadou[4]ainsi que les violations des droits humains commises dans le cadre de la luttecontre le terrorisme, en particulier dans les zones en état d’urgence[5].

L’Observatoirecondamne fermement l’arrestation, la détention arbitraire et le harcèlementjudiciaire de MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et LirwanaAbdourahmane en ce qu’ils ne visent qu’à punir leurs activités pacifiques etlégitimes de défense des droits humains.

L’Observatoireappelle les autorités nigériennes à procéder à la libération immédiate etinconditionnelle de MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et LirwanaAbdourahmane et à mettre un terme à toute forme de harcèlement à leur encontre.Dans l’attente, l’Observatoire appelle les autorités nigériennes à garantir quetoutes les procédures engagées contre ceux-ci se fassent en respect de leurdroit à un procès équitable.

L’Observatoireappelle également les autorités nigériennes à respecter l’ensemble des droitsgarantis par les instruments internationaux et régionaux de protection desdroits humains ratifiés par le Niger, en particulier s’agissant de la libertéd’association, de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique etd’expression.

Actionsrequises :

L’Observatoire vousprie de bien vouloir écrire aux autorités nigériennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, NouhouArzika et Lirwana Abdourahmane ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humainsau Niger ;

ii. Libérer immédiatement et inconditionnellement MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzikaet Lirwana Abdourahmane ainsi que tous les défenseurs des droits humainsdétenus au Niger ;

iii.Mettre unterme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de MM. Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzikaet Lirwana Abdourahmane, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme auNiger ;

iv. Dans l’attente, garantir que les procéduresengagées à l’encontre de MM.Ali Idrissa, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et Lirwana Abdourahmane respectentleur droit à un procès équitable ;

iv. Respecter la liberté d’expression,d’association et de manifestation de la société civile nigérienne ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur lesdéfenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nationsunies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1, 5, 6 et 12.2;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclarationuniverselle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationauxrelatifs aux droits humains ratifiés par le Niger.

Adresses :

· M.Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger, Tél. : +227 20 72 2472, Fax : +227 20 73 77 03

· M.Brigi Rafini, Premier Ministre, brigi_rafini@yahoo.fr, Cabinet du PremierMinistre BP 893 Niamey, Niger ; Tél : + 227 20 72 26 99, Fax : + 227 20 73 5859

· M.Marou Amadou, Ministre de la justice, marou_amadou2000@yahoo.fr, Tél : +227 08 0011 11, Fax : +227 20 72 37 77

· M.Bazoum Mohamed, Ministre de l’intérieur, Tél. : +227 20 32 32 62, Fax: + 227 2072 21 76

· Directiongénérale des affaires juridiques du Ministère de l'intérieur ; Fax : +227 20 2036 89

· IbrahimYacoubou, Ministre des Affaires étrangères de la coopération, de l’intégrationafricaine et des nigériens à l’extérieur, ibrayac2@gmail.com

· S.E.M. Ousmane Alhassane Abba, Ambassadeur, Mission permanente du Niger auprès del’Union européenne, 78 avenue Franklin Roosevelt, B-1050 Bruxelles, Fax : + 322 648 27 84

· S.EMme Fatima Sidikou, Représente permanente du Niger, Mission permanente du Nigerauprès des Nations unies à Genève, 23 Avenue de France, 1202 Genève, Suisse. Tél: +41 22 979 24 50 – Fax : +41 22 979 24 51

Prière d’écrire égalementaux représentations diplomatiques du Niger dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 6 avril 2018

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDHet de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Hommevictimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par lasociété civile internationale.

Pour contacter lObservatoire, appeler La Ligne dUrgence :

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· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25