République démocratique du Congo
02.03.16
Interventions urgentes

Dégradation de l’état de santé de M. Christopher Ngoyi Mutamba, président national de la Coordination de « Synergie Congo Culture et Développement »


APPEL URGENT - L’OBSERVATOIRE
Nouvelles informationsCOD 002 / 0215 / OBS 006.3
Dégradation de l'état de santé /Détention arbitraireRépublique démocratique du Congo2 mars 2016
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations, et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à la République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la dégradation de l’état de santé de M. Christopher Ngoyi Mutamba, président national de la Coordination de « Synergie Congo Culture et Développement » (SCCD), organisation affiliée au mouvement « Sauvons le Congo », enlevé le 21 janvier 2015 et détenu arbitrairement depuis cette date.

Selon les informations reçues, le 8 février 2016, M. Ngoyi Mutamba a été transféré au Centre hospitalier Nganda en raison d'une anémie dont la cause reste indéterminée. Il a été transfusé au moins cinq fois depuis le début de son hospitalisation, et souffre par ailleurs d'hypertension artérielle. A la date de publication de cet Appel urgent, M. Ngoyi Mutamba reste hospitalisé.

L’Observatoire s’inquiète également d’informations selon lesquelles les médecins refuseraient de communiquer à M. Ngoyi Mutamba un rapport détaillé sur les examens accomplis et les soins administrés. En réponse aux craintes d’un éventuel empoisonnement exprimées par la famille, les médecins ont prétendu qu’il n’existerait pas en RDC de laboratoire ou de centre médical capable de procéder à des analyses toxicologiques.

L’Observatoire exprime sa vive inquiétude au regard de la détérioration de l’état de santé de M. Christopher Ngoyi Mutamba, et appelle les autorités congolaises à lui garantir un plein accès à des soins médicaux appropriés et aux médecins de son choix, y compris à l'étranger si nécessaire.

L’Observatoire dénonce plus généralement la détention arbitraire de M. Ngoyi Mutamba, qui ne semble viser qu'à sanctionner son opposition à la réforme de la loi électorale ainsi que de son travail de documentation des violences commises à l’occasion des manifestations des 19 et 20 janvier 2015 (cf. rappel des faits).

L'Observatoire rappelle par ailleurs l'avis rendu le 4 septembre 2015 par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA), suite à une saisine de l'Observatoire, confirmant le caractère arbitraire de la détention de M. Christopher Ngoyi Mutamba, et appelant à sa libération[1]. A ce jour, cet avis n'a cependant toujours pas été appliqué par les autorités congolaises. L'Observatoire appelle les autorités congolaises à se conformer immédiatement à l'avis du GTDA appelant à la libération de M. Ngoyi Mutamba.

Rappel des faits :

Le 21 janvier 2015, M. Ngoyi Mutamba a été enlevé au rond-point de victoire à Kinshasa Matongé par des éléments armés de la garde républicaine. Le jour de son enlèvement, M. Ngoyi Mutamba avait pris part à une délégation de défenseurs des droits de l’Homme qui s’était rendue à l’Hôpital général de Kinshasa pour soutenir les manifestants blessés dans le cadre des manifestations contre la modification de la loi électorale.

Le lendemain de son enlèvement, vers 5h30 du matin, six hommes en civil se sont présentés à son domicile munis d’un mandat de perquisition. Ces derniers ont ensuite procédé à une fouille de son domicile, saisi ses documents de travail, et informé ses proches qu’il serait détenu au bureau du procureur militaire du district de Gombe. Cependant, ni la visite de membres de sa famille et de certains de ses collègues au bureau du procureur militaire, ni la visite de plusieurs prisons officielles de Kinshasa par ces derniers n’ont permis de localiser M. Ngoyi Mutamba.

Le 26 janvier, le directeur général de l’ANR aurait finalement déclaré que M. Ngoyi Mutamba était détenu par l’Agence nationale de renseignements (ANR), sans fournir davantage de détails sur les raisons de son arrestation ni sur son lieu exact de détention.

Le 30 janvier 2015, les autorités ont interdit une marche qui visait à alerter l’opinion publique sur l’enlèvement de M. Christopher Ngoyi Mutamba, survenu le 21 janvier à Kinshasa, et à dénoncer les multiples atteintes vis-à-vis des défenseurs des droits humains.

Le 5 février 2015, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, le porte-parole du gouvernement, M. Lambert Mende, avait annoncé que M. Ngoyi Mutamba était accusé de « propagation de faux bruits », « incitation à la désobéissance à la loi et à la révolte », « incitation à la haine raciale », « destruction méchante » et « vol ».

Cette conférence de presse avait pris place en réaction à celle d’une coalition de défenseurs des droits humains qui demandaient les motivations de l’arrestation de leur collègue ainsi que des informations quant à son lieu de détention. Toutefois, le porte-parole du gouvernement n’avait pas souhaité révéler le lieu de détention de M. Ngoyi Mutamba, affirmant que sa famille et ses avocats étaient au courant, et qu’ils étaient les seules personnes légitimées à disposer de ces informations. Le 8 février, les proches de M. Ngoyi avaient démenti dans un communiqué public être au courant du lieu de sa détention.

Le 10 février 2015, M. Ngoyi Mutamba a été présenté à la presse par le ministre de l’Intérieur. Il était détenu par l’ANR.

Le 11 février, M. Ngoyi Mutamba a été transféré au Parquet général de la République dans l’attente d’un procès pour « incendie volontaire », « actes de pillage » et « incitation à la haine raciale ».

Le 4 mars 2015, le procès intenté contre M. Christopher Ngoyi Mutamba s’est ouvert devant le Tribunal de Kinshasa/Matete. Le prévenu n’ayant pas été notifié dans le délai légal prévu de la tenue de cette audience, celui-ci a refusé de comparaître volontairement. Le tribunal s’est ainsi déclaré non saisi et a renvoyé l’affaire au 18 mars 2015 afin de régulariser la procédure.

Les audiences du procès contre M. Ngoyi Mutamba ont par la suite été suspendues en attente d'une décision de la Cour de Cassation sur le refus des autorités d'autoriser les médias à assister aux audiences. Les audiences restent suspendues à ce jour.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir à M. Christopher Ngoyi Mutamba les soins médicaux appropriés et garantir en toutes circonstances son intégrité physique et psychologique ainsi que celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme en République démocratique du Congo;

ii. Libérer M. Christopher Ngoyi Mutamba de manière immédiate et inconditionnelle ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, contre M. Christopher Ngoyi Mutamba et l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en RDC afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave, y compris par le biais de rassemblements pacifiques ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
- son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
- et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax +243 88 02 120
· M. Augustin Matata Ponyo, Premier Ministre et Président du Comité de Pilotage de l'entité de liaison pour les droits de l'Homme, Avenue Roi Baudouin, n° 5, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo ; Email : cabinet@primature.cd
· M. Alexis Tambwe Mwamba, Ministre de la Justice et des Droits Humains, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521, Email : minjustdh@gmail.com; min-droitshumains@yahoo.fr
· M. Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République ; Email : florykan@yahoo.fr ; pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com
· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82
· S.E. M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, 30 Marie de Bourgogne, 1000 Bruxelles, Belgique. Email : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 2 mars 2016

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. opinion du Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire (GTDA) n° 37/2015 du 4 septembre 2015.