République démocratique du Congo
10.08.05
Interventions urgentes

RDC: Arrestation de plusieurs défenseurs protestant contre l'assassinat de M. Pascal Kabungulu

APPEL URGENT – L’OBSERVATOIRE

Nouvelles informations

RDC 005 / 0805 / OBS 059.1


Entrave à la liberté de manifestation / Arrestations / Menaces
République démocratique du Congo

10 août 2005


L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir d’urgence concernant la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé par plusieurs sources fiables, dont l’Association africaine de défense des droits de l’Homme, section du Katanga (ASADHO/Katanga), et l’Observatoire congolais des droits humains (OCDH), de la dispersion violente d’une marche pacifique protestant contre l’assassinat de M. Pascal Kabungulu Kibembi, secrétaire général de l’ONG Héritiers de la Justice et vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme dans la Région des Grands Lacs (LGDL) (cf. rappel des faits), et contre la fuite de deux officiers de l’armée suspectés d’être impliquées dans cet assassinat. Plusieurs défenseurs des droits de l’Homme ont par ailleurs été interpellés à cette occasion.

Selon les informations reçues, le 5 août 2005, vers 10 heures, les manifestants se sont heurtés à des policiers armés de grenades lacrymogènes qui ont tiré en l’air à balles réelles pour disperser la foule. Les militants ont alors dû rebrousser chemin. Le cercueil symbolique utilisé par les manifestants au cours de cette procession aurait par ailleurs été confisqué par les policiers.

D’autre part, plusieurs défenseurs des droits de l’Homme ont été arrêtés et emmenés au quartier général de la Légion de la Police d’Intervention Rapide (PIR) dans la commune de Kasa-Vubu. Il s’agissait, entre autres, de : M. Naupess Kibiswa, syndicaliste et secrétaire exécutif de la Société civile de Kinshasa, M. Floribert Chebeya, président de La Voix des sans voix (VSV), M. Sabin Banza, vice-président de la Ligue des électeurs, M. Robert Ilunga Numbi, président des Amis de Nelson Mandela pour les droits de l’Homme (ANMDH), M. Ambroise Tshibanda, membre de l’Association des avocats et défenseurs des droits de l’Homme Toges Noires, M. Fidel Badibanga, membre de l’association Carrefour des femmes et des familles (CAFEFA), M. Jean Jacques Benameyi, président de la Ligue pour la défense des locataires (LILOC), Mlle Zouzou Bouzoune, membre de la Ligue des électeurs, Mlle Julie Zenga, membre de Women as Partners for Peace in Africa (WOPPA), M. Aaron Kalukumbi et M. Flavien Mbaka, membres de VSV, M. Steve Omekungu, et M. Henry Lukula, membres du Collectif des Organisations des jeunes solidaires du Congo-Kinshasa (COJESKI), Mlle Marie Noëlle Lukusa, membre du Réseau provincial des organisations des droits de l’Homme du Congo Sud-Kivu (REPRODHOC/Kinshasa), ainsi que Mlle Afi Musungayi, journaliste à la chaîne de télévision Radio Télévision du Dieu Vivant (RTDV). Ces personnes ont été relâchées peu après leur arrivée à la PIR, après avoir été au préalable l’objet de menaces de torture et d’intimidation.

Cette marche, décidée après la veillée mortuaire organisée le 4 août 2005, avait pourtant été annoncée au gouverneur de la ville de Kinshasa par plusieurs associations de défense des droits de l’Homme, puis autorisée oralement par les pouvoirs publics. Les manifestants avaient prévu de remettre au chef de l’Etat, au vice-président de la République en charge de la commission politique, défense et sécurité, ainsi qu’au chef de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) un mémorandum dénonçant l’assassinat de M. Kabungulu et les représailles dont les défenseurs des droits de l’Homme font l’objet de la part des militaires et des policiers, et ce dans un climat de totale impunité. De fait, ce mémorandum n’a pas pu être remis aux différentes autorités.

Par ailleurs, deux officiers militaires soupçonnés d’être impliqués dans l’assassinat de M. Pascal Kabungulu, M. Gaston Sangwa, capitaine S2 de la 105ème brigade, et M. Basco, lieutenant des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) chargé de la section sécurité à la 105ème brigade, ont été arrêtés le 4 août 2005 par l’auditorat militaire et placés en détention préventive à la prison centrale de Bukavu. Le véhicule du capitaine Sangwa aurait été aperçu sur le lieu du crime au moment de celui-ci, et le lieutenant Basco aurait participé à la réunion préparatoire de cet assassinat, en compagnie du capitaine Sangwa et d’autres officiers de haut rang de la ville.

Cependant, environ trois heures plus tard, le lieutenant colonel Thierry Ilunga, commandant de la 105ème brigade des FARDC basée à Bukavu, le lieutenant colonel Ramazani (Rama), commandant en second de la 105ème brigade, et un troisième militaire connu sous le nom de “major Jacques”, se sont rendus à la prison de Bukavu et ont fait évader les deux suspects en braquant leurs fusils sur les gardiens, et menaçant toute personne qui tenterait de leur faire obstacle.

De plus, l’Observatoire note qu’en 2003 le lieutenant colonel Thierry Ilunga, alors commandant des forces rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma) à Kamituga, avait menacé de mort M. Pascal Kabungulu à la suite de dénonciations faites par Héritiers de la Justice contre un pillage des ressources minières et autres biens appartenant à l’ex-Société Minière du Kivu (SOMINKI). Peu après ces menaces, M. Kabungulu avait échappé de justesse à deux attaques nocturnes par des hommes en uniformes et avait vécu momentanément en clandestinité.

A la suite de cette évasion, les autorités ont mis en place une commission d’enquête mixte comprenant le gouvernorat de la province du Katanga, la 10ème région militaire, l’auditorat militaire, la police nationale et la MONUC. Toutefois, l’Observatoire souligne l’absence de représentation de la société civile au sein de cette commission et craint par conséquent que l’indépendance de cette dernière ne soit pas entièrement respectée.

L’Observatoire condamne la répression de cette manifestation, l’arrestation de plusieurs défenseurs des droits de l’Homme ainsi que la libération par les armes de ces deux suspects. L’Observatoire rappelle en outre que ces faits s’inscrivent dans un contexte plus large d’intimidations et de répression contre l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme congolais (voir appels précédents de l’Observatoire), et réitère sa plus vive préoccupation au regard de la détérioration de la situation des défenseurs des droits de l’Homme en RDC.

Rappel des faits :

Dans la nuit du 30 au 31 juillet 2005, M. Pascal Kabungulu Kibembi a été assassiné à son domicile, à Bukavu, vers trois heures et demie du matin. M. Kabungulu revenait d’une mission à Kigali au nom de la LDGL. Trois hommes armés et en uniforme sont entrés par effraction dans sa maison, avant de le tuer de plusieurs balles devant sa famille. Ces hommes ont également volé l’ordinateur portable de M. Kabungulu, un téléviseur et un magnétophone. M. Kabungulu est mort des suites de ses blessures quelques instants après son transfert à l’hôpital de la ville. M. Pascal Kabungulu aurait fait l’objet de menaces et d’actes de harcèlement peu de temps avant son assassinat.

Héritiers de la Justice, créée en 1991, est une organisation basée à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, qui dénonce des violations massives des droits de l’Homme dans l’est de la RDC.

Actions demandées:

Merci d’écrire aux autorités de la République démocratique du Congo et leur demander de:
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de tous les défenseurs des droits de l’Homme en RDC, et mettre un terme à toute forme d’intimidation à leur encontre ;

ii. Veiller à ce que l’enquête sur l’assassinat de M. Pascal Kabungulu Kibembi soit menée de façon impartiale et indépendante, afin d’en identifier les auteurs, qu’ils soient dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi congolaise et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme;

iii. Mener une enquête impartiale et indépendante sur l’évasion des suspects afin d’en identifier les auteurs, et qu’il soient dûment jugés et sanctionnés;

iv. Garantir que la famille de M. Pascal Kabungulu Kibembi reçoive les réparations adéquates ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, et à son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République démocratique du Congo.

Adresses :


  • Le Président de la République, S.E M. Joseph Kabila, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email: upp@ic.cd ; Fax +243 88 02 120;

  • Le Vice-Président de la République en Charge de la Commission Politique, Défense et Sécurité, M. Azarias Ruberwa Manywa, Cabinet du Vice-Président de la République, avenue roi Baudouin ex-3Z, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : vice_presidence.rdc@ic.cd

  • Le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, M. Raymond Ramazani Baya, Cabinet du Ministre, bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo

  • Le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, M. Kisimba Ngoy, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax: + 243 88 05 521, Email : minjustrdc@yahoo.fr

  • La Ministre des Droits Humains, Mme Marie-Madeleine Kalala, Cabinet du Ministre, Boulevard du 30 juin, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax: + 243 12 20 664 ; + 243 9939971 ; Email: min_droitshumains@yahoo.fr

  • Le Président de l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), M. Innocent-Michel Mpiga Tshibasu, Cabinet du Président, avenue Sendwe, Kinshasa/Kalamu, République Démocratique du Congo ; Tél: +243 98313740, +243 98271199 ; + 243 98407633

  • Ambassadeur, M. Antoine Mindua Kesia-Mbe, Mission permanente de la République démocratique du Congo, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, e-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +4122 740.16.82


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Genève-Paris, le 10 août 2005

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence:
E-Mail : observatoire@iprolink.ch
Tel et fax FIDH : + 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29