République démocratique du Congo
26.06.10
Interventions urgentes

RDC: Indifférence et impunité

ASADHO- CODHO- VSV - OMCT
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture
Nulle circonstance ne permet de tolérer la torture

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC): Indifférence et impunité

Kinshasa - Genève, le 26 juin 2010. A l’occasion de la journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, l’OMCT et ses organisations membres en RDC, l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO), le Comité des Observateurs des Droits de l’Homme (CODHO) et la Voix des Sans-Voix pour les Droits de l’Homme (VSV), réitèrent leurs vives préoccupations quant à la pratique systématique de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le pays et appellent le Gouvernement de la RDC à prendre enfin toutes les mesures nécessaires afin d’y mettre fin immédiatement, notamment en se conformant pleinement à ses engagements internationaux et régionaux y relatifs.

Alors qu’en cette journée du 26 juin 2010 se tiennent les funérailles de M. Floribert Chebeya Bahizire, éminent défenseur des droits de l’Homme, directeur exécutif de la Voix des Sans-Voix pour les Droits de l’Homme (VSV), et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, assassiné début juin dans des circonstances encore non élucidées[1], l’OMCT et ses organisations membres ne peuvent que déplorer les abus des droits de l’Homme et l’impunité persistante dans le pays.

En dépit des déclarations des autorités de RDC affirmant le contraire, lors d’une mission qu’elle a réalisée en RDC, plus particulièrement à l’est du pays, en février 2010, l’OMCT a pu constater que la situation des droits de l’Homme dans le pays ne s’est pas améliorée et reste grave. Des violations systématiques, y compris des actes de torture, dont des viols, et autres mauvais traitements commis par des membres des forces armées, de la police, des services de renseignement et de groupes armés, sont quotidiennement rapportées. La pratique de la torture et des mauvais traitements est non seulement commune dans des cas de détention et d’arrestation arbitraires, mais également dans des cas de détention régulière. Par ailleurs, les conditions de détention dans les prisons ou autres lieux de privation de liberté restent très mauvaises et peuvent souvent être assimilées à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. A cet égard, la situation dans les centres de détention de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) et de la Garde présidentielle sont particulièrement préoccupantes, d’autant plus que l’accès y est limité, voire interdit.

Les violences contre les femmes, dont les violences sexuelles, restent des actes courants et systématiques à travers le pays, et sont dues, entre autres, aux lois et pratiques discriminatoires à l’encontre des femmes. En octobre 2009, le Ministère de la Justice a annoncé son intention d’établir un fonds de compensation des victimes de violence sexuelle. Toutefois, à ce jour, ce fonds n’a toujours pas été établi.

Les enfants, quant à eux, font aussi partie des victimes courantes des violations des droits de l’Homme, y compris par le recrutement forcé dans les forces armées ou par des conditions de détention déplorables en violation des engagements de la RDC en la matière.

Comme l’OMCT, l’ASADHO, le CODHO et la VSV l’ont à maintes fois dénoncé, les violations documentées perdurent, entre autres, du fait d’une impunité engageant la responsabilité des autorités de la RDC. A cela s’ajoute, l’extrême faiblesse du système judiciaire que ce soit en termes de garantie des standards minimaux en matière de justice équitable que de moyens alloués.

En cette journée dédiée aux victimes de la torture et de mauvais traitements, l’OMCT, l’ASADHO, le CODHO et la VSV rappellent que les victimes concernées doivent avoir le droit à un recours effectif pour les violations des droits de l’Homme subies ainsi que le droit d’obtenir une réparation complète, y compris une compensation et une réhabilitation. La situation actuelle étant caractérisée par un climat d’impunité, les victimes de ces pratiques n’obtiennent pas justice. Or, celle-ci est indispensable pour que la dignité de la victime soit rétablie.

Afin de remédier à cet état de fait, l’OMCT, l’ASADHO, le CODHO et la VSV demandent aux autorités de la RDC de prendre enfin les mesures nécessaires afin de lutter contre l’impunité, y compris en réformant son système judiciaire et en renforçant le budget national alloué à la justice, conformément aux recommandations formulées par différents mécanismes de droits de l’Homme.

Enfin, nos organisations appellent les autorités compétentes de la RDC à mettre sur pied une commission d’enquête indépendante, impartiale et crédible afin d’élucider les circonstances et identifier les auteurs de l’assassinat de M. Floribert Chebeya et de la disparition de M. Fidèle Bazana. Elles appellent également le Gouvernement congolais à mener une enquête indépendante chaque fois qu'il y aura des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture et de mauvais traitements a été commis sur tout territoire sous sa juridiction et à poursuivre les auteurs présumés, conformément à ses engagements internationaux et régionaux.

Contacts:
ASADHO: Georges Kapiamba: Tel. (+243) 81 404 36 41
CODHO: Me N'Sii LUANDA Shandwe: Tel. (+243) (0) 81 50 89 970
VSV : Dolly IBEFO MBUNGA: Tel. (+243) 99 99 30 233
OMCT : Alexandra Kossin : Tel. (+41) 22 809 49 39

[1] Voir Lettre ouverte conjointe de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint OMCT – FIDH aux autorités congolaises diffusée le 5 juin 2010, et voir aussi le communiqué de presse OMCT du 2 juin 2010.