République démocratique du Congo
17.06.04
Interventions urgentes

Torture et mauvais traitements des enfants dits sorciers.

COMMUNIQUE DE PRESSE


Aux représentants de la presse

Genève, le 17 juin 2004


République Démocratique du Congo : torture et mauvais traitements des enfants dits sorciers


Au lendemain de la Journée de l’enfant africain, l’OMCT souhaite rappeler les toujours trop nombreuses violations des droits de l’enfant en Afrique. La situation en République Démocratique du Congo est à cet égard particulièrement préoccupante.

Le phénomène des enfants dit « sorciers » occupe particulièrement les ONG et les autorités congolaises depuis plusieurs mois. Déjà en octobre 2003, le gouvernement de la RDC avait lancé la deuxième phase de la campagne contre la maltraitance des enfants dits « sorciers ». A cette occasion, le Ministre des affaires sociales, M. Ingele Infoto, reconnut que le phénomène des enfants dits « sorciers », qui était largement répandu dans le pays, était un phénomène nouveau, car jadis c’était les personnes âgées qui étaient accusées de sorcellerie. Ce phénomène n’est pas seulement le résultat de superstitions, mais est aussi une des conséquences de la pauvreté et de l’absence d’une politique particulière de protection de la jeunesse.

Le phénomène des enfants dits « sorciers » est répandu en Afrique. Il existe sous différentes formes notamment au Bénin, au Nigeria, au Libéria, en Angola, en Afrique du Sud, au Cameroun et en R.D.C. Les enfants difficiles ou mal adaptés sont parfois considérés par leurs parents ou par leurs proches comme ayant des pouvoirs maléfiques et sont souvent rendus responsables des malheurs de la population locale. Ils sont chassés de leur famille, marginalisés par la société ou placés dans des centres de ré-éducation et sont fréquemment victimes d’abus et de mauvais traitements, voire de torture pouvant aboutir à la mort (voir appel urgent OMCT COD 120803.EE).

De tels actes sont en général perpétrés par des marabouts ou autres exorcistes dans le but de faire avouer aux enfants leurs pouvoirs et de les obliger à guérir les personnes qu’ils auraient soi-disant ensorcelées.

Le cas récent, rapporté par une source fiable, de deux enfants torturés par un membre de l’armée et ses deux gardes du corps après avoir été accusés d’être des sorciers est particulièrement révélateur du phénomène. L'action s’est déroulée à Uvira, province du sud Kivu, en RDC, le 17 mai dernier. Pensant que sa maison était habitée par de mauvais esprits, un commandant de l’armée congolaise décida de faire venir chez lui un groupe de prière de la secte « Eglise sans frontière » afin de les « déloger ». A cette occasion, une femme membre de la secte accusa deux enfants, âgés de 13 et 14 ans, d’être responsables de l’état de son enfant malade. Le commandant soupçonna ces enfants d’être également à l’origine de la présence des mauvais esprits chez lui. L’évangéliste de la secte pria toute la nuit dans le but d’exorciser les deux enfants, mais n’aboutit à aucun résultat.

Le commandant prit alors la décision de torturer les enfants avec ses deux gardes du corps jusqu’à ce qu’ils acceptent de « guérir à distance l’enfant malade de la femme membre de la secte ». Pendant deux jours, les enfants furent gravement torturés au moyen de fouets, de gros arbres et de tiges spécialement utilisées pour punir les sorciers en RDC. Interrogé plus tard, un des gardes du corps raconta avoir été étonné de voir un être humain, et surtout un enfant, résister à une telle séance de torture sans mourir.

L’association ONGDH Arche d’Alliance a assuré la prise en charge médicale des enfants ainsi que leur retour dans leur famille. L’association mène encore des recherches pour déterminer l’identité exacte des responsables.

Néanmoins, il apparaît dors et déjà que les actes ont été perpétrés sous l’autorité d’un commandant de l’armée congolaise et donc d’un agent de l’Etat. Ces actes sont constitutifs par conséquent de torture et il est de la responsabilité directe de l’Etat d’intervenir pour sanctionner les responsables et donner réparation aux victimes.

L’OMCT rappelle à la RDC qu’ayant ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, elle est tenue de respecter l’article 37 alinéa 1 qui prévoit que « nul enfant ne doit pas être soumis à la torture, à des peines ou traitement cruels, à l’arrestation ou à la détention illégales(…) ».

L’OMCT rappelle également que l’article 21 de Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant requiert que les «Etats parties (…) prennent toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du Bien-Etre, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l’enfant (…) ».


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